Témoignage : un soir de match

J’avais envie de vivre ce moment. Entrer dans cette enceinte mythique qui a vu naître des concerts gigantesques et des rencontres d’anthologie. Vibrer au rythme des buts, à l’unisson, avec l’ensemble des supporters. J’attendais cet instant. Je suis allée au stade de France, pour la première fois, vendredi 13 novembre...

Toute petite, voilà comment je me sentais parmi les 78 000 supporters. Pas forcément fan de foot, j’avais quand même mon billet pour assister au match amical France-Allemagne. Drapeau bleu, blanc, rouge en main, je me sentais fière d’arborer ces couleurs et d’entonner La Marseillaise, lancée par La Garde Républicaine. Un début de match calme qui ne laissait rien présager des attentats qui suivraient. Depuis un bon quart d’heure, le match avait débuté plutôt lentement. Des passes qui étaient loin de créer la folie des grands soirs et un froid plutôt tenace. Je commençais à regretter ma venue. Soudain, une détonation a retenti, tellement forte que j’en ai sursauté.

A mes côtés, tout le monde a tourné la tête pour essayer de comprendre ce qui arrivait. L’écho d’un gros pétard ou plutôt une bombe agricole ? Aujourd’hui, les Français savent qu’il s’agissait d’un acte terroriste. Un homme a déclenché sa ceinture à hauteur de la porte D, avenue Jules Rimet. J’étais en tribune Nord, bloc L, rang 47 et place 20. Difficile de ne plus s’en souvenir. A l’intérieur du stade, personne n’a jamais imaginé une explosion et encore moins un attentat. Nous sommes en France, jamais cette pensée n’a pu nous effleurer. Je fais partie d’une génération qui n’a jamais connu la guerre et les attentats qu’à travers un écran. Je ne sais pas ce que l’on ressent quand ça nous arrive.

Quelques minutes après, même détonation et encore même sursaut. Et ce boum qui nous prend en notre for intérieur mais on se rassure en se répétant qu’il ne peut rien nous arriver. Après tout, on est en France. Aujourd’hui, on sait qu’il s’agissait d’un deuxième homme qui s’est fait exploser devant la porte H. Chacun a regardé vers l’endroit de la détonation mais c’est tout. Rien ne se passe sinon la rencontre sportive. On a continué à regarder l’équipe de France jouer pour finalement sauter de joie juste avant la mi-temps. Un premier but qui est venu rebooster le moral des supporters. Sensation de bien courte durée.

Avec la reprise du match, les premières informations ont commencé à arriver. Un simple texto à propos du match et un ami nous a prévenu que deux explosions avaient eu lieu autour du stade. Egalement, une fusillade était en cours à Paris. On s’est regardés, sans comprendre. Immédiatement, un second message est arrivé pour nous informer que François Hollande avait été exfiltré de la tribune présidentielle. Que se passe-t-il ? Sur mon téléphone, aucune notification. D’habitude, les applications de médias me préviennent toujours d’un événement. Je prends mon téléphone et impossible de se connecter à internet. On comprend alors qu’un drame est en train de se produire sans en mesurer toute l’ampleur.

Doit-on rester ou doit-on partir ? Après tout, nous n’avons jamais été confrontés à pareille situation, ni même été préparés à ce genre d’événement. Finalement, il nous a paru normal de continuer à regarder le match. On est restés en tribune dans l’espoir de pouvoir ressentir, encore une fois, l’euphorie d’après-but. Bingo ! L’équipe de France a marqué son deuxième but et avec elle, le stade de France s’est extasié de joie. Aujourd’hui, je comprends que c’est la meilleure réponse que l’on pouvait apporter à ce drame. Derrière ce dernier but, nous étions tous Français, tous euphoriques, tous fiers de ce que l’on pouvait accomplir ensemble… nous étions unis.

Virginie Wéber