Mal-logement : une galère trop répandue

Demande en logements sociaux très supérieure à l’offre, problèmes entre locataires et bailleurs, pavillons découpés en studios parfois insalubres, hébergement d’urgence saturé : voilà les maux ordinaires rencontrés en vallée de Seine.

Les situations de mal-logement sont multiples en vallée de Seine comme dans le reste du pays. Parcs privé, public ou hébergement d’urgence connaissent chacun des difficultés.

Si le logement social a longtemps rencontré des problèmes de vétusté, les rénovations urbaines massives des 15 dernières années ont changé la donne. « Globalement, nos logements et nos parcs sont en bon état, […] et nous sommes très surveillés », indique Françoise Quintin, présidente de l’association des bailleurs sociaux du Mantois.

« Le mal-logement, chez nous, est plutôt du côté de l’accès au logement », note-t-elle ensuite. Chez Mantes en Yvelines Habitat, qu’elle dirige, il y a en moyenne, chaque mois, 200 demandes de logements (44 000 demandeurs dans les Yvelines, Ndlr), pour 20 disponibles. « Après, les gens ne veulent pas aller partout, la moitié refuse le Val fourré », nuance Françoise Quintin.

Dans les Yvelines, la demande ne cesse de croître, alors que 67 % des ménages sont aujourd’hui éligibles. « Les loyers privés ont fortement augmenté sur la période, fragilisant ainsi nombre de ménages, des plus modestes jusqu’aux classes moyennes », explique Cécile Noiret, chargée de mission à l’Association des organismes HLM d’Île-de-France (Aorif).

Monique Bouillaud, présidente par intérim de Droit au logement (Dal) du Mantois : « Des personnes sont logées dans des caves, des garages, des locaux commerciaux. »
Monique Bouillaud, présidente par intérim de Droit au logement (Dal) du Mantois : « Des personnes sont logées dans des caves, des garages, des locaux commerciaux. »

Chez les bailleurs privés, le problème concerne plutôt la vétusté, en particulier en bas de l’échelle des loyers. « Ils tombent sur des marchands de sommeil, avec des logements insalubres et indécents », détaille Monique Bouillaud, présidente par intérim de Droit au logement (Dal) du Mantois.

Dans la région, le cas classique est un pavillon découpé, avec un entretien minimal ou inexistant, pour louer des studios très peu chers. Mais les situations peuvent être bien pires, raconte Monique Bouillaud : « Des personnes sont logées dans des caves, des garages, des locaux commerciaux. »

Reste le cas de l’hébergement d’urgence, théoriquement accessible en composant le 115. L’Etat verse plus de 20 millions d’euros par an pour l’ensemble des aspects de ces hébergements. Ces moyens semblent pourtant insuffisants, au regard des grandes difficultés d’accès. Les demandes d’hébergement d’urgence, elles, sont en augmentation ces dernières années.

« A Mantes, il n’y a pas de centre d’hébergement, explique Monique Bouillaud. Par contre, les gens sont hébergés dans les hôtels », ce qu’a confirmé un débat au dernier conseil municipal des Mureaux. Le 115, lui, répond très peu. « Les personnes à la rue peuvent appeler toute la journée sans réponse, seuls ceux qui appellent en premier, le matin, ont les rares chambres disponibles », affirme ainsi le Dal.

LA MASCARADE DALO

Jennifer a 30 ans, un garçon de 4 ans et une fille de 2 ans. Nigériane, anglophone, arrivée en France en 2012, sa situation est très précaire depuis plusieurs mois. Aujourd’hui, elle vit à l’hôtel obtenu grâce au 115, où elle est prioritaire. « Il faudrait une résidence à vocation sociale », estime Monique Bouillaud, présidente de l’association Droit au logement (Dal) du Mantois.

Le Dal a choisi d’aller au tribunal administratif pour utiliser la procédure du droit à l’hébergement opposable (Daho, identique à la loi Dalo, Ndlr). Le préfet a été condamné à verser 75 € par jour à un fonds destiné au logement.« C’est un peu bizarre, comme mode de financement », constate Monique Bouillaud. Egalement condamnée à lui verser 200 € d’indemnités, la préfecture ne peut pourtant pas payer. Le numéro de sécurité sociale de cette mère de famille débute en effet par un 8 (et non 1 ou 2, Ndlr), comme beaucoup d’étrangers. Quant à Jennifer, prioritaire au 115, elle continue d’être hébergée à l’hôtel de 8 jours en 8 jours.

