L’étau se resserre

L’un est le président LR (ex-UMP) du conseil départemental, l’autre est le maire FN de Mantes-la-Ville. Pierre Bédier et Cyril Nauth ont tous deux accepté de parler à La Gazette de leurs visions respectives des conflits qui les opposent, des nombreux dossiers brûlants de Mantes-la-Ville, et de leurs relations... ou plutôt de leur absence totale de relations.

Pierre Bédier : « M. Nauth est totalement sous la coupe du siège de son parti »

Pierre Bedier LR Yvelines-640

Vous vous êtes opposé au versement d’une subvention de 750 000 € à la mairie mantevilloise, tandis que Cyril Nauth affirme que le conseil départemental lui doit plus de 3 millions d’euros. Quelle est votre position ?

Tout d’abord, je ne refuse pas de verser : ce serait une faute de gestion de verser cet argent, qui n’est pas dû. Il y a en réalité trois contrats qui nous lient. Nous avons résilié le contrat social de territoire en versant directement les subventions aux associations.

Le principal contrat est pour le développement de l’offre résidentielle (CDOR). Il prévoit que la ville touchait, à la signature, la moitié de la somme que devait lui verser le département si elle atteignait des objectifs de contruction, dans un périmètre et à des conditions définies.

La commune a construit le nombre de logements, mais en dehors du périmètre de Mantes université. La ville doit donc nous rembourser environ
600 000 euros. Etant donné la mauvaise foi avérée de M. Nauth, il y a peu de chances qu’il veuille nous rembourser, en conséquence de quoi, j’ai bloqué un versement, que nous lui devons, d’environ 700 000 euros (pour le Contrat de renouvellement urbain, Ndlr).

Dans le cadre d’une transaction à l’amiable, ce qui serait le plus intelligent, nous pourrions solder notre différend. Nous verserions dans ce cas-là la centaine de milliers d’euros que nous devons, bien loin des trois millions dont rêve M. Nauth, mais qui n’ont aucun fondement juridique ni réel.

Alors que les financements sont bouclés, le déménagement de l’IUT de Mantes en Yvelines dans le nouveau quartier Mantes université n’est pas lancé. Pourquoi le conseil départemental n’a-t-il pas donné son feu vert ?

Nous avons construit à Mantes-la-Ville avec de l’argent public, dont celui du Département, une grande école, l’Isty. Je vous invite à aller voir son taux d’occupation.

A un moment où tout le monde est appelé à faire des économies, construire un grand bâtiment pour remplacer un bâtiment construit il y a à peine 20 ans à côté d’un bâtiment vide, c’est vouloir être tête de chapitre dans un rapport de la Cour des comptes sur le gaspillage des fonds publics.

En conséquence, lorsqu’il apparaîtra vraiment des problèmes de suroccupation de locaux universitaires dans le Mantois, nous pourrons enclencher la seconde tranche du pôle universitaire de Mantes-la-Ville.

Comment décririez-vous vos relations avec Cyril Nauth, et avec la mairie de Mantes-la-Ville depuis son élection ?

A part des injures régulières dans ses tracts et des demandes sans fondement dans ses courriers, aucune relation. Comme il ne les cherche pas, je ne les cherche pas plus. Ma réponse n’est pas un appel au secours, au contraire !

Vous n’avez pas de mots assez durs pour Cyril Nauth lors de vos interventions publiques. Tout cela ressemble fort à une guerre ouverte, par tous les moyens à votre disposition. Est-ce le cas ?

Je ne mets jamais mes opinions personnelles sur un individu en avant, pour quelque commune que ce soit. La vérité est que M. Nauth est nul, archi-nul, il ne sait pas où il va, il ne sait pas ce qu’il veut faire, et donc, il est impossible de travailler dans ces conditions avec un élu, quelque soit son étiquette.

Malheureusement, et croyez bien que je le regrette, les Mantevillois vont souffrir pendant 5 ans de cette nullité, mais la loi est la loi : M. Nauth est un maire légal même s’il est totalement illégitime.

Est-ce que ce conflit et ses nombreux dommages collatéraux ne risquent pas de toucher d’abord les Mantevillois, plus même que par la seule politique mise en oeuvre par le FN ?

Quand un de vos enfants va passer le bac, ce n’est pas vous qui pouvez passer les épreuves à sa place. C’est pareil dans une commune : quand le maire est nul, ce ne peut pas être le président du conseil départemental ou celui d’une autre collectivité qui peut faire à sa place, la loi est la loi. Cette loi qui permet à M. Nauth d’être un maire légal ne nous permet pas de faire à sa place et de combler sa nullité. J’ai même la conviction, pour être très franc, qu’en réalité ce n’est pas M. Nauth qui est maire de Mantes-la-Ville.

Plusieurs indices me laissent à penser qu’il est totalement sous la coupe du siège de son parti, qu’il ne fait qu’exécuter leurs ordres, et que même lorsque, parce que ça lui arrive, il a une idée, il est empêché de la mettre en oeuvre parce qu’elle correspond à ce qu’il ressent du terrain, mais qu’elle ne colle pas avec la ligne du parti. Et je pense en faire très prochainement la démonstration.

