Deux foyers en déshérence

Ils accueillent des travailleurs étrangers et des demandeurs d’asile, à des tarifs théoriquement très sociaux, qui le deviennent beaucoup moins à l’observation des conditions dans lesquelles ces habitants vivent au sein de ces deux immeubles contigus. Les bailleurs, eux, avancent des rénovations programmées. Ils assurent aussi qu’ils font le maximum pour l’entretien. Les locataires ne sont pas de cet avis.

Entrer dans le foyer, ou plutôt la « résidence » Adoma mantaise de la rue de Buchelay, le long de la voie ferrée, c’est voyager dans un monde un peu particulier. Des propos des résidents, travailleurs immigrés, à ceux du groupe Adoma, ex-Sonacotra, le vertige vous prend tant les visions sont diamétralement opposées. L’environnement des résidents, visité par La Gazette, est à la limite de la décence. Dans cette « cellule » de huit petites chambres, une salle de bains, deux toilettes, une cuisine et une salle collective, les habitants vaquent, se reposent, bref vivent quand ils ne sont pas au travail.

Ainsi, l’on pensait de telles salles de douches, collectives, qu’elles étaient passées aux oubliettes de l’histoire, réservées aux marchands de sommeil. La peinture est écaillée par l’âge, et tombe en paillettes. Les évacuations fuient, depuis plusieurs mois parfois. Les infiltrations règnent, tandis que l’on aperçoit quelques câbles électriques visibles à travers un coffrage dégradé par les années. Des deux toilettes, l’une est à la turque, mais elle est surtout cassée : « La chasse d’eau ne fonctionne plus depuis trois ans », indique un locataire, fataliste. Alors, le récent coup de peinture dans les chambres ressemble fort à un emplâtre appliqué sur une jambe de bois.

« Nous demandons régulièrement que quelque chose soit fait. Mais rien n’est jamais fait ! On nous dit toujours
« Nous demandons régulièrement que quelque chose soit fait. Mais rien n’est jamais fait ! On nous dit toujours « plus tard ». »

« Dans les années 90, ça n’avait rien à voir, c’était beaucoup mieux », se souvient cet ancien président de l’association des résidents. Car, au-delà de l’état déplorable des logements, les locataires, qui paient entre 348 et 383 € par mois, déplorent ce qu’ils décrivent comme une absence totale de communication des responsables du foyer. « Nous demandons régulièrement que quelque chose soit fait. Mais rien n’est jamais fait ! On nous dit toujours « plus tard » », note ainsi l’un des résidents, au milieu de la salle de bains pour le moins dégradée. Tous les locataires questionnés font ainsi état d’un durcissement des relations avec la direction du foyer depuis une bonne décennie.

« Il est clair que le bâti est aujourd’hui vétuste et nécessite un important investissement de notre part pour le maintenir en état de fonctionnement », reconnaît la direction d’Adoma. Une réfection des réseaux de distribution d’eau et des sanitaires est projetée les deux prochaines années, avec 525 500 € d’investissement en 2015. Arguant de 679 interventions techniques en 2014, le groupe assure continuer l’entretien. Surtout, Adoma indique s’être engagé à la modernisation de son parc de foyers, pour transformer les chambres en studios. L’immeuble, construit en 1961, partiellement réhabilité en 1993, propose aujourd’hui 192 chambres de 7,5 m² à 9 m².

Mais le groupe est aujourd’hui dans une situation financière pour le moins délicate, même si l’Etat a récemment remis au pot, et détient aujourd’hui 42 % du capital d’Adoma. Alors, toute rénovation du foyer mantais passera par une participation financière locale. « Une série de contacts prospectifs a eu lieu avec des acteurs institutionnels sur le territoire de la Communauté d’agglomération de Mantes en Yvelines (Camy) », avance la direction. Compte tenu des difficultés financières actuelles des collectivités locales, les résidents du foyer risquent d’attendre encore quelques années.

 

Coallia relance son projet de rénovation

Ces immeubles, transformés en foyer en 1970, sont aujourd’hui dans un état peut-être encore plus dégradé que le foyer voisin.
Ces immeubles, transformés en foyer en 1970, sont aujourd’hui dans un état peut-être encore plus dégradé que le foyer voisin.

Le foyer du groupe Coallia est situé derrière le foyer d’Adoma, au fond d’un chemin bitumé. Ces immeubles, transformés en foyer en 1970, sont aujourd’hui dans un état peut-être encore plus dégradé que le foyer voisin.

« La façade est vétuste, et les locaux aussi », admettent sans peine les responsables de Coallia, gestionnaires de ces logements depuis 2007. Ils assurent que le personnel du groupe passe très régulièrement pour l’entretien et la maintenance : « L’équipe technique maintient le foyer dans un état relatif, et intervient deux jours par semaine. »

Un plan de réhabilitation des foyers, lancé depuis 1997 par une convention avec l’Etat, avait inscrit 90 sites. Aujourd’hui, 37 seulement ont effectivement été réhabilités, le plan étant prolongé tous les cinq ans depuis sa création.

La rénovation complète du foyer mantais semble maintenant sur de bons rails, Coallia assurant même avoir examiné en avril un premier projet de l’architecte sélectionné. Les bâtiments seraient intégralement refaits, offrant 100 places en foyer, moins qu’avant compte tenu des normes obligatoires.

La direction départementale des territoires (DDT) des Yvelines a cependant fait savoir son attachement à la conservation du même nombre de places qu’auparavant, soit 182. En conséquence, un second foyer d’environ 80 places devra naître ailleurs dans le Mantois, dont Coallia cherche encore l’emplacement.