Comme une bouteille à la mer, le texte écrit par les huit jeunes du Club 11/17 a été entendu par Vincent Duclert, historien français, professeur à l’école nationale d’administration, qui a décidé de réunir plusieurs textes d’auteurs dans un même recueil, intitulé Lettres à la France. Ce livre est le premier d’une série « Lettres à ».
Le Livre de poche inaugure une nouvelle série avec ce livre. « Nous avons toujours eu le rôle de transmission de valeurs communes. Suite aux événements de janvier 2015, Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, nous nous sommes demandés comment vaincre l’intolérance et défendre la liberté d’expression. Les attentats du Bataclan, en novembre 2015, ont précipité les choses : le partage de nos valeurs, mené à la réflexion », raconte Anne Bouissy, attachée de presse chez Livre de poche.
Lié au projet, l’historien Vincent Duclert a parcouru le web à la recherche de textes contemporains. « Dans ce projet, il est important d’avoir la vision de jeunes sur des notions d’adultes. Leur texte a une histoire forte et il est très intéressant. Il témoigne de leur expérience dans une ville qui a une mauvaise image. Ils ont une volonté de s’inscrire dans la vie politique et des valeurs françaises. Ils sont la voix de l’avenir et c’est notre rôle, d’adultes, d’historien, d’éditeur de les soutenir pour qu’ils continuent d’innover », estime-t-il. Il considère que les textes « ordinaires » méritent leur place aux côtés des classiques lorsqu’ils sont aussi bien travaillés et qu’ils symbolisent une pensée forte.
Les enfants ont commencé à penser au texte sur le thème du « vivre ensemble » en octobre 2014 avec Mimouna Messaour, directrice du secteur ado, et Youssef Dkhil. « Nous avons la chance d’avoir un atelier où nous pouvons nous exprimer comme on veut. Dans ce texte, nous montrons les valeurs que la France nous a inculquées et quand les attentats contre Charlie Hebdo ont eu lieu, nous avons parlé avec notre cœur. Nous avons écrit à chaud », explique Yasmine, qui avait 17 ans au moment des faits. Leur sincérité a dépassé les frontières de Chanteloup-les-Vignes et a su toucher Vincent Duclert. En effet, leur poème se trouve aux côtés des écrits de Victor Hugo, Simone Veil ou encore Jeanne d’Arc et Abdel Malik.
Quelle fierté pour ces jeunes : le député des Yvelines, Arnaud Richard, a lu un extrait à l’Assemblée nationale. Le texte a été mis en chanson et un clip vidéo a été tourné, le but étant qu’il serve d’outil pédagogique dans les écoles. « Le 22 avril 2015, le clip a été projeté à la mairie avec les élus et l’entourage. La force du texte nous a tous saisi et nous leur avons demandé de participer à la cérémonie du 8 mai. Arnaud Richard a découvert le texte à ce moment-là », récapitule Catherine Arenou, maire (DVD) de Chanteloup-les-Vignes, tout en couvrant d’un regard très fier les jeunes auteurs.
Le clip vidéo a été visionné près de 3 700 fois sur Youtube, les paroles ont été citées à l’Assemblée nationale et elles ont été entendues par un historien. « Nous souhaitons montrer que les différences d’âges, d’origines et que le handicap ne sont pas des freins mais une richesse pour lutter ensemble contre le terrorisme, précise Anes, 14 ans avec passion. Et nous voulions également montrer une autre vision de Chanteloup, autre que celle qu’il y a dans le film La Haine. Notre clip s’appellerait la joie. »
« Soyez les témoins de ce que vous vivez ici, le regard de l’autre est une chance », déclare avec émotion Catherine Arenou. Les retombées du clip ont permis d’obtenir des aides financières de Licra (ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme), du conseil départemental et du service municipal pour que les jeunes du Club 11/17 puissent continuer de créer des clips vidéos pédagogiques et aider ainsi à changer le regard, les mentalités comme ils ont déjà su le faire.