Buchelay : le centre commercial relance le débat

Entre centres-villes et zones périphériques, le débat est plus vif que jamais. A la dernière assemblée générale des commercants du centre-ville mantais, le projet de centre géant porté à Buchelay par la Compagnie de Phalsbourg a donné lieu à de rudes échanges, symboles de l'inquiétude de ces petits patrons.

L’ouverture d’un nouvel ensemble commercial, porté par la Compagnie de Phalsbourg dans la zone des Graviers de Buchelay, est prévue pour 2019. Baptisé Open sky Buchelay, il aura un point commun avec l’autre projet yvelinois de l’entreprise d’immobilier commercial, en chantier à Plaisir : un parcours à ciel ouvert. Ce nouveau centre en périphérie, situé sur une emprise de 9,3 hectares comportant l’emplacement de l’ancien magasin Leroy Merlin (déplacé l’an dernier de quelques centaines de mètres, Ndlr), ne fait pas que des heureux.

Les commerçants de l’association de la zone des Graviers, les Docks de Buchelay attendent avec envie cette ouverture. Ceux du centre-ville mantais sont, eux, beaucoup plus inquiets de l’incidence qu’aurait cet ensemble sur leur activité. Certains ont d’ailleurs profité de l’assemblée générale de la principale association de commerçants, Coeur de Mantes, lundi 3 avril dernier, pour évoquer leurs craintes auprès du président du Conseil départemental des Yvelines Pierre Bédier (LR), présent ce soir-là.

Le futur espace de grande consommation occupera plus de 10 % des 80 ha de la zone commerciale et artisanale bucheloise des Graviers.

« On n’a qu’un seul regret c’est que ça traîne », commente Jean-Marie Pradier, nouveau président de l’association des Docks de Buchelay et patron du magasin Lapeyre. Tout en comprenant la position des commerçants du centre-ville : « Ici, il y a beaucoup d’enseignes nationales, ce n’est pas de l’argent personnel qui a été investi. »

Lui voit plutôt les deux comme complémentaires, et se dit prêt à rencontrer le président de Coeur de Mantes : « Chacun a ses soucis, mais il y a sûrement des solutions. La zone doit se développer harmonieusement avec les commerces locaux. » Concernant les enseignes qui s’installeront dans le nouveau centre commercial, il espère : « Une Fnac ce serait bien. Il n’y a rien de culturel à Buchelay. »

Les éventuels opposants au projet de la Compagnie de Phalsbourg avaient jusqu’au 19 janvier pour déposer un recours, la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) ayant validé le projet de ce centre de 38 500 m² le 19 décembre dernier… mais ils ne l’ont pas fait. « Nous avons appris lors des vœux de Paul Martinez (UDI), le maire de Buchelay, qu’il y avait eu un changement de programme, détaille David Beautier, président de l’association Coeur de Mantes. Mais les vœux ayant eu lieu le 11 janvier, il était trop tard pour présenter un recours. »

Le président de l’association a bien rendez-vous « en fin de mois » avec les responsables du promoteur afin d’essayer « de négocier quelques compensations », mais ne se fait pas d’illusion. « Je ne peux pas savoir comment, mais cela va chambouler les habitudes des clients », explique-t-il, parlant même « d’épée de Damoclès ». Un sentiment exprimé par une majorité des commerçants du centre-ville mantais présents lors de l’assemblée générale.

Le futur espace de grande consommation occupera en effet plus de 10 % des 80 ha de la zone des Graviers, à en croire un récent avis de l’Autorité environnementale, positif malgré quelques réserves portant notamment sur la protection du captage en eau de Rosny-Buchelay. Selon ce document, le centre de la Compagnie de Phalsbourg comptera 30 000 m² rien qu’en surfaces commerciales, pour une vingtaine de « moyennes surfaces non alimentaires », environ « 25 commerces de moins de 300 m² » et « une dizaine de restaurants ».

Aux magasins s’ajoutent 1 270 places de parking dont une partie en sous-sol, près de 13 000 m² d’espaces verts et des miroirs d’eau. Ce gigantesque chantier devrait être réalisé en deux phases selon le document de l’Autorité environnementale, qui précise : «  La partie Sud-Est du projet ne pourra être réalisée qu’une fois la rue du Verdon déplacée plus à l’Est, sur l’emprise de l’ancien magasin Leroy Merlin. » Les travaux commenceront donc d’abord au niveau des ex-parcelles agricoles.

