Dans l’attente d’une régularisation depuis 15 ans

Mostepha Redjil est entré sur le territoire français en 2000, avec un passeport algérien revêtu d’un visa court séjour. Depuis, il multiplie les démarches pour régulariser sa situation que la préfecture des Yvelines ne veut pas entendre.

Il vit à Poissy avec rien ou presque. Aidé par des amis ou des bonnes âmes du quartier Beauregard, Mostepha Redjil ne voit pas le bout du tunnel. Celui qui a quitté l’Algérie, où il travaillait dans un garage, est venu en France alors que son pays d’origine faisait l’objet de multiples attaques terroristes. Blessé à une jambe pour ne pas avoir suffisamment payé une dette de soudoyeur, il demande l’asile territorial en France en 2000. Mais le ministère de l’Intérieur rejette sa demande en 2002.

Le 19 septembre 2003, il est interpellé par les services de la police judiciaire de Poissy et placé en centre de rétention. C’est à ce moment qu’il sollicita pour la première fois, au titre de l’aide juridictionnelle, la défense de maître Yasmina Sidi-Aïssa. Quelques années plus tard, en 2008, il fait de nouveau appel à cette avocate pour régulariser sa situation en France. « Monsieur Redjil avait déposé une demande de titre de séjour en qualité d’étranger malade auprès des services préfectoraux de la préfecture des Yvelines. Le dossier n’avançant pas, il avait pris contact avec moi. J’avais pu constater à l’époque que le médecin-inspecteur de l’ARS (Agence régionale de Santé, Ndlr) avait donné un avis favorable de 2 ans. Cela voulait dire, d’un point de vue juridique, que la préfecture des Yvelines aurait dû délivrer un titre de séjour à monsieur Redjil », se remémore l’avocate du barreau de Versailles.

« Au lieu de me donner une carte de séjour, ils ont continué à me donner des récépissés », précise Mostepha Redjil. Le référé déposé par Me Yasmina Sidi-Aïssa et son client, a ensuite été débouté, malgré « une décision favorable quatre ans après », qui ne servait plus « à grand-chose », explique l’avocate. « En termes de services préfectoraux, au service des étrangers, il n’y a que les statistiques et l’image de marque qui comptent à Versailles, affirme Me Yasmina Sidi-Aïssa. La connaissance juridique des dossiers et du droit c’est zéro. C’est une calamité, la préfecture des Yvelines. »

C’est au titre de l’aide juridictionnelle que Mostepha Redjil a pu bénéficier, à plusieurs reprises, des services de maître Yasmina Sidi-Aïssa
C’est au titre de l’aide juridictionnelle que Mostepha Redjil a pu bénéficier, à plusieurs reprises, des services de maître Yasmina Sidi-Aïssa

Mostepha Redjil a multiplié pendant des années les récépissés de demande de titre de séjour, dont l’un lui a permis de travailler comme carrossier en 2009 à l’usine PSA de Poissy. En 2011, Mostepha Redjil renouvelle sa demande de titre de séjour, au titre cette fois de l’accord franco-algérien (du 27 décembre 1968, Ndlr) dont il dépend. Ce dernier prévoit la délivrance de plein droit d’un certificat de résidence temporaire, à l’étranger algérien, pouvant justifier de sa présence sur le territoire depuis dix ans. C’est alors devant la commission dû titre de séjour qu’il a du se présenter. « La préfecture convoque devant cette commission l’étranger qui peut justifier de sa présence en France, mais dont elle envisage de refuser la délivrance du titre. La préfecture conteste ce point mais a convoqué Monsieur Redjil. C’était un aveu pour moi qu’il avait bien dix ans de présence en France. »

Mostepha Redgil affirme avoir entendu par téléphone, quelques jours après la tenue de la commission, que l’avis concernant sa demande était « favorable ». Mais l’avis s’est avéré défavorable, huit mois plus tard par écrit, avec une obligation de quitter le territoire, datée du 4 avril 2014. Les différents documents fournis par le demandeur, prouvant de sa présence en France entre 2004 et 2007 (relevés de comptes et passage aux urgences, Ndlr) et les récépissés préfectoraux, reçus de 2007 à 2015, n’ont pas suffi. Mostepha Redjil continue de se battre pour obtenir sa régularisation dans « le pays des droits de l’homme ». Aujourd’hui, c’est toujours à Poissy qu’il vivote. À quelques jours de ses 42 ans, il passe ses nuits dans une laverie, en attendant qu’une place se libère dans un des hôtels du 115 (samu social, Ndlr) qu’il connaît déjà trop.

Exaspéré, dans l’impossibilité de se mouvoir sur le territoire, il ne peut pas travailler légalement. Se considérant comme « pris en otage » en France, Mostepha Redjil a plusieurs fois envisagé le pire. Malgré plusieurs sollicitations de notre part la semaine dernière, le service communication de la préfecture des Yvelines n’a pas été en mesure de répondre à nos questions, tant concernant le cas de Mostepha Redjil que la situation plus générale du déroulement des demandes de titres de séjour.

Mise à jour, 18 novembre 2015 :
La préfecture des Yvelines nous a envoyé la réponse suivante : « La préfecture des Yvelines confirme que cette personne est en situation irrégulière au regard du droit au séjour. Le processus administratif est désormais arrivé à son terme. M. Redjil a épuisé les différentes voies de recours possibles. Il a désormais obligation de quitter le territoire. »