Licenciés pour les fêtes de fin d’année

Pour eux, Noêl et le Réveillon ont été plutôt moroses : ils venaient d’apprendre leur licenciement pour faute grave. Leur employeur, le grossiste Mantes primeurs, leur reproche des vols qui auraient été commis cet été, et a porté plainte à cet effet. Ces sept salariés, de leur côté, démentent ces accusations, et sont soutenus par Force ouvrière. Ils pointent un licenciement économique déguisé, dans un contexte où leur entreprise perdrait des clients.

A l’approche de Noël, ce soir-là, les sourires sont sur les visages, les rues décorées, et l’ambiance festive. Sauf pour ces sept salariés d’un grossiste mantais de fruits et légumes. Eux, en lieu de cadeaux, ont été mis à pied sans salaire, en attendant leur licenciement. Ils attendaient alors leur lettre, la rage au coeur et la déception portée sur le visage.

L’entreprise Mantes primeurs, environ 80 salariés, les accuse de vols en réunion commis durant l’été. Ils se seraient servis dans les stocks du grossiste. Ces derniers s’en défendent : ils estiment être victimes d’un plan social qui ne dit pas son nom, et font noter leur importante ancienneté, plus de quarante ans à eux sept.

Du grossiste local à la multinationale suisse

Mantes primeurs, c’est un chiffre d’affaires de 17 millions d’euros en 2014, en forte baisse par rapport aux années précédentes. Le grossiste en fruits et légumes fait partie du groupe All fresh logistique, basé au marché international de Rungis, qui emploie 390 salariés.

Il a réalisé un chiffre d’affaires de 138 millions d’euros en 2013. All fresh logistique est elle-même filiale de Transgourmet France (qui connaît d’importants déficits, Ndlr), déclinaison nationale du groupe Transgourmet, le numéro deux européen de la distribution pour les professionnels de l’alimentaire, qui emploie 22 700 personnes. Enfin, Transgourmet est la propriété du groupe suisse Coop, société coopérative suisse de grande distribution.

« A l’entretien, on m’a reproché d’avoir été livrer des clients, et d’avoir pris de la marchandise dans le camion en gros volume, le 25 juin, le 4 juillet et le 4 octobre. Je suis diabétique, j’étais en arrêt-maladie du 16 juin au 15 octobre ! », s’indigne Amar Nebba, 32 ans, dont 7 passés comme salarié de Mantes primeurs.

« On me reproche un vol le 7 septembre, un dimanche où je ne travaillais pas », s’étonne également Mohamed El Mouiddene, préparateur de commandes de 28 ans. L’entreprise s’appuie sur des images de vidéosurveillance des 27 caméras de l’entrepôt… sauf que les salariés peuvent faire leurs courses (payantes, Ndlr) dans les stocks de l’entreprise.

Le grossiste argue également, face à ses salariés, du rapport d’un détective privé. Elle s’abstient cependant de le leur montrer. Enfin, Mantes primeurs a déposé une plainte au pénal, aboutissant à l’audition de deux des sept salariés en décembre. Depuis, ils n’ont eu aucune nouvelle de l’enquête policière.

« Je serais à la tête du réseau, tous travailleraient pour moi, remarque avec colère le seul responsable hiérarchique mis en cause, salarié depuis douze ans. Ils nous reprochent d’avoir détourné 300 000 € par an, ça représente trois fois l’entrepôt entier ! »

Pour les sept salariés, c’est la mauvaise année de leur employeur qui est en cause. De presque 25 millions d’euros les autres années, le chiffre d’affaires est passé à 17 millions d’euros en 2014 : « Est-ce un licenciement économique déguisé, alors que la situation de l’entreprise est crtitique financièrement ? », demande le responsable.

Contactée par les salariés, l’union locale Force ouvrière du Mantois les assiste depuis plusieurs semaines, et a rencontré la direction. « Nous avons demandé s’ils ont été remplacés, la réponse est qu’ils vont vers des embauches, sans savoir quand, indique le secrétaire Gérard Reix. S’ils ne sont pas remplacés, ça tendrait à supposer que c’est un plan social déguisé. »

Dans un courrier, le syndicat a également mis en garde l’entreprise, qui aurait dû légalement informer ses salariés de la surveillance vidéo et par détective. Il y estime également que leur mise à pied sans salaire à la veille des fêtes, pour des faits remontant à plusieurs mois, relève « d’une certaine cruauté mentale. »

Les sept accusés comptent bien « faire valoir leurs droits » devant les Prud’hommes, et envisagent de demander réparation au civil, les accusations ayant été rendues publiques au sein de l’entreprise. Contactée par La Gazette, la direction de Mantes primeurs n’a pas souhaité s’exprimer.