« Eric, est-ce que tu as reçu les forces de police chez toi ? »

La veille de Noël, le maire PCF Eric Roulot a été victime d’un canular téléphonique. Des imposteurs se sont fait passer pour lui au téléphone auprès de la police, et ont déclaré avoir tué femme et enfants, mobilisant ainsi un arsenal de forces de l’ordre devant chez lui. Aujourd’hui, l'édile limayen raconte sa mésaventure, et les motivations qui auraient poussé les malfaiteurs à commettre un tel acte.

Une enquête est en cours dans le conflit
Une enquête est en cours dans le conflit

Pouvez-vous nous raconter ce qui vous est arrivé ?

D’abord, j’aimerais pouvoir contextualiser. La ville de Limay est jumelée depuis plusieurs années avec le camp palestinien de Shu’Fat. On est donc engagé dans le conflit israëlo-palestinien et l’on soutient à la fois les progressistes israéliens et les Palestiniens dans leur combat. Celui de voir un Etat palestinien qui s’établirait sur la base des frontières de 1967 et des accords d’Oslo, avec Jérusalem-Est comme capitale. C’est un conflit qui met un peu de combustible sur les braises de la tension internationale. Et ce sont les raisons pour lesquelles j’ai été victime d’une pression morale et psychologique.

De quoi avez-vous été victime exactement ?

D’usurpation d’identité. On m’a piraté mon téléphone portable, ce qui leur a permis de monter un canular. Ça s’est déroulé dans la nuit de mardi à mercredi, avant Noël. Avec mon numéro, on a fait croire aux forces de police et à la gendarmerie que j’avais tué ma femme et mes enfants et que j’étais retranché chez moi, dans mon appartement de Limay, avec explosifs et grenades. Ce qui a mobilisé tout un bataillon de policiers et de gendarmes. Ce soir-là, je n’étais pas chez moi mais le commissaire a quand même réussi à me joindre. J’ai dû lui fournir la preuve que ma femme et mes enfants étaient bien en vie.

Les hackers ont-ils essayé de vous recontacter ?

Le lendemain, j’ai déposé plainte au commissariat de police de Mantes-la-Jolie mais entre temps, j’ai reçu plusieurs appels. C’était un homme qui parlait très bien français avec un fort accent. On me tutoyait et l’on m’appelait par mon prénom : « Eric, est-ce que tu as reçu les forces de police chez toi ? » J’ai répondu oui. « Est-ce que tu sais pourquoi ? » J’ai dit non. Ils voulaient que je poste un message sur la page Facebook de la ville et sur le site internet pour dire que le maire de Limay renonçait à son engagement aux côtés des palestiniens et des israéliens progressistes. Je n’ai pas répondu, j’ai raccroché. A ce moment là, j’étais en voiture et je n’ai pas voulu engager de discussion avec ces gens-là.

Qu’avez-vous ressenti ?

Bien sûr, je ne me suis pas senti très bien mais je n’ai pas accédé à leur revendication. En faisant des recherches sur internet, je me suis rendu compte que d’autres avaient été victimes de ce type de canular comme des groupes politiques israéliens de la Knesset (parlement de l’État d’Israël, Ndlr). Techniquement, ils ne récupèrent pas votre numéro mais ils utilisent un logiciel qui leur permet de masquer leur véritable identité en utilisant une autre. Les hackers appellent avec un numéro de téléphone mais au lieu qu’il y ait inscrit « numéro masqué », ils mettent le numéro d’une autre personne.

Cet acte vous a-t-il conforté dans votre combat ?

Plus que jamais ! On voit bien que l’on touche à des sujets sensibles. Pour que l’on en vienne à faire des menaces à un élu de la République Française c’est qu’ils sont très mal et que l’on est sur la bonne voie. Il faut refuser d’utiliser la violence et essayer de résoudre ce conflit de manière diplomatique.

Je ne suis pas antisémite, je respecte toutes les religions. D’ailleurs, la majorité des citoyens français pense que c’est une guerre entre les juifs et les musulmans or, ce n’est pas du tout cela. C’est une guerre de territoire. Dans ce combat, des Israéliens qui siègent à la Knesset sont engagés aux côtés de Palestiniens. L’Etat israélien fait le choix d’étendre ses colonies sur un territoire qui ne lui appartient pas. C’est un peu l’histoire du pot de fer contre le pot de terre.

Crédit : photo d’illustration