Contrats aidés : 2 000 emplois menacés en vallée de Seine ?

Dès le 1er août dernier, la réduction du nombre autorisé par l'Etat de contrats aidés a été mise en place avec de premiers refus. Alors que 459 000 ont été signés en 2016, il n'y en aura pas plus de 310 000 en 2017. Bien des associations et des collectivités se demandent comment faire sans.

Estimés « coûteux » et « peu efficaces » par la nouvelle ministre du travail, Muriel Pénicaud (LREM), les contrats aidés n’ont pas mis longtemps à être sabrés. Dès le mois d’août, le robinet a été coupé, et l’annonce faite qu’il faudra se contenter de 310 000 de ces contrats en 2017, là où 469 000 avaient été signés en 2016. Les associations et les collectivités locales, grandes consommatrices de ces contrats bien moins coûteux financièrement pour l’employeur, se demandent comment faire.

Seuls 110 000 nouveaux contrats seront attribués au second semestre 2017. Au conseil départemental, l’on est actuellement en train de recenser les emplois en danger dans les Yvelines du côté des associations et des institutionnels. Les premiers chiffres concernent la vallée de Seine, et plus particulièrement les 405 000 habitants de l’intercommunalité géante, qui s’étend de Rosny-sur-Seine à Conflans-Sainte-Honorine.

« Ce sont 2 000 emplois qui disparaissent », lâchait comme un couperet le président du Département, Pierre Bédier (LR), il y a quelques semaines en marge d’une rencontre avec la presse. « On a des gens qui partent en vacances, qui ont un boulot, et qui, en revenant, n’en ont plus », a-t-il également indiqué de la vitesse à laquelle la décision gouvernementale a été appliquée.

Cet été, Le Parisien révélait un document de Pôle emploi Île-de-France : « Nous vous informons que dans l’attente de la circulaire qui ne devrait pas arriver avant la fin du mois, il convient impérativement et sans dérogation de suspendre toutes les prescriptions pour les CIE et pour les CAE », écrivait alors un adjoint au directeur régional daté du 10 août. Selon le quotidien francilien, il était alors demandé une « stricte application de ces mesures ». Seules exceptions : l’Education nationale et les adjoints de sécurité.

Dans les mairies, les situations sont extrêmement variables. A Achères, par exemple, le maire Marc Honoré (DVD) peut souffler : « Juste un emploi est concerné. On avait surtout des emplois jeunes, à échéance, on a décidé de les conserver, on a réglé le problème en les gardant.» A Mantes-la-Ville, par contre, les contrats aidés représentent « 80 000 euros de masse salariale sur une année » selon son maire Cyril Nauth (FN), et toute diminution sera une mauvaise surprise pour le budget communal.

« Pour le centre hospitalier de Mantes, les contrats qui arrivaient a échéance ont été purement et simplement annulés », écrit le syndicat FO de la réduction des contrats aidés à l’hôpital.

Dans les associations, les propos ne sont pas publics pour l’instant, beaucoup de responsables préférant tabler sur un relèvement du quota. Les hôpitaux sont aussi concernés, à l’instar du centre hospitalier François Quesnay, à Mantes-la-Jolie. « L’effet a été immédiat dans les collectivités et les établissements sanitaires et médico-sociaux, écrivait ainsi à la rentrée le syndicat FO de l’hôpital dans un communiqué. Pour le centre hospitalier de Mantes, les contrats qui arrivaient à échéance ont été purement et simplement annulés, et cela en dehors des délais de prévenance réglementaire. »

A la fin août, alors en pleine campagne pour les élections sénatoriales, le président du PRG des Yvelines et ex-maire de Carrières-sous-Poissy, Eddie Aït, a indiqué avoir écrit à la ministre. « Cette décision prise sans concertation et sans alternative est un non‐sens absolu, pestait-il. Alors que les collectivités locales et les associations sont victimes de coupes budgétaires sans précédent, la suppression des contrats aidés met gravement en péril leurs missions de service public, notamment dans le secteur périscolaire. »

Ceux qui comptent sur un relèvement ou même un maintien par le gouvernement du nombre de contrats aidés l’an prochain risquent d’avoir une bien mauvaise surprise. « 200 000 contrats aidés seront financés en 2018 », indiquait en effet récemment sur sa page Facebook le député des Mureaux, Bruno Millienne (LREM).

« A l’avenir, le gouvernement ne souhaite pas supprimer les contrats aidés, mais les concentrer en particulier vers ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail et là où ils sont indispensables à la cohésion sociale et territoriale […] en ciblant ses efforts pour que l’outil soit pleinement efficace en matière d’insertion pour l’emploi », justifie-t-il de cette division par 2,5 en un an du nombre total de contrats permis par l’Etat.

Se faisant plus précis, il évoque « les jeunes en insertion et les chômeurs de longue durée ». Les secteurs sanctuarisés seraient ceux de « l’urgence sanitaire et sociale » et de « l’accompagnement des enfants handicapés en milieu scolaire ». Enfin, « les communes rurales et les outre-mer » seraient les seuls territoires où le nombre de contrats sera maintenu par rapport à 2017.

