« C’est au 12 en fait », ma copine vient de m’indiquer par texto que l’adresse du restaurant où nous dînons ce soir est un peu plus loin dans la rue Dupetit-Thouars. Le début du week-end s’annonce familial. Ma mère et celle de la femme qui partage ma vie depuis près d’un an, vont se rencontrer pour la première fois. À deux cents mètres au Sud de la place de la République, nous sommes bien accueillis par une connaissance de Patou, la maman de ma copine, arrivée quelques minutes plus tôt de Marseille. Les échangent se font dans la bonne humeur, les parts de pizzas et de focaccia passent d’une assiette à l’autre.
Les estomacs sont rassasiés mais il reste toujours une place pour un peu de sucré. Après réflexion, nous jetons notre dévolu sur les glaces Berthillon de l’île Saint-Louis. La nuit est plutôt calme pour un vendredi soir à Paris. Nous nous amusons de passages très pressés de véhicules de police, sans connaître encore la situation. Depuis le pont de la Tournelle, les scintillements de la tour Eiffel répondent aux éclairages multicolores de la tour Montparnasse. Nos glaces dégustées, nous embarquons ensuite dans la voiture de ma mère. Après la famille, les amis. Patrick, mon ami d’enfance, ne répond pas pour l’instant. Alors direction le 18e arrondissement pour un premier dépose-minute chez ma copine.
Depuis la place de la Bastille, je suis au volant et m’engage vers la place de la République pour rejoindre Barbès. – « Gros ça va ? » le texto de mon pote Romain m’interpelle. Je réponds par un « Yep » de circonstance sans vraiment comprendre. « T’es où ? Putain le cauchemar ». Il est 22 h 28. C’est alors que tout s’enchaîne. Quelques mètres plus loin, les barrages de police scindent le boulevard Beaumarchais. Au téléphone, Romain m’explique la situation. « Quoi au Carillon ? », je suis stupéfié, un bar qui m’est si familier. Les barrages se multiplient dans le 11e arrondissement où je réside.
France Info fait un retour sur les fusillades et les explosions qui viennent d’endeuiller la capitale. Des témoignages révèlent déjà l’horreur, un silence se fait dans la voiture. Le Boulevard Richard Lenoir, menant au Bataclan, est lui aussi coupé. Je multiplie les sens interdits pour trouver une solution. Aucune de mes connaissances directes ne semble touchée, enfin je l’espère.
Jérémy Denoyer