Selon l’avis de l’autorité environnementale, le projet de la Compagnie de Phalsbourg comptera 30 000 m² de surfaces commerciales, avec une vingtaine de « moyennes surfaces non alimentaires », environ « 25 commerces de moins de 300 m² » et « une dizaine de restaurants ».

Alors, les patrons des commerces du centre de Mantes-la-Jolie, réunis en assemblée générale, se demandent comment conserver leur clientèle face à ce géant.« Il faut faire quelque chose pour rendre le centre-ville attractif par rapport à cette zone, déclare une commerçante indépendante. Les grosses enseignes vont le quitter avec l’ouverture. » Avant d’ajouter : « A partir de 17 h, il n’y a plus un chat. »

Pour le très mantais président du Conseil départemental Pierre Bédier (LR), présent aux côtés des patrons ce soir-là et interpellé par les commerçants, le nœud du problème n’est pas le projet de la Compagnie de Phalsbourg. « Oui, il y aura de la concurrence, mais ne nous demandez pas de faire votre job, leur répond-il. Le centre commercial n’existe pas [encore] et vous avez des problèmes, donc ce n’est pas la faute du centre commercial. »

Lui impute plutôt l’attractivité et les chiffres d’affaires en berne aux horaires d’ouverture des commerçants, à l’instar de son successeur à la mairie de Mantes-la-Jolie Michel Vialay (LR), qui ne manque jamais une occasion de prôner des ouvertures élargies. « Nous ne sommes pas d’accord sur le sujet mais je vous le dis : à Paris, certains commerces sont ouverts de 11 h 30 à 20 h 30, voire 21 h, pour coller aux horaires des salariés », leur lance Pierre Bédier, conseillant d’ouvrir « à partir de midi » et de fermer « vers 20 h, 20 h 30 ».

« Et à Buchelay, il sera gratuit le stationnement ? » lance justement le public à l’attention de Michel Vialay, également présent. La réponse est affirmative et ne manque pas de provoquer des réactions dans l’assemblée. « Les clients nous remontent qu’il y a un manque de place », poursuit un commerçant du marché couvert. « Il ne faut pas exagérer, il y a environ 1 000 places de parkings en sous-sols, précise le maire mantais. Après, il y en a qui sont rétifs à utiliser ces places, mais si les commerçants se plaignent, cela n’incite pas les clients. »

Après avoir évoqué longuement le futur poids-lourds de la consommation dans le Mantois, les commerçants présents se sont inquiétés de l’activité intrinsèque du commerce de centre-ville. « Vous ne pensez pas que Mantes-la-Jolie est une ville morte, mais son centre-ville devient comme celui de Dreux (Eure-et-Loir), se désespère ainsi un autre commerçant. Vous parlez d’ouverture mais les loyers sont énormes. On ne peut pas prendre d’autres personnes. »

« Ce n’est pas nous (la municipalité, Ndlr) qui fixons le prix des loyers, rappelle alors le président du conseil départemental à l’assistance. Et dans le centre-ville, le taux de vacance a doublé ces dernières années. » Seul changement de taille à venir pour ce commerce urbain déclinant : « On va tester la piétonisation » (une étude avait été lancée l’an dernier pour étudier cette possibilité, Ndlr), a indiqué Pierre Bédier.

Le long de l’A13, les deux autres grandes zones commerciales bientôt en chantier

Les deux autres grandes zones commerciales et artisanales de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) sont elles aussi à la veille de chantiers conséquents. A Aubergenville et Flins-sur-Seine, le succès spectaculaire de Marques avenue, depuis son inauguration en 2015 au coeur du centre Family village, a poussé l’entreprise à souhaiter une extension. Rejetée une première fois par la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), celle-ci, qui devrait comprendre de 30 à 40 magasins supplémentaires, est à nouveau soumise avec un nouveau dossier en cours d’examen.

A Orgeval, un projet de refonte de grande envergure devrait être lancé concrètement en 2020 pour la zone des 40 sous, en déclin depuis plusieurs années le long de la route du même nom. « Les hôtels Novotel et Ibis, le fast-food Mc Donald mais aussi la galerie marchande du centre Art de vivre devraient être rasés pour céder la place à de nouveaux ensembles », indiquait ainsi Le Parisien en février dernier. A l’emplacement du Novotel pourrait être implanté un centre commercial « de taille raisonnable », a indiqué le président du Département Pierre Bédier (LR) aux commerçants mantais.