 

Cyril Nauth : « Je suis là jusqu’en 2020 »

Cyril Nauth Maire Mantes la ville FN-640

Vous estimez que le conseil départemental vous doit environ 3 millions d’euros de subventions, Pierre Bédier affirme qu’il ne vous doit qu’un reliquat de 100 000 €. Quelle est aujourd’hui votre position ?

Il est hors de question de renoncer à ces subventions. S’il persiste et signe, ça se règlera certainement devant la justice administrative. Ce sera sans doute long, malheureusement. Je crois que c’est le but de Pierre Bédier, retarder ce versement pour tenter de nous étrangler financièrement.

Ces subventions concernent uniquement des travaux ou des engagements pris par mon prédécesseur (Monique Brochot, PS, Ndlr), qui a indiqué qu’elle avait respecté ses engagements. Ce qui est étonnant dans l’attitude de Pierre Bédier est qu’il a mis du temps à dire que les termes du contrats n’avaient pas été respectés, et c’est pour ça qu’on peut soupçonner une maneuvre politique totalement déloyale.

Après avoir indiqué votre intention de préempter l’ancien hôtel des impôts, revendu par la Camy à l’AMMS pour y déménager la salle de prière du boulevard Salengro, afin d’y réaliser une maison médicale, c’est un poste de police municipale qui est aujourd’hui proposé par votre majorité. Ce changement a-t-il été impulsé par la direction du FN, dont Pierre Bédier estime que vous êtes « sous la coupe » ?

Il y a effectivement une rumeur parue dans la presse, disant que j’avais proposé une maison médicale, c’est totalement faux. Je n’ai quasiment aucun contact avec le siège du FN. Sur cette affaire, les seuls conseils que j’ai eu sont ceux de mes avocats. Il n’est pas nouveau que le FN s’intéresse au thème de la sécurité, il y a une logique certaine dans ce projet.
Vous n’avez pas fait des associations une priorité budgétaire, en abaissant de 20 % l’ensemble de leurs subventions dès votre arrivée en 2014.

Ces derniers mois, les associations perçues comme politiquement hostiles au FN ont perdu ou subi de très fortes réductions de leurs subventions, et pour certaines que le conseil départemental a récemment choisi de subventionner, ont été coupées de toute possibilité de louer une salle ou d’animer un atelier municipal. Quelle est votre perception du monde associatif mantevillois, et de votre rôle de maire ?

En 2015, il n’y a pas eu finalement tant de révolution, le seul vrai changement est le FC Mantois (qui a vu sa subvention abaissée de 75 %, Ndlr) qui était lié à des problématiques de remise aux normes. Sur la seconde polémique touchant les 12 associations qui ont signé un contrat local exceptionnel de solidarité : ce qui est très gênant est le caractère exceptionnel que ça a pris, avec un discours très offensif, très accusatoire de Pierre Bédier et de Marie-Célie Guillaume (vice-présidente au conseil départemental, Ndlr).

Pour autant, je ne leur fais pas de procès d’intention, j’ai reçu certaines d’entre elles et je vais en recevoir d’autres. Il n’y aura pas de boycott systématique, en revanche, nous allons regarder de plus en plus le comportement, l’attitude et les actions portées par ces associations et d’autres. Une association, surtout si elle reçoit une subvention ou des avantages en nature, doit se confronter à un regard critique de la municipalité. Nous pouvons mettre un terme à des collaborations si nous estimons que leurs actions sont mal faites, nuisibles, ou mieux faites par d’autres. Il n’y a pas de sujets tabous.

Comment décririez-vous vos relations avec Pierre Bédier, et avec le conseil départemental ?

A part les conflits et les polémiques, elles sont totalement inexistantes. Il a encore des sympathisants à Mantes-la-Ville, il faudrait que Pierre Bédier ne l’oublie pas. Qu’il le veuille ou non, je suis maire, et je suis là jusqu’en 2020, si Dieu me prête vie. Je m’interroge sur ce comportement hostile, mais qui en fait nuit ou pourrait nuire plus aux habitants qu’à la municipalité.

Si votre perception est juste, et que Pierre Bédier vous mène une guerre politique, entrer dans ce jeu en rendant coup pour coup ne revient-t-il pas, finalement, à faire payer ce conflit à l’ensemble des Mantevillois, y compris vos électeurs ?

Je ne me lève pas tous les jours en pensant à Pierre Bédier, en me demandant ce que je pourrais dire de mal contre lui ou faire contre ses intérêts. S’il continue à me donner des coups, évidemment, je répondrai, mais hors de la campagne électorale, ce n’est pas moi qui ai porté les premiers coups, et contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas ce que je recherche.

En continuant à agir ainsi, il ne fait que me pousser régulièrement dans mes retranchements, et il va forcément en pâtir aussi. Tout ça est peut-être de l’énergie perdue pour le territoire : ça n’enlève rien à tout le mal que je peux penser de ce qu’il représente par ailleurs, après, s’il propose des choses et des idées intéressantes, je serai derrière lui.