Logements sociaux : le maire impuissant face aux mécontents

La discussion a été vive entre une trentaine d'habitants mécontents d'un projet d'immeuble, et un Philippe Ferrand (SE) les invitant à s'adresser aux parlementaires.

« Vous avez aujourd’hui une sénatrice qui s’appelle Sophie Primas, interrogez-la sur Juziers ! » Le maire Philippe Ferrand (SE), après cinquante minutes de discussions, indique être, sur le fond, plutôt d’accord avec le groupe d’administrés plutôt mécontents d’avoir appris la construction prochaine de 35 logements sociaux près de chez eux. D’après la loi, la commune doit parvenir à 25 % de logements locatifs sociaux en 2025, contre 4,86 % en 2016 (soit 75 logements, Ndlr).

L’édile ne voulait pas les laisser perturber l’assistance, mais a fini par discuter près d’une heure avec eux sur les marches de l’hôtel de ville. La raison de l’irruption d’une trentaine de Juziérois en colère à ce « café du maire », samedi 1er juin ? La publication, dans la dernière édition du magazine municipal, des projets privés comme publics de logements sociaux en cours, soit trois immeubles pour un total de 100 appartements.

« Tout le village est représenté, on a de grandes inquiétudes sur la circulation automobile, on est déjà en saturation », indique un riverain devant la mairie. Dans la commune faite de falaises et de coteaux en bord de fleuve, les mouvements de terrains abîment parfois les maisons. Alors, les habitants craignent aussi des dommages dus aux chantiers. Des trois projets, celui de 25 logements, prévu rue des Grandes vignes par un bailleur privé, semble le plus polémique.

« Je défends cette problématique-là envers les élus qui ont les cartes en main, sénateurs et députés. Ce sont eux qui nous obligent à construire », a défendu l’édile devant les habitants.

« Ce sont plus de 5 000 tonnes qui descendraient au travers du village, déplore ainsi une riveraine du futur projet. J’habite juste en face, pour la maison de ma voisine, 42 camions sont descendus [pour excaver le terrain], ma maison a tremblé pendant 15 jours, on a une falaise très fragile. » Quelques minutes plus tard, devant le maire, les réactions sont encore plus vives : « Des gens sont en train de se dire qu’il vont quitter Juziers ! », s’exclame ainsi une habitante.

« On va détruire des arbres centenaires pour faire des logements, sur une impasse avec des pentes à 23 ou 24 % », enjoint un autre manifestant. « Vos inquiétudes sont légitimes, et c’est pour ça que je veux qu’on en parle », répond le maire ce matin-là face à une foule hostile, dont quelques-uns ont en effet rendez-vous avec lui quelque jours plus tard. Après quelques dizaines de minutes d’échanges relativement stériles, le débat se porte sur l’obligation faite de construire des logements sociaux.

A l’incompréhension des habitants, Philippe Ferrand répond : « Je comprends votre étonnement, et vos exaspérations parfois. […] Les maires, à un moment donné, sont contraints de respecter les lois. » Sans oublier 480 000 euros de pénalités depuis 2000, et la menace d’une prise de contrôle par la préfecture, comme actuellement à Guerville. Alors, le maire engage ses habitants à se manifester auprès des candidats aux élections sénatoriales du 24 septembre prochain.

« Je défends cette problématique-là envers les élus qui ont les cartes en main, sénateurs et députés, avance le maire. Ce sont eux qui nous obligent à construire et ont déterminé que les communes comme les nôtres devaient dans un premier temps faire 20 %, et aujourd’hui 25 % de logements sociaux. » Une certaine surprise semble parcourir les habitants mécontents : « Mais alors, manifestez avec nous ! », engage l’une d’elles.

Bientôt 25 % de logements à Guerville et Issou ?

Rive droite, Issou ne paie pas de pénalités malgré un taux de logement social d’environ 10 % (127 logements, Ndlr), car son territoire se situe dans le périmètre d’un plan de prévention des risques technologiques. Dans Le Courrier de Mantes, la maire Martine Chevalier (SE) dévoile un projet de 113 logements sociaux en cinq bâtiments, dont le chantier doit démarrer en 2019, tandis que 95 logements « sont à l’étude ».

Rive gauche, Guerville, considérée comme « carencée », est soumise à la mainmise préfectorale sur l’immobilier local et à de lourdes pénalités, avec son taux de 1,49 %, soit 13 logements sociaux. Selon nos informations, un projet d’envergure est actuellement en négociation afin de se sortir de cette coûteuse ornière. Si elle ne souhaite pas commenter pour l’instant, la maire Evelyne Placet (SE) précise cependant qu’il doit permettre à la commune de sortir de l’état de carence.

Mise à jour, 1er décembre 2017 : les noms de deux riverains mécontents du projet de logements ont été retirés à leur demande.