Sa nomination, ses objectifs… Les premiers mots de la ministre Sophie Primas

La désormais ex-sénatrice des Yvelines fait partie des surprises du gouvernement Barnier. En charge du commerce extérieur et des Français de l’étranger, et sous la houlette d’un autre Yvelinois Jean-Noël Barrot, Sophie Primas aura à cœur de faire briller la France et d’aider les PME à exporter leurs produits.

Sophie Primas

Quelle a été votre réaction à l’appel de Michel Barnier ?
D’abord il y a eu l’euphorie, la joie et l’honneur. Puis les jours suivants, une espèce de rouleau compresseur s’est mise en route. Le mardi, je suis allée avec d’autres collègues sénateurs nommés au gouvernement à la réunion de groupe auquel nous appartenions, il y avait beaucoup de nostalgie. Nous nous sommes dit « c’est bien le Sénat aussi ». C’est un lien charnel.

Vous êtes active sur le territoire, cela remet-il en cause vos engagements ?
Je n’ai pas du tout l’intention de lâcher ce territoire, et je vais m’arranger dans mon agenda et dans mon organisation afin de rester attentive aux différents dossiers chauds présents dans les Yvelines. Par exemple, mercredi, j’étais au conseil municipal d’Aubergenville, le lendemain au conseil communautaire de la communauté urbaine. La LNPN, la prison, nos agriculteurs, ce sont des sujets que je ne vais pas lâcher d’une semelle et en étant plus près de mes collègues ministres, j’espère que ce sera une façon d’aider encore plus notre territoire.

Celui-ci est bien représenté dans le gouvernement de Michel Barnier. En plus d’Othman Nasrou qui est secrétaire d’État, vous êtes sous la houlette de Jean-Noël ­Barrot…
C’était déjà le cas dans le précédent gouvernement avec Marie Lebec (ex-ministre déléguée chargée des Relations avec le Parlement) et Aurore Bergé (ex-ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations). Notre présence s’ajoute à celle de Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher (respectivement présidente de l’Assemblée Nationale et président du Sénat, Ndlr).

Les Républicains sont la quatrième force politique du pays, c’est tout de même une surprise de vous voir à cette fonction.
Je vous avoue qu’au terme du deuxième tour des législatives, j’étais assez loin de me dire que trois mois plus tard, je serais au gouvernement. Toutefois elle résulte d’un long process. Aucune liste n’a de majorité absolue, du coup il faut faire des coalitions. Nous ne pouvions pas accepter d’être à côté d’un gouvernement issu du Nouveau Front Populaire qui annonçait « le programme rien que le programme ». À Gauche, Bernard Cazeneuve n’a même pas été adoubé par son propre parti. Même si Emmanuel Macron ne voulait pas le nommer, il y a un tropisme au sein du PS qui préfère s’aligner sur LFI pour ­préparer les élections ­territoriales.

D’autre part, le gouvernement d’Emmanuel Macron a été sanctionné par les élections législatives et comme nous ne voulions pas du RN… C’est le fruit d’une situation bizarre, d’autant plus que cela fait 12 ans que nous n’avions plus été au pouvoir.

Par ailleurs, vous êtes dans un gouvernement estampillé Les Républicains alors que vous n’avez plus votre carte du parti…
Je n’ai aucune difficulté à dire que cela reste ma famille politique. Il fallait que le désaccord soit très fort pour quitter ce parti, ce qui a été le cas avec l’alliance d’Éric Ciotti avec le RN durant la campagne des élections législatives. Mais mardi j’étais à Chambourcy pour le meeting avec Othman Nasrou.

Mardi (cette interview a été réalisée le 28 septembre, Ndlr), Michel Barnier prononce son discours de politique générale. De quoi sera-t-il composé ?
Ce que j’ai senti durant notre séminaire du gouvernement, c’est qu’il a compris la gravité de la situation dans laquelle le pays se trouve. Il y en a qui font des fêtes en partant de Bercy, mais un peu de modestie conviendrait plus. Beaucoup d’indicateurs sont dans le rouge, il y a vraiment des mauvaises nouvelles financières, budgétaires. La dette de la France commence à être attaquée sérieusement avec des taux d’intérêt qui commencent à être supérieurs à ceux proposés à la Grèce.

Nous avons 10 jours pour réaliser le budget de loi des finances de la France qui est une dinguerie (sic). On nous a demandé d’agir en responsabilité et d’être solidaire tous ensemble de cette situation. Le délai est très court mais Michel Barnier reste calme. Pour le reste, le Premier ministre a aussi évoqué le pouvoir d’achat, l’unité, l’ordre et ne veut pas augmenter les impôts pour ceux qui travaillent, mais je ne sais pas de quoi le discours de politique générale sera constitué. Je ne suis pas sûre qu’il fasse un catalogue de mesures. De plus, au-delà des postures politiques, il faut comprendre qu’on n’avance pas dans le mur en ­klaxonnant mais qu’on y est bien.

