Médecins : la disparition

La désertification médicale de la vallée de Seine semble aujourd’hui inarrêtable, chez les praticiens libéraux mais aussi à l’hôpital.

Les médecins sont de moins en moins nombreux à venir s’installer, et ne compensent même plus les départs en retraite malgré l’accroissement de la population. Dans les Yvelines en général et en vallée de Seine en particulier, l’alarme a été tirée par les professionnels depuis plusieurs années, mais rien n’est venu arrêter la tendance.

« Pour l’instant, la démographie médicale n’a pas chuté de façon dramatique, mais nous sommes très inquiets, relate ainsi de la situation départementale Philippe Prudhomme, gastro-entérologue au Chesnay et président de l’ordre yvelinois des médecins. Nous avons environ 25 % de retraités actifs, c’est-à-dire qu’ils peuvent prendre leur retraite à tout moment mais continuent d’exercer. »

L’analyse est partagée par Catherine Arenou, maire DVD de Chanteloup-les-Vignes et médecin généraliste. Elle exerçait encore il y a quelques mois, avant de fermer son cabinet de Carrières-sous-Poissy. « Depuis trois ans, je cherchais un médecin pour prendre ma succession, donne-t-elle en exemple. Même avec un travail et des revenus assurés, malgré le fait que ce soit cédé gratuitement, je n’ai pas réussi à trouver, comme plusieurs collègues de la zone Poissy-Triel-Andrésy. »

« Depuis trois ans, je cherchais un médecin pour prendre ma succession, donne en exemple Catherine Arenou, médecin généraliste et maire DVD de Chanteloup-les-Vignes. Je n’ai pas réussi à trouver. »
« Depuis trois ans, je cherchais un médecin pour prendre ma succession, donne en exemple Catherine Arenou, médecin généraliste et maire DVD de Chanteloup-les-Vignes. Je n’ai pas réussi à trouver. »

Comme d’autres médecins contactés, elle met en cause, au niveau national, la féminisation de la profession, combinée au souhait des médecins d’avoir une meilleure qualité de vie… et donc des horaires moins chargés : « Personne n’avait anticipé cette évolution sociétale, et les jeunes médecins sont aussi touchés par la notion des 35 h et le droit aux loisirs. Il en faut deux pour remplacer un homme qui exerçait 75 heures par semaine. »

Si la désertification médicale touche l’exercice en libéral, c’est également le cas dans les hôpitaux, qui ont de grandes difficultés à recruter des spécialistes. Ils doivent aussi encaisser le report de patients n’ayant pas trouvé de médecin libéral. Six postes sont par exemple vacants aux urgences de l’hôpital mantais, tandis que le service voit année après année le nombre de ses usagers augmenter.

« Nous voyons bien que l’augmentation des passages aux urgences concerne d’abord celles qui ne sont pas suivies d’hospitalisation, il n’y a tout simplement pas assez de médecins en ville, avance ainsi Stéphane Hazan, chef du service des urgences mantais. Je ne sais pas jusqu’à quand les urgences pourront fournir ce service : à un moment, ça risque de bloquer. »

Tous les médecins interrogés par La Gazette prévoient qu’un point de rupture sera atteint dans les années à venir. « Nous, nous le savons, mais je crois que les habitants ne savent pas encore que la démographie médicale est dans un état catastrophique », prévient Catherine Arenou. L’élue sait que le réveil risque d’être difficile.

Yvelines
2007 – 2015 : 16 % de généralistes en moins

Le département est touché de manière assez similaire au reste de l’Île-de-France, qui connaît l’une des plus fortes baisses des effectifs de médecins en France. Il y a presque 3 700 médecins en activité dans les Yvelines, dont un peu plus de 1 000 généralistes. L’âge moyen est de 53 ans, et 50,9 % sont des femmes.

La densité de médecins généralistes libéraux et mixtes est de 7,2 pour 100 000 habitants, soit une baisse de 16 % par rapport à 2007. Côté spécialistes, les ophtalmologistes, pédiatres, gynécologues et psychiatres sont parmi les moins présents dans les Yvelines, tous connaissent des variations à la baisse depuis 2007, jusqu’à 21 % en pédiatrie.

L’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France définit régulièrement les zones les moins bien fournies. Les territoires les plus menacés de devenir déserts médicaux sont les « zones déficitaires » : Mantes-la-Jolie, Mantes-la-Ville, Bonnières-sur-Seine sont concernés dans la vallée. Moins en danger, d’autres sont placés sous surveillance comme « zones fragiles » : Limay, Meulan-en-Yvelines, Aubergenville et Andrésy en font partie.

Maisons médicales, pacte étudiant, complément de rémunération :
comment recruter des médecins ?

Confrontés aux départs en retraite des médecins libéraux, les élus essaient de modifier la tendance dans leurs communes respectives. Cela passe par les maisons médicales, regroupant les professionnels et dont la mode ne se dément pas. D’autres font le choix de compléter la rémunération mensuelle des médecins pour les assurer d’un revenu minimum de 6 900 € mensuels bruts , comme à Meulan-en-Yvelines, ou de payer les étudiants en médecine en échange de trois ans de pratique, comme Limay vient de s’y engager.

De Rosny-sur-Seine à Conflans-Sainte-Honorine, les communes sont surtout nombreuses à préparer la construction de maisons médicales, ou à réorganiser celles qui existent pour les rendre plus attractives. « Croire que des murs seront suffisants est une grave erreur, estime cependant Frédéric Prudhomme, président de l’ordre des médecins yvelinois. Le maire a l’impression de faire ce qu’il avait à faire, mais il faut d’abord se rapprocher des professionnels existants avant d’attirer des jeunes sur un projet commun. »