HLM : l’enfer, c’est (parfois) les autres

« La locataire du dessus secoue ses poussières tous les jours sur ma porte-fenêtre. »
« La locataire du dessus secoue ses poussières tous les jours sur ma porte-fenêtre. »

La mairie de Rosny-sur-Seine a organisé une réunion destinée aux habitants des presque 90 nouveaux logements sociaux situés près de la gare. Bailleur social, gardienne, police et adjoints étaient présents. Au-delà des problèmes liés au bâtiment lui-même, qui compte quelques malfaçons, les locataires s’en sont beaucoup pris les uns aux autres.

« La locataire du dessus secoue ses poussières tous les jours sur ma porte-fenêtre », se plaint une dame âgée. « Pourriez-vous faire des rappels de savoir-vivre, j’en ai marre des essorages à 22 h et des enfants qui courent avant minuit en semaine », ajoute une résidante. « Dans mon entrée, un locataire s’amuse à détruire les vélos », proteste une habitante. « Certains jettent du pain par la fenêtre, ça va attirer pigeons et rats », pointe un locataire. Les présents lui répondent qu’ils ont bien vu des rats.

Un peu destabilisé par cette litanie de reproches mutuels, le responsable du bailleur social désamorce : « Si on mettait tout le savoir-vivre dans le règlement intérieur, ce serait une encyclopédie. » Plus sérieux, il indique la nécessité absolue de fermer les sacs poubelle pour éviter les nuisibles. Il reste encore manifestement du travail pour une vie collective harmonieuse.

La porte de discorde

Le foyer résidentialisé Adoma, boulevard de Buchelay, est contigu à un foyer de Coalia qui possède une cuisine collective et une salle de prière. Une porte reliait les deux, elle est fermée depuis quelques mois, obligeant à un détour. Certains résidants ont protesté.

« Ils mangent ici, prient ici », note l’ami d’un résidant. « Imaginez quand il pleut ou qu’il fait nuit, c’est dangereux, il y a beaucoup d’handicapés », ajoute-t-il. Il faut dire que le détour de 100 m est constellé de nids-de-poule, et peu éclairé.

« Il a été décidé, à la demande majoritaire des résidants, pour des raisons de sécurité, de fermer cette porte cachée. Aujourd’hui, ils sont rassurés », répond Claire Jouany, responsable de la communication d’Adoma. Aucune réouverture n’est prévue.

Ils anticipent l’absence d’eau chaude

A Epône, les locataires des plus de 150 logements de la résidence du bailleur social Coopération et famille ont manqué d’eau chaude ou de chauffage par intermittence l’hiver, depuis 2010. Cette année, ils ont choisi d’anticiper. Une réunion s’est ainsi tenue la semaine dernière.
« Nous avons décidé de lancer un collectif citoyen de locataires pour nous préparer à des problématiques, et essayer de faire bouger le bailleur en amont », informe Navid Hussein-Zaidi (Front de Gauche), locataire lui-même, avant d’ajouter : « Il y a bien d’autre problèmes. »

Aubergenville perd une vente aux enchères

L’enchère a dépassé les capacités du bailleur social.
L’enchère a dépassé les capacités du bailleur social.

En septembre, un conseil municipal avait été convoqué en urgence pour tenter de racheter une maison d’Elisabethville mise aux enchères, suite à la faillite de la société propriétaire. Située boulevard de Paris, cette grande maison d’angle avait jadis appartenu au comité d’entreprise de Renault. Elle était légalement divisée en petits logements, et très peu entretenue malgré des baux en règle. « C’était le défilé permanent », constate une voisine. « L’objectif est d’éviter l’installation d’un marchand de sommeil », avançait au conseil la sénateur-maire Sophie Primas (UMP).

Elle souhaitait le revendre ensuite à un bailleur social déjà d’accord, alors que deux des locataires partis suite à la mise en vente sont hébergés par la mairie. Mais la commune n’a pas emporté l’enchère, qui est montée à plus de 500 000 €. Depuis, la maison est en travaux. « Nous mettons aux normes les logements, défrichons le terrain pour des plantations neuves, et refaisons l’extérieur pour lui donner meilleur aspect », explique le nouveau propriétaire. De quoi rassurer Sophie Primas, qui s’interroge sur « la volonté de réhabiliter », et assure qu’elle sera « attentive » à l’avenir du bâtiment.