Issou – Gargenville : mais pourquoi harcèlent-ils ?

Ces internautes, membres des forums de jeuxvideo.com, ont participé aux canulars touchant les deux villes depuis octobre 2016. Ils s'expliquent, et révèlent l'efficacité d'un passage devant le juge.

Dans sa précédente édition, La Gazette rapportait le désespoir des commerçants d’Issou et de Gargenville. Ceux-ci (comme la mairie, des écoles et des particuliers, Ndlr) subissent en effet un cyber-harcèlement depuis seize mois, par la faute d’une blague entre membres de la section 18-25 du forum du site web jeuxvideo.com. Trois d’entre eux y ayant participé, dont l’un a été convoqué par la police, ont accepté d’expliquer ces comportements. Ils ont souhaité rester anonymes.

« C’était avant tout pour rigoler, on ne s’attendait pas à une telle ampleur et à de telles conséquences, je suis certain que la plupart des personnes qui ont raid (attaqué en masse, Ndlr) ne pensait pas à mal, on est juste de grands enfants », explique un étudiant dans les Yvelines de 20 ans, répondant au pseudo « DagobertJVC », cinq ans de forum à son actif.

Il détaille sa pensée en comparant l’attitude des forumeurs vis-à-vis des aspects concrets du « délire » sur Issou à celle d’un artiste fier de révéler sa création « au grand jour ». Mais se montre aujourd’hui sévère, notant que « l’immaturité et le non-respect de quoi que ce soit sont les maîtres mots de cette infamie qu’est le 18-25 ». S’il considère « vraiment marrant » le vandalisme initial de Google maps, il estime qu’y inscrire que « tel ou tel commerce est fermé » est « inacceptable ».

Un autre inscrit du forum de 20 ans (dont cinq ans comme membre, Ndlr), aujourd’hui étudiant, avait procédé à deux canulars téléphoniques en se faisant passer pour un journaliste, avant de les diffuser sur Youtube. En 2016, il a d’ailleurs été convoqué par la police pour ces faits. « Imaginer la mairie en panique parce qu’ils prennent au sérieux les demandes de défilés sur la place publique, je trouve ça drôle », commente-t-il.

« Mais ce qui me fait rire dans les canulars en général, c’est de caser des références au forum, poursuit ce membre. Ca nous fait rire, ça me fait rire, la personne ne comprend pas toujours que c’est un canular : parfait. Comme quand on le faisait à la radio. » Il s’interroge cependant sur la motivation « floue » d’une « majorité » de farceurs qui ne publiaient pas leurs blagues sur le forum, et encore plus des changements portant sur les horaires et ouvertures de commerces : « On est conscient de l’importance que prend le référencement ».

Il décrit le « 18-25 », l’un des forums les plus fréquentés de France, comme « un forum au sens grec du terme », c’est-à-dire un espace « intéressant par sa multitude de participants, et addictif par sa créativité » dont il est « difficile de se détacher ». Face aux policiers, il n’a pas été facile d’expliquer l’origine des canulars. « Ca l’a fait sourire parce qu’il a vu que j’étais là pour une broutille », se souvient-il de l’attitude de l’agent l’ayant reçu.

« On a pris mes empreintes et mes photos et il m’a dit que ça n’aboutirait sûrement à rien, conclut-il de sa convocation, notant d’ailleurs les difficultés de la justice à établir la mesure des canulars numériques de masse : « Je pense qu’il est difficile de prendre en compte l’ampleur que ça peut prendre quand on ne connaît pas le forum. Ils ont dû crouler sous les appels. » Lui n’a pas eu de nouvelles de la justice à ce sujet pour l’instant.

Pourtant, il semble qu’un passage au tribunal soit à même de calmer rapidement toute vélléité de blagues ou de propos délictuels sur internet. « J’ai fait un tweet un peu maladroit sur le nazisme », se souvient ainsi un des farceurs d’Issou, d’un autre « raid » lui ayant valu de voir les juges et 500 euros d’amende. Il a 20 ans, est salarié dans la restauration, et s’était inscrit sur jeuxvideo.com en 2010, lorsque des fuites d’épreuves du Bac avaient été diffusées sur le « 18-25 ».

« Lors de l’audition, j’avais pris ça avec beaucoup de légèreté et insouciance », se souvient-il de sa convocation devant la police. Cela n’a pas été le cas en audience au tribunal : « On n’est pas surpuissant sur les réseaux sociaux. Le réveil dans le réel sera dur pour les plus endoctrinés de jeuxvideo.com. » Son passage au tribunal a d’ailleurs été pour lui « la raison principale » de s’être depuis « écarté de jeuxvideo.com et de ses membres ».