Hocine Slimane : «  L’humour, plus tu en parles, moins tu donnes envie aux gens de venir ! »

Cet ancien enfant du Val fourré, devenu comédien et humoriste, bavard en diable, n’aime pas beaucoup parler de lui, trop intéressé qu’il est par les autres et le monde qui l’entoure.

C’est au Centre d’action culturelle (Cac) mantais qu’il nous accueille, un matin de répétition, quelques jours avant son spectacle (voir en page 12, Ndlr). Hocine Slimane, un peu enrobé et la quarantaine bien tassée, salue chacun d’un bon mot au Cac, ou il semble connaître tout le monde.

Bavard en diable, le comédien et humoriste est plutôt détendu lorsqu’il évoque les autres, la société ou à peu près n’importe quel sujet. Mais c’est un homme timide qui s’exprime à l’instant où il devient l’objet de la conversation. Une réserve qui concerne aussi le rire : « C’est le problème de l’humour, plus tu en parles, moins tu donnes envie aux gens de venir ! »

Sa vie commence en 1968 dans le quartier du Val fourré, avec une enfance tranquille et sans histoire. « Nous étions une famille nombreuse, ma mère était donc au foyer, se souvient le comédien. Mon père travaillait pour la mairie de Mantes. Des gens normaux, quoi. »

Lui, plutôt bon élève, profite de son adolescence, joue au tennis plutôt qu’au football, et se découvre une passion pour Raymond Devos, humoriste et écrivain de génie, à l’époque une immense star. Il le voit au cinéma alors qu’il n’a pas 18 ans, et se découvre un intérêt pour la scène : « Pour moi, Devos est un Molière du one man show, c’est complètement surréaliste, tu as l’impression que ce type est fou. »

Le directeur d’une troupe de théâtre fait un casting pour sa compagnie dans son quartier. Il y va par curiosité, est pris, joue dans une de ses créations, puis une seconde. S’il entame des études de cinéma, « mais de cinéma chiant », il les abandonne bien vite : « J’étais comédien, et dans ce métier, tu es tout de suite pris pour un an ou deux, le temps de la tournée. »

Son père ne comprend pas son choix : « Il voulait que je sois à l’usine, venant de là où il venait. » Le métier, lui, ne facilite pas sa vie de famille. Pourtant, il ne le quittera plus jusqu’à aujourd’hui, allant de rencontre en rencontre. Il quitte la compagnie qui l’a vu grandir professionnellement en l’an 2000, et part en solo.

Passionné par l’écriture théâtrale et scénaristique, il n’a cependant pas réussi à percer sur ce terrain, son seul échec peut-être. Les scénaristes sont en effet peu nombreux en France, le réseau crucial pour trouver du travail, et la télévision plutôt frileuse d’après lui. « Aux Etats-Unis, les scénarios sont très dynamiques, tu peux avoir 25 scénaristes pour une seule série. En France, c’est très récent que 4 ou 5 travaillent sur le même projet », raconte Hocine Slimane.

En parallèle des pièces de théâtre et des rôles de télévision ou de cinéma, il s’est toujours produit de temps en temps seul en scène, sur le terrain de l’humour. Son truc, c’est l’observation du monde qui l’entoure, et une écriture un peu travaillée, situationnelle, qui n’est pas du stand up souvent détaché de tout contexte.

« Dans l’humour, c’est vachement compliqué : certains étaient très drôles il y a 10 ans, et ne font plus rire aujourd’hui », remarque le comédien. Lui préfère ceux qui savent faire rire des décennies durant : l’héritage Raymond Devos, forcément, se fait jour à travers ce point de vue.