Prostitution : elles refusent de partir

Malgré la présence constante des policiers et l’arrestation des proxénètes présumés, les prostituées roumaines de l’avenue de l’Europe continuent leur commerce, au grand dam du maire.

Cela fait maintenant bientôt deux ans que des prostituées roumaines arpentent, dès 19 h, l’avenue de l’Europe (N13, Ndlr) et les parkings des commerces qui la longent. De la vidéosurveillance à l’intervention législative en passant par un arrêté municipal, le maire Michel Lebouc (DVG) étudie toutes les possibilités pour que le phénomène s’arrête, sur cet axe parcouru par des milliers de voitures chaque jour. Les jeunes Roumaines, elles, arguent du fait qu’elles pratiquent en toute légalité.

L’enquête au long cours des forces de l’ordre yvelinoises avait pourtant permis deux séries d’arrestations de proxénètes présumés, en octobre puis le mois dernier. La prostitution, elle, continue : seul le proxénétisme est pénalement répréhensible en France, et les marcheuses de l’avenue de l’Europe sont aussi les femmes des interpellés, aujourd’hui en prison.

Michel Lebouc, devenu spécialiste du sujet à son corps défendant depuis qu’il a été élu voici plus d’un an, commence à se lasser. Il a récemment pris un arrêté municipal interdisant le stationnement de 20 h à 6 h du matin, afin de permettre aux forces de l’ordre de verbaliser les automobilistes qui se montreraient tentés par une passe. La police, elle, les verbalise pour racolage passif, et se montre plus présente afin de décourager les clients.

« J’ai demandé à tous les commerçants de proximité qu’ils fassent des travaux pour interdire l’accès à leurs parkings, je vais prendre un nouvel arrêté pour interdire les rassemblements (permettant de verbaliser les prostituées, Ndlr), indique l’édile. Et, sur proposition des forces de police, je vais regarder très rapidement la mise en place d’une vidéoverbalisation ciblée à cet endroit-là. »

Au-delà de ces actions locales, l’élu a également mobilisé les parlementaires du territoire, alors qu’une nouvelle loi sur la prostitution et le proxénétisme est en cours d’examen par les parlementaires (voir encadré). Un vote qui a pris du retard, ce que ne peut que déplorer le premier magistrat : « J’en ai marre de ces aller-retours entre la droite sénatoriale et la gauche de l’Assemblée. »

Les jeunes Roumaines, elles, répondent avoir le droit pour elles, niant tout proxénétisme de la part de ceux qu’elles décrivent comme leurs maris. La semaine dernière, en début de soirée, elles étaient trois, attendant patiemment les clients devant une grande surface de jardinage, juste en face du siège de la Communauté d’agglomération de Mantes en Yvelines (Camy). A quelques mètres, la voiture de leur « protecteur » stationne.

Elles ont récemment embauché un avocat pour les défendre, et envisagent d’aller en justice pour dénoncer le harcèlement policier dont elles se disent les victimes. « Ici, la prostitution n’est pas interdite. Pourquoi la police ne nous laisse pas travailler tranquille ? Nous travaillons pour nos familles, en Roumanie », avance ainsi Monica, une blonde de 26 ans dont le mari, arrêté, dort en prison.

Ces trois jeunes femmes refusent tout net l’idée que leurs maris soient des proxénètes, indique Veronica : « Si mon mari se prostitue en prison et me donne de l’argent, est-ce du proxénétisme de ma part ? » Elles proposent par ailleurs un curieux marché: « S’ils les libèrent tous les trois, nous rentrerons en Roumanie. Sinon, nous restons ici. » Il semble néanmoins incertain que la justice donne suite à ce qui ressemble fort à un chantage.

Les clients bientôt pénalisés

Une proposition de loi, examinée depuis maintenant plusieurs mois par les parlementaires, devrait être votée vendredi 12 juin. Elle supprime le délit de racolage passif, et met en place une amende de 1 500 € pour les clients, plus lourde en cas de récidive. Ces deux mesures, supprimées par le Sénat, ont été rétablies par l’Assemblée nationale.

« Nous sanctionnons les clients, les proxénètes, et avons le souci d’accompagner les prostituées », indique la députée PS Françoise Descamps-Crosnier. « Le problème nécessitait une attention particulère », ajoute celle qui a été l’une des parlementaires sollicitées par le maire magnanvillois.