Agglos : le défi de la fusion

Alors que l’Etat impose à six communautés de communes et d’agglomération de fusionner en une entité unique au premier janvier 2016, les maires et autres élus des 73 villes concernées ne cachent pas une certaine inquiétude. Réunis en séminaire à Mézières-sur-Seine, ils ont continué à préparer ce saut vers l’inconnu, dont ils espèrent qu’il ne se soldera pas par la colère de leurs électeurs.

La semaine dernière, le pôle métropolitain Grand Paris Seine aval, préfiguration de la future agglomération qui unira les six intercommunalités actuelles de Rosny-sur-Seine à Conflans-Sainte-Honorine, était en séminaire. Les élus de 73 communes y ont échangé afin que la fusion, effective au 1er janvier 2016, ne soit pas un désastre pour leur électeurs.

En vallée de Seine, la future agglomération issue de la fusion de six intercommunalités rassemblera 73 communes au premier janvier 2016.
En vallée de Seine, la future agglomération issue de la fusion de six intercommunalités rassemblera 73 communes au premier janvier 2016.

Devant la salle des fêtes méziéroise, le spectacle est inhabituel pour un jeudi matin. « Ce doit être une réunion d’ancien combattants », commente un passant face au nombre élevé d’hommes au costume noir ou bleu se saluant sur le trottoir. A côté de l’école toute proche, une majorité de mamans est au courant de la fusion à venir, mais en ignore les répercussions.

Des répercussions pourtant dans toutes les têtes des plus de 100 hommes et femmes politiques réunis lors de ce séminaire, sur les presque 300 conseillers communautaires et maires invités à ces grandes réunions de travail. S’ils en veulent toujours à l’Etat qui a imposé cette fusion l’an dernier, les élus ont conscience du fait qu’un échec de sa réalisation les mettrait en danger vis-à-vis de leurs électeurs.

De nombreux élus étaient quelque peu perplexes lors de l’’atelier consacré aux finances.
De nombreux élus étaient quelque peu perplexes lors de l’’atelier consacré aux finances.

« Tout ne sera pas réglé au 1er janvier, c’est impossible », avertit d’ailleurs en préambule Philippe Tautou, maire LR de Verneuil-sur-Seine et président du pôle métropolitain. Plus concrètement, les responsables politiques de droite comme de gauche veulent éviter à tout prix que des services ne fonctionnent plus post-fusion.

« Toutes les intercommunalités qui ont évolué ne l’ont jamais fait en moins de 18 mois. Là, nous n’avons pas ce temps, résume froidement la direction du pôle métropolitain. Comment fait-on pour que les ordures soient traitées, et la neige déneigée à partir du premier janvier ? »

Pendant l’atelier finanes, le maire des Mureaux François Garay (DVG) a longuement échangé avec le président du pôle métropolitain, Philippe Tautou.
Pendant l’atelier finanes, le maire des Mureaux François Garay (DVG) a longuement échangé avec le président du pôle métropolitain, Philippe Tautou.

La seconde crainte majeure du personnel politique local est fiscale. Il faut en effet harmoniser tous les taux des portions intercommunales des taxes locales des six communautés avant la fusion, mais sans que le niveau d’imposition ne change.

Cela passera donc par des modifications majeures des taux des portions communales, votés prochainement par chaque mairie. « Notre axe est un système de neutralité. Il ne doit y avoir ni plus ni moins, c’est un principe extrêmement important dans les fusions », a avancé le consultant Edouard Julla face aux élus de l’atelier dédié aux finances.

Pierre Bédier, Philippe Tautou et Karl Olive, trois des poids-lourds LR de la future agglomération, ont longuement échangé lors du déjeuner.
Pierre Bédier, Philippe Tautou et Karl Olive, trois des poids-lourds LR de la future agglomération, ont longuement échangé lors du déjeuner.

Son cabinet a expérimenté des changements de taux sur les 200 000 feuilles d’impôt des contribuables de la vallée, afin de faire des propositions à chaque commune. La majorité politique en place est libre ou non de les suivre. Certains élus montrent leur scepticisme devant ces changements, qui modifient parfois lourdement la politique fiscale de leur commune.

Le consultant prévient en réponse : « Votre feuille d’impôts d’octobre 2016 déterminera le jugement des citoyens. » Une fois la transition effectuée sans dommages et sans augmentation d’impôts, il leur faudra alors réussir à moins dépenser après qu’avant la fusion. Les prochaines années s’annoncent donc plutôt chargées.

URBANISME ET VOIRIE AU CŒUR DES ESPRITS

« Nous sommes en train de faire une révision de notre plan local d’urbanisme (communal et rendu caduque par le Plui, Ndlr), prendrez-vous en charge le coût de la révision ? », demande Didier Broquet, adjoint à Aulnay-sur-Mauldre.
« Nous sommes en train de faire une révision de notre plan local d’urbanisme (communal et rendu caduque par le Plui, Ndlr), prendrez-vous en charge le coût de la révision ? », demande Didier Broquet, adjoint à Aulnay-sur-Mauldre.

A l’exception des impôts locaux, ce sont la voirie et l’urbanisme qui focalisent les débats. L’intégration de la voirie dans les compétences de la future agglomération soulève les craintes des élus locaux, car le sujet est sensible pour leurs électeurs. L’on s’y achemine malgré tout, car cette compétence est obligatoire en communauté urbaine, forme juridique vers laquelle tend la fusion, même si un vote devra le formaliser.

Côté urbanisme, l’atelier consacré à la mise en place d’un plan local d’urbanisme intercommunal (Plui) a déclenché quelques débats, ce choix représentant une perte de pouvoir. Longtemps prérogative exclusive des maires, il ne leur est pas facile de l’abandonner, et ce changement est en partie à l’origine des craintes des élus des communes rurales, d’après plusieurs présents.

« Nous sommes en train de faire une révision de notre plan local d’urbanisme (communal et rendu caduque par le Plui, Ndlr), prendrez-vous en charge le coût de la révision ? », demande Didier Broquet, adjoint à Aulnay-sur-Mauldre. La réponse est négative pour des raisons juridiques. Pour beaucoup de communes de la vallée révisant en ce moment leur Plu, cela signifie une perte financière nette, parfois importante pour les plus petites villes.