Biodiversité : les collectivités s’associent pour compenser les pertes

Un groupement lancé par le Conseil départemental met à disposition des friches pour des « mesures compensatoires » à la perte de biodiversité causée ailleurs.

En 2014, le Conseil départemental des Yvelines lançait une expérimentation en proposant une « offre de compensation écologique ». Cette dernière se concrétise actuellement par l’intégration de huit nouveaux sites dans le dispositif (voir encadré) et la création d’un Groupement d’intérêt public (GIP), auquel peuvent adhérer les intercommunalités. Une « démarche pilote » en vallée de Seine a en effet permis de valider son intérêt aux yeux des élus.

Les mesures de compensation écologique sont inscrites dans la loi française depuis 1976. Elles sont obligatoires pour les entreprises privées comme pour les institutions et collectivités publiques, lors de chantiers d’aménagement aboutissant à une perte de biodiversité. En 2016, une nouvelle loi sur la biodiversité est venue préciser les règles à suivre : il y est notamment inscrit la possibilité d’instaurer des mesures de compensation de la biodiversité dans des sites distants de ceux des chantiers.

En novembre dernier, le Département lance la création du GIP, le dotant d’un million d’euros et de trois fonctionnaires. Le GIP pourra assurer, contre rémunération, des opérations de compensation, y compris pour des projets situés dans des zones environnementales protégées. Il leur propose une prestation comprenant des conseils pour réduire l’impact écologique, jusqu’au suivi scientifique des zones utilisées pour compenser les pertes de biodiversité.

« Le détachement juridique de l’opérateur vise à renforcer la visibilité de ses missions, à lui donner plus d’autonomie et à assurer la pérennité de son action, indiquait alors le Département par un communiqué. Il permet également l’association d’autres partenaires publics ou privés, afin de renforcer son ancrage territorial. »

Deux parties d’une zone de compensation sont situées au sein de l’Île de loisirs du val de Seine à Verneuil-sur-Seine, l’une (photo) jouxte l’aérodrome des Mureaux.

Début janvier, les élus de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) ont voté à une très large majorité leur adhésion au GIP. « Les mesures compensatoires des opérations d’aménagement coûtent entre 2 % et 8 % du coût d’une opération, indiquait alors son vice-président à l’environnement, Eric Roulot (PCF). Ce sont des projets relativement complexes techniquement, souvent freinés par une pénurie du foncier et l’absence de gestion de long terme. »

La seule franche opposition est venue de la maire d’Evecquemont, Ghislaine Senée (EELV). « L’idée que l’on pourrait déplacer et reconstituer de la biodiversité serait une grave erreur, estime l’élue écologiste. C’est vraiment banaliser la perte réelle lorsqu’on s’attaque à un site. En matière de vivant, il ne peut y avoir de compensation. »

« Souvent, les projets sont attaqués par l’angle du défaut de rétablissement de biodiversité sur les projets de développement économique et urbain, lui a répondu Eric Roulot. La compensation est un objectif prévu par la loi, on ne peut pas s’inscrire en-dessous. » Brièvement évoqué par l’assemblée, le coût d’un hectare à compenser s’établirait actuellement entre 50 000 et 150 000 euros.

« Quand on fait des projets, le premier objectif est d’éviter de réduire. La compensation est le dernier volet, quand on n’est pas arrivé à ne pas réduire la biodiversité, est ensuite intervenue Sophie Primas (LR), sénatrice-maire d’Aubergenville et première vice-présidente de GPSEO. On a un coût de compensation qui peut être supérieur avec des opérations séparées sur le territoire, et moins de résultats sur l’amélioration de la biodiversité. »

Au sein du GIP cohabiteront des acteurs décisionnaires comme les conseils départementaux des Yvelines et des Hauts-de-Seine avec 60 % des voix, 40 % restant aux intercommunalités comme aux sociétés publiques d’aménagement. D’autres voix purement consultatives sont prévues pour « des associations naturalistes » comme la Ligue de protection des oiseaux et des « acteurs privés reconnus dans le domaine » à l’image de Suez ou du cimentier Lafarge.

Yvelines : huit nouveaux sites de compensation

Dès la fin de l’année, ces friches serviront à compenser les pertes de biodiversité pour des aménagements publics comme privés. Ces futures zones de compensation sont composées de huit sites pour 94 ha au total dansles Yvelines, dont quatre, pour 42 ha, sont positionnés au sein de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO).

Un appel d’offres a ainsi été récemment lancé par le Conseil départemental des Yvelines pour contracter avec une entreprise spécialisée dans ces « opérations d’ingénierie écologique ». Elle devra « définir un protocole de suivi standardisé pour chaque site de compensation » permettant de « qualifier et de quantifier les gains écologiques réellement obtenus », puis « établir l’état initial et un plan de gestion ».

L’ancien espace de stockage de la SNCF des Grésillons, soit 11 ha à Issou, est déjà réservé afin « d’accueillir les mesures compensatoires du projet Eole ». Les autres zones prévues pour l’instant représentent 5,5 ha au sein de l’usine de traitement des eaux du groupe Suez à Flins-sur-Seine, 7,5 ha dans la plaine de la Haye aux Mureaux, et 18 ha en deux parties au sein de l’Île de loisirs du val de Seine à Verneuil-sur-Seine.