L’office public interdépartemental de l’Essonne, du Val d’Oise et des Yvelines (Opievoy) est au coeur d’une lutte d’influence entre droite et gauche depuis 2012. Il est aujourd’hui prévu que l’Opievoy, sous la présidence du président du conseil général de l’Essonne Jérôme Guedj (PS) depuis juillet, passe sous la coupe du conseil régional.
C’était sans compter sur la résistance du président du conseil général des Yvelines Pierre Bédier (UMP), qui fut d’ailleurs un président de l’Opievoy très apprécié dans les années 1990. Celui-ci estime que la situation financière est très dégradée (voir ci-contre), et prône l’éclatement de l’office, dont la part yvelinoise reviendrait alors au conseil général.
L’OPIEVOY EN CHIFFRES
L’office public interdépartemental de l’Essonne, du Val d’Oise et des Yvelines est le second plus grand office public de l’habitat d’Île-de-France, avec presque 50 000 logements dans 198 communes d’Île-de-France (dont plus de 16 000 dans les Yvelines, Ndlr), et un millier de salariés. Presque 30 % du parc immobilier de l’office possède une efficacité énergétique égale ou inférieur à E. 40 % des logements de l’Opievoy sont situés en Zone urbaine sensible (Zus). Ces deux taux sont très supérieurs à la moyenne régionale.
Côté finances, l’Opievoy a touché 287 millions d’euros cette année, payés par ses locataires en loyers et en charges, pour un résultat net de 21 millions d’euros, et des fonds propres de 4 millions d’euros. Sa dette s’établit en 2013 à un peu plus d’un milliard d’euros, à laquelle il faut ajouter 160 millions d’euros de la Caisse des dépôts. Le taux de satisfaction globale des locataires est en lente progression, de 76 % en 2010 à 78 % en 2014. Il reste cependant inférieur à celui de nombreux autres bailleurs sociaux des Yvelines.
L’histoire commence en 2012, avec la victoire de l’UMP aux élections cantonales dans le Val d’Oise. Traditionnellement, la présidence de l’office, gérée par trois départements, revenait à la majorité politique au conseil d’administration. Le maire de Mantes-la-Jolie Michel Vialay (UMP) accède alors à la présidence. Ce dernier propose, à son arrivée, alors une nouvelle direction générale, chargée de faire fonctionner le bailleur au quotidien. « Le candidat proposé par Monsieur Vialay a été refusé par le conseil d’administration », se souvient Guy Mainière, le plus vieux représentant des locataires à l’Opievoy.
En conséquence, Michel Vialay démissionne, tandis que les conseillers généraux des Yvelines et du Val d’Oise ne se présentent plus lors des conseils d’administration. Deux ans plus tard, cette politique de la chaise vide est toujours effective. Plusieurs collectivités locales, dont les conseils généraux concernés, n’accordent plus de garanties d’emprunt aux projets de l’Opievoy.
Aujourd’hui, selon les divers administrateurs contactés, la régionalisation, annoncée au début de l’année, serait en bonne voie, et pourrait se produire d’ici quelques mois. Mais Pierre Bédier n’y croit pas : « La Région n’aura pas les moyens de le récupérer, a-t-elle 100 millions d’euros par an à mettre ? », demande-t-il, tout en proposant la départementalisation d’un office alors divisé en trois.
Si cela ressemble à un dernier coup de poker, Pierre Bédier estime que le bluff est plutôt du côté du conseil régional, tandis que l’année prochaine sera celle d’élections départementales comme régionales : « C’est une grosse esbroufe, ça ne se fera pas », assure-t-il ainsi.
Chez les représentants des locataires, la régionalisation est favorisée par rapport à l’éclatement. « Ca apporte une stabilité politique, qu’elle soit à droite ou à gauche », estime ainsi Rodolphe Jacottin, tête de liste juste réélu de la CLCV.
« Même si la Région bascule à droite, ce sera Valérie Pécresse qui dirigera », rappelle-t-il également, alors que les relations entre la députée des Yvelines et Pierre Bédier sont notoirement dégradées. L’année 2015 s’annonce donc toujours agitée pour l’Opievoy, à l’image de cette crise qui dure depuis deux ans maintenant.
Pas de risque financier…mais des investissements en pointillés
Pour la gauche, l’Opievoy est en bonne santé financière. Pour la droite, la situation est catastrophique. Selon les différents rapports et audits publiés depuis un an, chacun a raison et tort à la fois : si l’office n’est pas en danger immédiat, des questions se posent quant à sa capacité à assumer les réhabilitations et constructions prévues les prochaines années.
« L’Opievoy est dans une situation financière très tendue », déclarait il y a quelques semaines le président du conseil général lors d’une réunion publique à Mantes-la-Jolie, face à des habitants critiquant le mauvais suivi des travaux dans leur résidence. C’est un reproche adressé par l’UMP depuis 2012, suite à la démission du maire de Mantes-la-jolie Michel Vialay (UMP) de la présidence.
Face à ces critiques, l’Opievoy affirmait en septembre « la gestion exemplaire de l’office » tout en diffusant son rapport de gestion 2013. Dans ce dernier figurait un audit de la fédération des offices publics de l’habitat, qui établit « un bilan équilibré.» Un avis assez positif, que l’on retrouvait d’ailleurs sous une forme similaire, dans un rapport de la Chambre régionale des comptes réalisé en 2013.
A la tête de l’Opievoy par l’intermédiaire de son président Jérôme Guedj (PS), également président du conseil général de l’Essonne, la gauche n’a donc pas tort d’expliquer que les finances de l’Opievoy ne sont pas en danger, comme en témoigne l’acceptable note B+ délivrée à l’institution par la Banque de France.
Mais la droite, qui met en doute la possibilité de réaliser la totalité des lourds investissements prévus dans son patrimoine, détient également une part de vérité. En effet, dans chacun des deux rapports cités ci-dessus, les institutions écrivent en conclusion leurs doutes quant aux capacités futures de l’Opievoy, par rapport aux annonces de réhabilitations et de constructions neuves.
En particulier, la Chambre régionale des comptes s’inquiète de la dégradation très importante à partir de 2010 du potentiel financier du bailleur, un indicateur spécifique au logement social. Elle note également, comme une confirmation, la chute des mises en chantier de logements neufs en 2012 et 2013, après une hausse très importante de 2008 à 2011.
Chez les administrateurs, on pointe la complexité des montages financiers à réaliser compte tenu du refus des garanties d’emprunt par les collectivités dirigées par la droite, et les importants retards induits par la sévérité des normes concernant l’amiante, pour expliquer cet allongement des délais sur le plan d’investissement.
La droite yvelinoise pointe en réponse la diminution du volume de fonds propres, l’estimant symptômatique de la dégradation des comptes. L’Opievoy et ses administrateurs, eux, assurent que c’est uniquement dû à la volonté de ne pas les voir ponctionner par l’Etat, et d’une gestion financière au plus serré.