Jeudi matin, l’agitation règne dans cette petite rue de Mézy-sur-Seine, dans les hauteurs de la vallée. Devant l’extension moderne de ce qui devait être une résidence pour personnes âgées de 35 chambres, des demandeurs d’asile juste évacués de leur campement de la gare d’Austerlitz discutent, bagages à leurs pieds et sourire aux lèvres, tandis qu’un livreur de réfrigérateurs repart.
Quelques bénévoles les ont suivis de Paris, ils les assistent une dernière fois. « Nous avions demandé que soient tirées les conséquences des scandales lors des opérations précédentes, explique un Patrice Lanco plutôt satisfait. Pour eux, c’est une bouffée d’oxygène. » A l’intérieur de ce tout nouveau foyer d’accueil des demandeurs d’asile, les évacués cassent la croûte par petits groupes.
Parmi ces 103 hommes figurent surtout des Soudanais et Erythréens qui ont fui la guerre. Le Soudanais Abdallah, 18 ans, n’en avait ainsi que 17 quand il est parti. « J’aimerais étudier », note le jeune, surtout heureux, pour l’instant, d’avoir trouvé un endroit correct où dormir. Tous, d’ailleurs, remercient à plusieurs reprises les bénévoles et professionnels présents.
A l’origine de cette rapide transformation d’un projet de résidences seniors en un foyer d’accueil de demandeurs d’asile figure un montage juridico-financier. Une société avait racheté les lieux, avant de les rénover, puis d’en confier finalement la gestion, avant son ouverture, à l’association Aurore, plutôt spécialisée dans l’insertion.
« L’Etat nous a sollicité, et nous avait prévenus qu’ils nous appelleraient au dernier moment, nous disant d’être prêts », explique le nouveau directeur du centre Aurore, Jean-Marc Escurier. Quelques jours avant, l’appel tombe, et l’association aménage en quelques jours le bâtiment encore vide, des lits aux frigos arrivés le jour même. Les embauches, locales, se sont faites en quelques jours également.
Pas particulièrement informés en amont, le maire de la commune, Jean Mallet (EELV), comme son homologue d’Hardricourt, ont demandé « le meilleur accueil » à leurs administrés. « Je ne voulais pas insister et dire que nous n’avions pas le choix, par courtoisie envers les arrivants, explique Jean Mallet. Je ne pense pas que ce soit une faute d’accueillir des gens, je l’assume et je le soutiens. »
La maire de Chanteloup-les-Vignes prône la solidarité
Le week-end dernier, Catherine Arenou (DVD), l’édile chantelouvaise, annonçait avoir indiqué à l’Etat la volonté de sa commune d’accueillir une dizaine de familles réfugiées. Le lieu d’accueil des familles à Chanteloup-les-Vignes n’est pas encore connu, mais ne sera pas dans l’habitat social, saturé.
« Devant ce phénomène d’émotion nationale, et des propos que j’ai entendu ici ou là, je me suis dit qu’il fallait se positionner par anticipation », explique-t-elle de sa démarche. Pour éviter que l’Etat n’impose un accueil trop important à sa commune, classée en politique de la ville, dans quelques mois, elle a donc préféré s’y prendre en amont.
« Il était de notre devoir de dire que nous étions solidaires, car nous avons un savoir-faire d’accompagnement de ces populations », complète-t-elle. Au-delà de ce message, Catherine Arenou a également en tête les réactions d’autres élus de la vallée de Seine, peu favorables à tout accueil de réfugiés. C’est par exemple la position du maire de Poissy Karl Olive (LR), selon un récent communiqué.
« Quand il y a un flot permanent, c’est difficile, mais là, ce n’est pas si grand que ça, estime la maire, qui croit à leur intégration rapide, et rappelle les arrivées massives de boat people et de Libanais il y a quelques décennies. Les populations de réfugiés ont encore certainement des moyens, et une formation. »
La première magistrate espère que la solidarité chantelouvaise fera tâche d’huile. « Je pense qu’au fil du temps, certains élus seront moins frileux. A un moment donné, il ne faut pas sans arrêt suivre ce qu’on pense que la population pense, leur enjoint-elle. Il faut parfois anticiper, car on va réussir à convaincre, et à agglutiner les bonnes volontés. »
Dans l’édition du 23 septembre 2015, La Gazette publiait également le portrait de deux demandeurs d’asile Syriens hébergés à Gargenville.