Le NFP a déjà annoncé une motion de censure, il reste le cas du RN. Est-ce qu’il y a le sentiment d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête ?
Il faut un mariage des extrêmes pour faire tomber notre gouvernement. Cependant, la motion de censure peut très bien survenir mardi après le discours de politique générale, mais aussi lorsque le budget sera présenté et sur d’autres textes plus sensibles. Dans cette nouvelle configuration politique – ce fait de non-majorité absolue – épée de Damoclès est le mot juste. Cependant, ce qui m’a frappée, c’est vraiment la volonté de Michel Barnier d’être à l’écoute de tous les partis. Il est dans cette empathie vis-à-vis des parlementaires afin de créer une union dont le pays a besoin.

Malgré sa présence dans le gouvernement, Sophie Primas (tout à droite sur la photo) assure qu’elle trouvera du temps pour les sujets importants des Yvelines. (Sophie Primas)

Dans ce gouvernement, vous avez la charge du commerce extérieur. Avec la situation actuelle du pays, est-ce qu’il ne faudrait pas ­rééquilibrer la balance ­commerciale ?
La balance commerciale, ce sont deux choses : les importations et les exportations. Celle-ci se porte bien. Nous progressons de façon importante grâce à des opérations comme Choose France. Cela permet d’implanter des entreprises étrangères en France. J’ai beaucoup de grief contre Emmanuel Macron et ses précédents gouvernements, mais cette thématique est son terrain de jeu favori. La grande difficulté sont nos importations.

On vous a déjà vu critique sur des accords de libre-échange, n’est-ce pas antinomique avec vos nouvelles fonctions ?
Ce sont des éléments qui sont sorties dans la presse, en effet. Le traité entre le Mercosur et l’Union Européenne n’arrange pas un certain nombre de filières françaises notamment l’agriculture, qui est une filière souveraine. Dans notre pays, il y a un avis général public contre cet accord. Il faudra donc trouver des alliés au niveau du parlement européen.

De plus, il y a un problème de négociation entre pays membres. Une feuille de route est dressée et on ne nous envoie que les résultats, aucune négociation de pays à pays. Par ailleurs, il n’y a pas de vision transversale sur l’effet de l’ensemble des traités de libre échange pour la même filière. Nous négocions avec le Canada, le Japon, l’Amérique du Sud… mais personne ne regarde les conséquences globales sur l’élevage ovin ou bovin, la viticulture. Cela percute de plein fouet notre ­souveraineté nationale.

Quelles sont vos principales lignes directrices ?
Il y a un travail important à poursuivre sur tout le tissu des PME pour qu’elles exportent. Cela passe par du soutien, du conseil, de la recherche de clients. Seulement 7 % qui vendent leurs produits hors de l’Hexagone. L’OREAL et Total Energies n’ont pas besoin du gouvernement pour cela, en revanche les TPE, PME et ETI, c’est autre chose. Des mécanismes ont été mis en place avec un gros travail de Business France mais elles n’ont souvent pas le temps, et compliqué juridiquement car elles ne disposent d’aucune équipe dédiée à l’export. Il va falloir aller les chercher à la petite cuillère. Depuis une dizaine d’années, nous avons enfin compris qu’il y avait aussi une diplomatie économique, nos conseillers en ambassade ont également un rôle pour chercher des acheteurs, des partenaires locaux.

Durant vos mandats au Sénat, vous avez participé à différentes commissions (énergie-climat, agriculture, logement). Qu’est-ce que cela vous apporte ?
L’agriculture reste une grosse partie de mon travail et c’est également une grosse partie de la balance commerciale. Toutes ces affaires traitées durant les commissions économiques m’ont permis de développer un réseau assez vaste.

Vous devez aussi vous occuper des Français de l’étranger. De quoi ont-ils besoin ?
C’est la petite surprise du perron de l’Elysée ! C’est un domaine que je connais moins mais qui va avec le commerce extérieur car je vais beaucoup voyager. Je suis en train de m’équiper de conseillers et j’ai dans mes collègues qui connaissent le sujet comme la ministre de l’Éducation. Leurs revendications sont surtout pratico-pratiques comme la paperasserie pour les cartes d’identité ou les passeports où ils doivent aller jusqu’au au consulat. L’Etat déploie progressivement la dématérialisation. Il y a aussi des revendications sur les caisses d’assurance sociale qui sont en déficit.