Les moyens très limités du renseignement territorial

Dans un tract, la CGT police décrit une situation matérielle inquiétante, confirmée par un autre syndicat, et demande plus de moyens dans les Yvelines pour le Service du renseignement territorial (SDRT).

La semaine dernière, la CGT police a publié sur son site internet un tract, sous forme de tableau comparatif, critiquant le manque de moyens disponibles au Service du renseignement territorial (SDRT), anciennement Renseignements généraux (RG), ainsi que l’attitude de son chef, Jérôme Delage (voir encadré).

Les policiers du SDRT sont les yeux et les oreilles de l’Etat. Leur rôle est d’apporter une information précise et à jour sur le territoire qu’ils couvrent, des conflits sociaux aux dérives extrémistes en passant par la vie des associations. En cas de nécessité, ils font appel à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI, ex-DST), chargée par exemple du démantèlement des filières djihadistes vers la Syrie. « Nous faisons le même travail que les journalistes, mais nous n’avons qu’un seul lecteur : le préfet », confiait récemment un de ses membres à La Gazette. Leur travail est d’être bien informés, ce qui passe par de très nombreux rendez-vous, ainsi qu’une solide veille informationnelle dans la presse et sur internet. Ils ont également la charge de protéger les personnalités de passage dans les Yvelines.

La recension des moyens déficients est plutôt accablante, notamment dans le contexte post-attentats de janvier : manque criant de véhicules de service au point de se déplacer en transports en commun, aucun frais autorisé, qu’il soit de bouche lors des rencontres avec les informateurs, ou d’habillement lors des protections de personnalité, pas d’abonnements aux médias locaux, accès internet non-filtré limité à un seul ordinateur et dans tous les cas très lent. « Le tract est un travail collectif, il est partagé par au moins 15 à 20 % du service, et dans tous les secteurs sauf Rambouillet, détaille Alexandre Langlois, délégué syndical CGT Police au SDRT des Yvelines. On devrait faire du renseignement et intensifier le mouvement en ce moment, ce n’est pas vraiment ça… »

Le manque de moyens décrit dans le tableau de la CGT semble partagé par au moins une autre organisation syndicale. « Qu’est-ce que je réponds à mes collègues qui doivent payer des déjeuners à leurs informateurs sur leurs deniers personnels ? », demande ainsi Julien Lecam, délégué départemental d’Alliance police nationale, syndicat majoritaire aux dernières élections dans les Yvelines. Selon lui, le problème est plus large, et découle du fait que le SDRT est géré par la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) : « La DDSP ayant de gros problèmes de moyens, le SDRT a aussi un manque criant de moyens. » Alliance demande ainsi, au niveau national, la création d’une direction spécifique au renseignement territorial, avec son propre budget.

Le chef d’état-major de la DDSP, le commissaire Yannick Gomez, rappelle de son côté que « la lutte contre le terrorisme dans les Yvelines est davantage l’apanage de la DGSI que du SDRT. » Il ne nie cependant pas les restrictions de moyens. « Nous sommes dans un contexte budgétaire qui n’est pas idéal, ça concerne toute la DDSP, témoigne-t-il ainsi. Nous avons perdu 10 % de gardiens de la paix en trois ans, il faut bien qu’on se débrouille et qu’on se réorganise. »

Rien ne va plus entre le syndicaliste et le responsable du SDRT

Dans son tract de quatre pages, la CGT Police, au-delà des problèmes de moyens, critique de manière très virulente la gestion du chef du Service du renseignement territorial (SDRT), Jérôme Delage, en fonction depuis septembre 2012. Y figure même une recherche d’emploi fictive, pour ce chef décrit comme « architecte d’intérieur », « gourou » et « statisticien. » Derrière ces propos, il y a un conflit de longue date entre le délégué syndical de la CGT, Alexandre Langlois, et son chef. Le délégué pointe, entre autres, un refus d’avancement lié à son mandat syndical, la suppression de son bureau par le passé, ou la non-mise à disposition d’outils de travail.

Alexandre Langlois s’estime victime de « discrimination syndicale qui découle dans les faits d’un harcèlement quotidien, avec des méthodes d’isolation. »
Il envisage d’ailleurs de porter l’affaire devant les tribunaux, afin de demander le versement des indemnités perdues faute d’avancement. Les délégués du personnel des autres syndicats ne semblent pas souffrir de telles pratiques. Jérôme Delage, lui, est plutôt élogieusement décrit par sa hiérarchie qui voit en lui « un chef de service remarquable qui obtient d’excellents résultats », mais aussi par les autres organisations syndicales. Le conflit entre le chef du SDRT et le délégué CGT semble donc d’abord être une affaire de personnes.