Que sont les contrats aidés ? Sont-ils efficaces ?

Sous l’appellation « contrats aidés » cohabitent des contrats aux modalités très différentes selon leur type. Leur efficacité, elle, est reconnue à court terme, mais bien plus hypothétique à long terme.

« L’employeur bénéficie d’aides, qui peuvent prendre la forme de subventions à l’embauche, d’exonérations de certaines cotisations sociales, d’aides à la formation », résume l’Insee. « L’accès à ces contrats est réservé à des personnes rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi, et le volume de contrats est piloté par les pouvoirs publics », complète le ministère du travail.

Les contrats aidés apparaissent en 1984, avec les Travaux d’utilité collective lancés par le gouvernement socialiste d’alors afin, déjà, de réduire le taux de chômage des jeunes. Trente ans plus tard, ils ont changé de nom à plusieurs reprises mais existent toujours, et se déclinent en trois types : le Contrat unique d’insertion (CUI), les emplois d’avenir et le contrat starter.

Le contrat unique d’insertion prend la forme d’un Contrat initiative emploi (CUI-CIE) pour le secteur marchand. Chez les associations, coopératives d’intérêt public et collectivités publiques (le secteur non marchand, Ndlr), il s’appelle Contrat d’accompagnement dans l’emploi (CUI-CAE).

La durée de travail est de six mois minimum, à deux ans maximum hors dérogation, dans le cadre d’un CDD, et sans limitation de durée dans le cadre d’un CDI. Il permet à l’employeur de se voir rembourser jusqu’à 47 % du Smic horaire brut dans le secteur marchand, et jusqu’à 95 % dans le secteur non marchand (l’aide diffère selon les régions et les besoins du bassin d’emploi, Ndlr).

Les emplois d’avenir concernent les jeunes de 16 à 25 ans (jusqu’à 30 ans pour les travailleurs handicapés, Ndlr) avec un diplôme égal ou inférieur à un CAP/BEP et ni en emploi, ni en formation, avec priorité aux territoires défavorisés. Ces emplois sont destinés en très grande partie au secteur non marchand, sauf si un projet est jugé « innovant ». L’aide est de 75 % du Smic, et de 35 % du Smic dans le secteur marchand (47 % pour les entreprises d’insertion, Ndlr).

Enfin, le contrat starter vise les moins de 30 ans, sans emploi, ayant des difficultés particulières d’accès à l’emploi, et qui sont soit : habitants d’un quartier prioritaire, bénéficiaires du RSA, chômeurs de longue durée, travailleurs handicapés, entre autres conditions. Il est réservé au secteur marchand, avec une aide mensuelle fixée au niveau régional à hauteur de 45 % du Smic. La durée de l’aide est variable jusqu’à 24 mois, car elle dépend d’arrêtés pris au niveau régional.

Selon une étude publiée en mars dernier par la direction des études du ministère du travail, la Dares, le bilan des contrats aidés est contrasté.

En 2016, la répartition des 497 000 salariés bénéficiant de contrats aidés (dont 459 000 ont été signés en 2016, Ndlr), en baisse de 21 000 par rapport à 2015, était la suivante selon le ministère du travail : 226 000 CUI-CAE (secteur non marchand), 133 000 contrats starter, 70 000 emplois d’avenir non marchands, 41 000 CUI-CIE (secteur marchand), 26 000 emplois d’avenir marchands, 1 000 emplois d’avenir de professeurs. Leur coût pour l’Etat en 2016 était estimé à 4,3 milliards d’euros.

Selon une étude publiée en mars dernier par la direction des études du ministère du travail, la Dares, le bilan des contrats aidés est contrasté. Côté bénéficiaires, il semble positif : « Six mois après leur sortie de CUI, 74 % des anciens bénéficiaires trouvaient que le contrat aidé leur avait permis de se sentir utile et de reprendre confiance », écrit la Dares. Et ce même si « l’opinion des bénéficiaires varie, bien sûr, selon leur situation au moment de l’enquête ».

Les experts du ministère jugent positivement les effets à court terme sur l’emploi des contrats aidés en particulier dans le secteur non marchand : « Accroître le nombre de contrats aidés en période de ralentissement économique a des effets favorables sur l’emploi et le chômage ». Mais même le secteur marchand serait positivement concerné, dans une moindre mesure, avec « un ciblage étroit » qui peut permettre
« de réduire les effets d’aubaine et d’agir sur la file d’attente des chômeurs ».

Cet effet d’aubaine signifie que les embauches auraient quand même eu lieu au même moment et avec la même personne sans l’opportunité du contrat aidé. Il est mesuré à hauteur de 21 % dans le secteur non marchand, et grimpe à 28 % des contrats dans le secteur marchand.

La Dares se montre cependant bien plus circonspecte en ce qui concerne les effets à plus long terme de ces emplois aidés. « Les effets à moyen terme sur l’emploi semblent plus mitigés mais il nous manque un suivi des bénéficiaires sur une période plus longue pour s’assurer de leur insertion à l’issue du contrat », écrivent les fonctionnnaires. Ils renvoient donc à des enquêtes toujours en cours de réalisation.