Elus et associations contre la carrière dans le Vexin

Alors que le projet d'une carrière de calcaire à Brueil-en-Vexin attend une décision préfectorale, entre 300 et 400 manifestants accompagnés de tracteurs ont pris samedi le pavé mantais.

Samedi dernier, les opposants à la création d’une carrière calcaire dans le Vexin, et donc à la continuation de l’exploitation d’une cimenterie par Calcia à Gargenville et à Juziers, ont bruyamment manifesté dans le centre-ville de Mantes-la-Jolie. « Ca me rappelle ma jeunesse ! », s’exclame un élu de centre-droit, aux côtés d’autres collègues, de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, dont certains n’avaient visiblement pas manifesté depuis fort longtemps.

Ils sont entre 300 et 400 à être partis vers 14 h 30 du pont de Limay, accompagnés d’une quinzaine de tracteurs, à l’appel de l’association AVL3C – Vexin zone 109, qui compte environ 600 membres. Si le rappel des troupes a donc été modéré, les élus avaient répondu en masse et formaient quasiment un tiers du cortège, qui a déposé un courrier en sous-préfecture. Autre bonne surprise : le soutien d’agriculteurs locaux, propriétaires fonciers comme jeunes exploitants.

Le projet, dans sa seconde version, a été soumis au préfet en juillet avec une demande d’autorisation d’exploiter du calcaire sur 100 hectares. « Les services de l’Etat étudient toutes les parties du dossier, et une tierce expertise sur l’eau est en cours, ça va prendre encore un peu de temps », indique la direction du cimentier qui argue de l’intérêt de son projet pour le travail dans le Mantois : « Garder une carrière sur le territoire ne va pas augmenter le nombre d’emplois mais les conserver. »

Depuis 25 ans, cette future carrière suscite de très fortes oppositions dans les communes concernées. Aujourd’hui, les motifs du refus les plus mis en avant concernent la consommation de terres agricoles, la pollution potentielle ainsi que la réduction du débit des sources de la rivière Montcient, et la pollution de l’air générée par la cimenterie juziéro-gargenvilloise (qui respecte toutes les contraintes réglementaires, Ndlr).

Depuis 25 ans, cette future carrière suscite de très fortes oppositions dans les communes concernées.

« Ce qui nous mobilise, c’est que la zone du parc n’est pas à exclure complètement de ce genre d’installations, mais elles doivent se faire dans le cadre d’une démarche exemplaire, ce qui n’est pas le cas là », déplore ainsi Marc Giroud (DVD), le président du Parc naturel du Vexin français (PNRV). Ce dernier s’étend sur 99 communes, et sa création en 1995 n’était d’ailleurs pas sans lien avec la carrière déjà envisagée à l’époque.

Si les élus sont aujourd’hui quasiment unanimes, les agriculteurs restent plus partagés. « On a travaillé avec la chambre d’agriculture […] on restituerait plus de 80 ha, et tout au long de l’exploitation, 40 % de la surface agricole serait conservée », rappelle ainsi Calcia de la seconde version de son projet. L’entreprise ne s’attendait pas à ce que certains exploitants manifestent quand même, à l’appel des Jeunes agriculteurs et d’une association de propriétaires fonciers agricoles.

« Je me promets d’être le petit grain de sable qui empêchera le mortier de tenir », a ainsi assuré face à la foule rassemblée devant le cinéma du centre-ville Amandine Muret-Béguin, secrétaire générale des Jeunes agriculteurs d’Île-de-France. « Nos jeunes ne veulent pas reprendre nos exploitations avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête », s’émeut Jean-Daniel Béguin, président de l’Association des propriétaires et agriculteurs de la région de Mantes.

La promesse de conserver autant de terres agricoles est rejetée au nom de l’histoire des carrières en vallée de Seine. « Gargenville, 15 ha comblés en décharge, 100 ha remblayés et non rendus, Guitrancourt, 200 ha non rendus, Lafarge à Limay, 80 ha en réserve naturelle », rappelle Jean-Daniel Béguin : « Ce sont plus de 400 ha perdus qui manqueront à l’avenir aux portes de Paris, pour nourrir 12 millions de Franciliens. »

Si le rappel des troupes a été modéré, les élus avaient répondu en masse et formaient quasiment un tiers du cortège, qui a déposé un courrier en sous-préfecture.

Les élus présents, parfois frileux à cause du chômage, défendent aujourd’hui un modèle prôné par l’AVL3C – Vexin zone 109, fait d’emplois liés à une nature préservée. « Depuis des années, dans un secteur, on régresse, par contre, je suis sûr que si ce projet se fait, des postes vont être perdus », a ainsi affirmé le député-maire de Mantes-la-Jolie, un Michel Vialay (LR) fidèle à sa promesse de campagne en reprenant l’argument des 30 maires ayant signé une motion au printemps.

Les passants mantais regardant passer la manifestation étaient pour la plupart partagés entre découverte d’un sujet dont ils avaient vaguement entendu parler, et le rejet pur et simple de l’idée que des emplois industriels pourraient être perdus. « Le ciment, ça crée de l’emploi, dans l’agriculture, il n’y a pas d’emploi, commente ainsi Zakaria, vingtenaire assis avec des amis. Tu as vu le Val Fourré ? Personnellement, je ne connais aucun de mes potes qui bosse dans l’agriculture. »

Une ligne finalement assez proche de celle de l’ex-maire mantais et président du Département des Yvelines, Pierre Bédier (LR), dont plusieurs proches étaient pourtant là samedi : « Je n’ai jamais caché mon soutien, je pense qu’on a besoin de projets industriels en vallée de Seine ». Philippe Tautou, le président de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, défend, lui, les besoins du Grand Paris : « Toutes les ressources nécessaires doivent être utilisées, ces terrains en font partie. »

Tous deux reconnaissent cependant la légitimité des oppositions avec un flegme certain. « Je conçois qu’il puisse y avoir des manifestations pour faire pression sur les pouvoirs publics pour que ces projets soient le moins perturbants pour le paysage, c’est totalement légitime », admet ainsi Pierre Bédier, tout en prévenant : « Après, il faut que ces projets se fassent. »

Enfin, là où les opposants au projet évoquent souvent la centaine d’emplois de la cimenterie, pour le président du Département, ce sont plutôt 400 emplois qui seraient concernés en cas de fermeture, et d’importantes ressources fiscales qui pourraient se volatiliser. « Ils ne le diront jamais pour ne pas apparaître comme faisant du chantage à l’emploi, mais ils n’auraient plus aucune attache territoriale et donc de raison d’être », analyse-t-il en effet du siège français de Calcia, situé à Guerville.