Viré, le premier adjoint dit sa vérité

Il était adjoint aux finances jusqu’à la semaine dernière. Jean-Frédéric Berçot (LR) raconte ce qui a mené à son alerte du procureur de la République, puis au retrait de ses délégations par la majorité.

Quelle est la genèse du conflit d’aujourd’hui ?
Quand on est arrivé aux affaires en 2014, j’ai vu apparaître quelqu’un que je n’avais jamais vu, nommé auprès du maire dans l’équipe de direction de l’administration municipale. J’ai appris à l’été que cette personne cumulait cette casquette avec la direction d’une association importante à Poissy. J’ai dit au maire qu’on était déjà en situation de conflit d’intérêt, et qu’il faudrait être vigilant pour qu’elle ne soit pas mêlée, de près ou de loin, aux décisions de subventions concernant son association.

En 2015, premier incident, on m’a demandé que la Ville prenne en charge la facture d’un événement organisé par cette association. J’ai refusé de payer le buffet assis pour une centaine de personnes, un peu moins de 10 000 euros. J’ai eu un premier clash avec le maire, qui m’a demandé de le prévenir la prochaine fois. Une subvention exceptionnelle de ce montant a été attribuée par la suite, après demande de l’association. Elle passait alors de 119 000 euros de subventions en 2014 à 159 000 euros en 2015.

J’ai redit au maire qu’il fallait faire attention au mélange des genres, qu’on aurait au cours de la mandature un contrôle de la chambre régionale des comptes. Il fallait corriger les défauts de contrôle et évaluer les risques. Arrive 2016, je demande au printemps une note d’analyse à ma direction des finances pour faire un point sur les dix plus grosses associations subventionnées. Elle refuse et me propose de m’envoyer les dossiers eux-mêmes. Je me suis dit que je les regarderai pendant mes vacances.

« Je pensais que ce dépôt [auprès du procureur] allait le forcer à prendre la bonne décision. Il en est ressorti autre chose... », indique Jean-Frédéric Berçot, encore premier adjoint pour quelques jours.
« Je pensais que ce dépôt [auprès du procureur] allait le forcer à prendre la bonne décision. Il en est ressorti autre chose… », indique Jean-Frédéric Berçot, encore premier adjoint pour quelques jours.

Que découvrez-vous alors ?
J’avais appris que l’agent de la direction générale concerné était nommé directeur sportif d’un gros club de sport lui aussi subventionné (les deux associations représentent un total d’environ 500 000 euros annuels de subventions communales, Ndlr). Cela le plaçait pour moi dans une situation de conflit d’intérêt aggravé.

En contrôlant le dossier, je suis tombé le cul par terre. Je découvre qu’une des demandes de subventions est portée par trois agents du service des sports dont le directeur, tous membres de l’association. Et ce sont ces mêmes agents qui doivent s’assurer du bon emploi à travers un avis technique ! Le système est flagrant de confusions entre le demandeur, le receveur et le contrôleur des fonds, qui est à chaque fois au moins partiellement le service des sports.

Je tombe alors sur un avis financier défavorable du service des finances, dont un déficit budgétaire depuis 2010. Ca me pose un problème, je n’ai jamais eu connaissance de cet avis, et on n’est pas là pour assurer le fonds de roulement ou les déficits. D’autres facteurs ont donc prévalu pour l’attribution de la subvention. En partant du conflit d’intérêt, on ne peut avoir que commission d’infractions : trafic d’influence, concussion et détournement de fonds publics.

Pourquoi prévenir le procureur directement ?
Le samedi 27 août, je décris la situation au maire. Il me dit que j’ai un problème avec cet agent. Je lui dis comprendre que le maire ait du mal à choisir entre son premier adjoint et son pote de 25 ans. Le lendemain, je demande la démission de l’agent par écrit, mais je le vois à une cérémonie, je comprends vite qu’il est là pour se montrer.

Lundi, j’appelle le procureur, je dépose un dossier de signalement de conflit d’intérêt, j’envoie un SMS au maire pour l’en informer. A un moment donné, on est comptable de l’intérêt général et de l’emploi des fonds publics. Le maire ne m’a pas choisi pour rien, j’attendais une réciprocité de la confiance. Je pensais que ce dépôt allait le forcer à prendre la bonne décision. Il en est ressorti autre chose…

Sur tous les pans de notre gestion publique, on fait en sorte que la Ville ne retombe pas dans la situation d’avant 2008, avec un député-maire mis en examen et lourdement condamné pour de la confusion des genres. Mes autres fonctions professionnelles (ex-haut fonctionnaire de Bercy et administrateur à la mairie de Paris, Ndlr) ne m’incitent pas au compromis ou à la compromission dans ce genre d’affaires. Quand on dit transparence, rendre compte, intégrité et bonne gestion, il faut être en cohérence.

Karl Olive : « Il est manifestement débordé par ses ambitions personnelles »

Le maire de Poissy, Karl Olive (LR), indique comme « un mensonge éhonté » l’affirmation de son premier adjoint qu’il ne connaissait pas l’agent concerné avant l’élection : « Ils trônaient tous les deux côte à côte déjà en novembre 2013 sur les marches de l’hôtel de ville » (une photo le confirme, Ndlr).

« Jamais je n’aurais imaginé que mon premier adjoint, mon plus proche élu, nous ferait un petit dans le dos de cette manière », déplore-t-il, et demande : « Pourquoi a-t-il validé les demandes de subvention de l’association dans laquelle figure l’agent qu’il vise ? Pourquoi les a-t-il votées sans mot dire en conseil municipal depuis 2014 ? »

D’après l’édile pisciacais, « l’objectif » consistant à « se présenter comme le chevalier blanc » est « inacceptable ». Il signale un « désinvestissement latent depuis des mois » au sein de la municipalité, et estime en conclusion que Jean-Frédéric Berçot est « manifestement débordé par ses ambitions personnelles ».