Des travaux titanesques pour une collégiale en piteux état

Un diagnostic réalisé l’an dernier est sévère, et les travaux de restauration préconisés d’une ampleur colossale pour l’édifice séculaire. La mairie souhaite lancer une première phase pour le plus urgent.

Les touristes qui se pressent régulièrement pour admirer la collégiale Notre-Dame continuent d’y voir un témoignage intact du glorieux passé mantais. L’église, érigée entre les XIIème et XIVème siècles, comparée à Notre-Dame de Paris, est pourtant en bien plus mauvais état que le rapide coup d’oeil du visiteur ne le laisse deviner, comme l’établit d’ailleurs un diagnostic patrimonial réalisé en 2015 pour la municipalité.

Dans le cadre d’un plan pluriannuel de travaux, la mairie de Mantes-la-Jolie va lancer un chantier de restauration doté de 900 000 euros, après avoir investi 2,5 millions d’euros depuis 1998. Mais l’ampleur des désordres structurels donne le vertige, dans et hors de cet édifice, second d’Île-de-France pour la hauteur de sa voûte comme de ses tours. Les anecdotes récentes pullulent d’ailleurs chez les paroissiens.

« Lors d’un enterrement, un bout de pierre s’est détaché, et est tombé à quelques centimètres du prêtre », raconte ainsi l’un d’eux. Des pierres, il y a un an et demi, avaient chuté sur les voitures garées en contrebas de la tour Nord. D’autres tombent d’ailleurs régulièrement des deux tours, endommageant la toiture.

Les tapis des chapelles se gonflent d’eau infiltrée, le salpêtre marque la pierre calcaire, certains vitraux sont tordus et la végétation fleurit à l’extérieur. Depuis quelques mois, les deux grosses cloches de la tour Sud sont silencieuses, suite à la découverte d’une dégradation alarmante de la charpente interne en bois qui les porte. Seules les deux petites peuvent désormais sonner à la volée.

« Il y a dix ans, la façade, la rosace et la toiture ont été restaurées, souligne le père Matthieu Williamson, depuis deux ans à la tête de la paroisse de Mantes-la-Jolie. Mais des choses sont alarmantes dans la structure. Un grand bâtiment comme celui-là a des besoins énormes, et, en même temps, tout le monde est attaché à cette collégiale, qui doit être entretenue pour traverser les siècles. »

« Ce qui est priorisé est l’arc-boutant de la tour Sud, la mise hors d’eau, les cloches ainsi que la réfection de l’électricité », explique Philippe Allio (LR), l’adjoint municipal chargé du patrimoine.
« Ce qui est priorisé est l’arc-boutant de la tour Sud, la mise hors d’eau, les cloches ainsi que la réfection de l’électricité », explique Philippe Allio (LR), l’adjoint municipal chargé du patrimoine.

Dans son diagnostic, l’architecte du patrimoine a répéré « trois problématiques principales » sur le monument : des « défauts d’étanchéité »,des « désordres structurels », et une « colonisation végétale » dégradant les joints et aggravant les fissures existantes. En de nombreux endroits, l’eau pénètre le bâti de Notre-Dame à cause de systèmes d’évacuation défectueux. Côté structure, quelques-uns des arcs-boutants soutenant la nef sont « à étayer d’urgence », et certaines piles des tours connaissent une « altération alarmante », entre autres.

« Elle a une histoire qui l’a rendue fragile », indique-t-on à la mairie de Mantes-la-Jolie. La cause de plusieurs problèmes est la couverture en béton coulée au-dessus des chapelles, côté Sud, au lendemain de la seconde guerre mondiale et de ses bombardements. Quelles sont les autres ? Selon l’architecte, l’une est « un vieillissement courant des matériaux ». L’autre concerne « un défaut d’entretien régulier pourtant nécessaire », note-t-il dans le diagnostic.

La municipalité répond ne pouvoir faire l’entretien « qu’à la marge ». Elle a bien réalisé « des interventions régulières sur la végétation », cependant limitées aux endroits facilement accessibles. « Les agents ne peuvent intervenir dans les étages pour des raisons de sécurité et de compétence, estime la mairie. Il faut faire appel à une entreprise spécialisée, ce qui nécessite des subventions. On n’entretient pas un Monument historique comme une école. »

Les élus, qui ont lancé en 2012 un classement au Patrimoine mondial de l’humanité (toujours en cours d’examen par l’Unesco, Ndlr), vont engager les travaux les plus indispensables. « Nous sommes déterminés à remettre la collégiale à niveau, à l’entretenir et à corriger les problèmes, assure Philippe Allio (LR), l’adjoint au patrimoine. Ce qui est priorisé est l’arc-boutant de la tour Sud, la mise hors d’eau, les cloches ainsi que la réfection de l’électricité. »

Ces mesures d’urgence doivent permettre d’éviter tout événement dramatique pour l’édifice. La mairie a demandé des subventions, et lancé un appel d’offres (destiné à engager une entreprise spécialisée, Ndlr) pour la première phase d’une « restauration/confortation/mise hors d’eau définitive ». Elle y prévoit une enveloppe de 900 000 euros HT, et une intervention devant durer 30 mois.

Mais le programme complet de restauration élaboré par l’architecte est titanesque. L’église semble là payer le prix de son histoire : n’étant pas une cathédrale malgré sa taille, sa propriété en a été confiée à la commune et non à l’Etat lors du vote, en 1905, de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Et n’a donc pas bénéficié du plan de rénovation engagé par l’Etat ces dernières années, au-delà des subventions dévolues aux bâtiments classés Monuments historiques (jusqu’à 50 %, Ndlr).