Place de la Liberté : deux visions de la ville s’affrontent

La présentation du projet de réaménagement de la place de la Liberté, qui s’est tenue à l’école de Chennevières samedi matin, a mis en exergue les avis divergents quant à son avenir parmi les riverains.

Voilà 6 mois que la Ville de Conflans-Sainte-Honorine organise des ateliers participatifs pour imaginer le futur de la place du quartier Chennevières, dite place de la Liberté. Il faut dire que sa requalification est un vieux serpent de mer sur lequel de nombreux maires se sont cassés les dents. Après avoir rencontré une forte opposition à son précédent projet, sans parler du coup d‘arrêt provoqué par une certaine pandémie, la municipalité a changé son fusil d’épaule, et a choisi de laisser les habitants et acteurs de la place s’exprimer à travers plusieurs temps d’échanges, menés par l’agence de concertation Eker.

Après une trentaine d’heures cumulées où se sont succédées les balades urbaines, les propositions et les observations quant à la possible transformation du quartier, trois hypothèses ont émergé, avant qu’une synthèse de deux d’entre elles soit finalement proposée par les participants aux ateliers. Celle-ci a été présentée lors d’un nouvel atelier participatif qui s’est tenu au sein de l’école Chennevières, le samedi 14 septembre au matin.

« Cet été a été studieux, on a beaucoup travaillé sur votre place », a glissé, en préambule, le concepteur paysagiste de l’Agence Folléa Gautier, Maxime Bardou. « Le projet n’a pas vocation a être remis à plat, mais on peut débattre sur certains points de détail », a prévenu Iris Deniau, urbaniste et animatrice des ateliers pour l’agence Eker.

L’idée serait d’avoir deux espaces distincts au sein de la place : une partie qui se doterait d’un square largement végétalisé du côté de la résidence des Grès, tandis que sur la partie adjacente au magasin Carrefour, on retrouverait un espace plus minéralisé, pour s’asseoir en terrasse et accueillir les événements tels que le marché de Noël ou le feu de la Saint-Jean. L’intégralité de la place ferait la part belle aux piétons, avec des voies de circulation au même niveau que la place, incitant les automobilistes à lever le pied.

Au vu des rires jaunes et remarques grinçantes audibles parmi les quelques dizaines de personnes présentes, il faut dire que celui-ci n’a pas fait l’unanimité, notamment auprès des opposants historiques au projet dont fait partie le Collectif de sauvegarde de la place de la Liberté. Leur principal grief ? La disparition de la zone de stationnement située au cœur de la place.

« Votre projet va directement affaiblir l’attractivité de la place, tant sur le plan commercial, médical, financier, et sans oublier le marché, a lancé son porte-parole Victor Blot, lisant à l’assemblée un courrier adressé au maire. Vous ne pouvez pas passer par pertes et profit la suppression d’un stationnement sur la place, tant nécessaire pour les activités suscitées, mais aussi pour les importantes manifestations organisées à Chennevières. […] Nous n’imaginons point que vous puissiez imposer par la force un projet à l’encontre des acteurs directement concernés, et des habitants de Chennevières en majorité contre ».

Le propriétaire de la pharmacie de Chennevières Jérôme Lebeau, présent lors de la réunion, a bien fait comprendre que si le projet allait au bout, il quitterait la commune. « Ce qui nous inquiète beaucoup, c’est que là, la place est plus que végétalisée, elle en devient étouffante. On ne peut plus y accéder, on ne peut plus rien y faire. Les médecins sont contres, les commerçants sont contres, je ne vois pas de consensus qui se dégage. […] Je suis très attaché à mes patients, maintenant je suis aussi chef d’entreprise, et il faut que vous sachiez que cette semaine, mes conseils ont contacté l’ARS pour étudier, éventuellement, un transfert de licence vers une autre commune ».

En réponse aux accusations de passage en force, le maire LR de la commune, Laurent Brosse, s’est défendu en rappelant que le précédent projet, qui incluait une voie traversante scindant la place en deux, avait été abandonné suite aux différents temps d’échange menés avec les habitants. « Pendant ces ateliers, les élus sont restés en retrait, c’était plutôt à vous de participer à la concertation et de décider du futur projet, c’est pour ça que c’est un peu contrariant d’entendre qu’on n’a pas écouté les gens », souligne-t-il. Alors que le Collectif d’habitants souhaite conserver le parking central, l’édile, lui, s’est montré inflexible à ce sujet. « Si on fait la même chose qu’on a aujourd’hui, ­sincèrement le projet, on ne le fait pas ».

Si le parking devrait bien disparaître, une nouvelle organisation du stationnement a été imaginée dans le projet retenu, avec 52 places de parking autour de la place dont 31 limitées à 2 h, 15 limitées à 15 minutes, et 3 places de livraison qui pourront être accessibles à tous entre midi et deux. Sans parler du projet du magasin Carrefour qui prévoit la construction d’un parking souterrain.

Si le projet de requalification ne fait pas l’unanimité, il peut toutefois compter sur le soutien d’une partie des participants qui a apprécié d’être écoutée tout au long du processus de concertation. C’est notamment le cas des membres de l’association Conflans Cadre de vie et Environnement (CCVE) qui ont observé de « nets progrès ». « Ce projet a beaucoup évolué, a admis l’un de ses membres lors de l’atelier de samedi. Cette concertation n’a pas été inutile du tout, même si elle n’a pas été parfaite. On voit, sur le projet présenté aujourd’hui, des places de stationnement en nombre, et vous nous expliquez qu’avec une rotation sur ces places, ça conviendrait. Effectivement il y a des compromis à faire, des écoutes d’autres partenaires. CCVE ne dit pas qu’il n’y a qu’une seule solution, mais on est content de voir les différents scénarios. À plusieurs, on a de meilleures idées que tout seul ». Une prise de parole qui, comme toutes celles qui ont émaillé la matinée, a suscité aussi bien des vociférations que des applaudissements.