FN à Mantes-la-Ville : le mandat du chacun chez soi

Depuis son élection, le premier maire FN d’Île-de-France se place dans le strict encadrement légal de sa fonction. Au risque, parfois, que les citoyens règlent eux-mêmes leurs différends.

En vallée de Seine, les maires sont tous différents sur l’échelle de l’implication auprès des habitants. A une extrémité de ce large panel figure Karl Olive (LR), le maire de Poissy, qui se considère dans son récent livre autant « maire » que parfois « mère ». A l’autre extrémité, l’on trouve Cyril Nauth (FN), le maire de Mantes-la-Ville, dont certains habitants aimeraient qu’il aille parfois au-delà du strict cadre légal de sa fonction.

S’il ne s’inspire pas, de son propre aveu, des autres communes dirigées par le FN, un parallèle s’en dégage : celui de la responsabilité individuelle érigée en politique du chacun chez soi, pas très éloignée du chacun pour soi. Face aux incivilités, face à la perception du manque d’implication, les habitants croisés ces dernières semaines regrettent d’être souvent renvoyés à eux-mêmes.

Au Domaine de la vallée, quartier métamorphosé par la rénovation urbaine, ils déplorent ainsi saleté et détritus. « J’ai été dans une grande cité à Champigny (Val-de-Marne), il y avait beaucoup plus de passages et ce n’était pas aussi sale », observe ainsi Sabrina, arrivée il y a quatre ans.

« Ici, ce ne sont que des gens qui vivent ici, ou des jeunes scolarisés [au collège tout proche], estime en retour Cyril Nauth. Les responsables sont ces deux catégories de population, si les gens faisaient l’effort d’être plus soigneux, ce serait beaucoup plus propre. Je ne vois pas au nom de quoi je ferais porter à l’ensemble de la collectivité des passages plus fréquents parce que les gens, ici, sont plus sales. »

Dans le quartier des Merisiers-Plaisances cette fois-ci, les locataires du petit centre commercial déplorent ce manque d’attention portée aux petites incivilités. « Il y a un problème de fréquentation du centre l’après-midi, indique ainsi le médecin généraliste. J’ai l’impression que quand un médiateur passait et discutait, ça se passait mieux et ça allait moins loin. »

« Et on avait un interlocuteur, parce que je ne vais pas appeler la police, ce ne sont pas des délits, confirme le propriétaire du supermarché Franprix, lui qui vient de rénover son magasin. On a un potentiel important, et les clients ne veulent pas venir. Le centre commercial n’est pas un centre de loisirs. Il ne faudrait pas grand-chose, mais on nous dit qu’on ne peut rien faire. »

« Vous savez, 95 % du temps, il faut dire non aux gens qui viennent vous solliciter, [...] car je pense que c’est dans l’intérêt du collectif, ou que je ne peux pas parce que ce n’est pas à la commune de s’en charger », explique le maire.
« Vous savez, 95 % du temps, il faut dire non aux gens qui viennent vous solliciter, […] car je pense que c’est dans l’intérêt du collectif, ou que je ne peux pas parce que ce n’est pas à la commune de s’en charger », explique le maire.

Ce « pas grand-chose » se retrouve à l’école primaire et maternelle des Brouets, où l’exaspération est à son comble, là encore à cause du manque de civisme d’une minorité. Enclavée au sein du quartier, elle est le théâtre, matin et soir, de la lutte entre automobilistes-parents et piétons petits ou grands.

« Il y a déjà eu une bagarre l’an dernier, et une maman, cette semaine (mi-septembre, Ndlr), a failli voir son gamin renversé », s’emporte ainsi Lorena, mère de famille de 33 ans, notant le peu de présence de la police municipale. Alors, comme d’autres, elle n’a pas bien reçu le récent courrier du maire indiquant « des mesures » destinées à assurer « un haut niveau de sécurité » aux écoliers en ces temps d’attentats.

Selon nos informations, Cyril Nauth a bien proposé un jour au conseil d’école de venir en personne un matin tancer les plus agressifs des automobilistes, mais comme une boutade… sauf que les parents présents, eux, étaient plutôt intéressés, et de manière tout à fait sérieuse. Alors, en attendant, le risque d’une nouvelle bagarre semble devoir rester au plus haut.

« J’ai proposé un aménagement éventuel (fermer les accès actuels pour une sortie unique de l’autre côté du pâté de maison, Ndlr), que les enseignants ont refusé, je ne peux l’imposer, commente l’édile du problème. Si les gens sont inciviques, [la présence de la police municipale] ne sert pas à grand-chose. »

S’il remplit le rôle dévolu par la loi, il s’y arrête également. L’homme est prudent, prend peu de risques et fait encore moins de promesses. « Vous savez, 95 % du temps, il faut dire non aux gens qui viennent vous solliciter, […] car je pense que c’est dans l’intérêt du collectif, ou que je ne peux pas parce que ce n’est pas à la commune de s’en charger », explique Cyril Nauth de son rôle.

« Il a un projet de société davantage axé sur un libéralisme social où chacun s’occupe de soi, analyse de ces deux premières années de mandat FN Romain Carbonne, président du Collectif de réflexion et d’initiatives citoyennes (Cric), « politique mais pas politisé », créé au lendemain de l’élection de 2014. C’est un axe politique, un concept où par exemple, les parents (et non la mairie, Ndlr) doivent aller en vacances avec leurs enfants. »

« C’est aussi une manière de limiter les risques au maximum », complète-t-il. Avant d’avancer une explication plus personnelle à Cyril Nauth : « Mais peut-être qu’il ne sait pas faire, il est mal à l’aise en public ». Un trait de caractère que confirme son ancien directeur de cabinet : « Ce n’est pas quelqu’un qui va spontanément dire bonjour, même avec ses adhérents (du FN, Ndlr), il est assez taciturne et froid » perçoit ainsi Nicolas Boher, aujourd’hui en procès contre la mairie mantevilloise.