« Partir de ce qui va mal pour le transformer en ouverture, c’est toute notre vie. » Le père Xavier Chavane, envoyé par son évèque chez les Muriautins en 2006, concrétise tous les jours cette ambition pour les 600 à 1 200 fidèles fréquentant plus ou moins assidûment les deux églises de la commune. « En arrivant, le maire m’a dit « Si vous aimez les gens, vous serez bien aux Mureaux ». Ca n’a pas été très compliqué, c’est ma vocation », glisse dans un sourire cet homme au calme apaisant.
S’il a ressenti l’appel de la religion à un jeune âge, il n’était pourtant pas prédisposé à devenir spécialiste des cités et du dialogue interreligieux, après une enfance versaillaise « à l’école du scoutisme ». Oubliant sa vocation d’enfant à l’adolescence, il la redécouvre à 20 ans. « J’avais beaucoup d’amis, et me rendais compte que le nom et la personne de Jésus-Christ n’étaient plus une référence alors que pour moi, il était l’essentiel », se rappelle-t-il.
Alors qu’il hésitait à s’engager dans des études le destinant à la politique, il entre finalement au séminaire en 1991… et part étudier à Rome pendant quatre ans, au milieu de plus de 3 000 étudiants du monde entier. « C’est là que, pour la première fois, je me suis intéressé à la religion musulmane, avec un voyage d’études en Tunisie et un cours de philosophie qui m’a passionné », se remémore Xavier Chavane.
En 1997, il est nommé prêtre à Sartrouville, et se découvre un intérêt pour l’exercice de sa vocation dans le quartier populaire de la commune, notamment auprès des jeunes, qu’il sert quelque soit leur confession, les catholiques à l’église, les autres par l’aide aux devoirs. « La cité est un croisement de peuples et de cultures très différentes qui se côtoient au quotidien. Cette rencontre me passionne, confie-t-il. Et, comme prêtres, nous sommes invités à annoncer la bonne nouvelle aux pauvres en premier lieu. »
Après Sartrouville, c’est dans les quartiers Nord d’Aulnay-sous-Bois qu’il officie à partir de 2001. Arrivant dans une atmosphère de suspicion entre croyants musulmans et chrétiens, et de dégradations de l’église, il noue contacte avec ses homologues prêchant l’Islam, et prône l’ouverture aux fidèles de la paroisse. « Nous pouvions avoir une réaction négative, de colère. Il fallait la gérer pour ne pas alimenter un conflit mais le désamorcer », explique-t-il.
La situation s’améliore, les croyants des deux religions se parlent… et sa hiérarchie le nomme aux Mureaux. Il établit assez rapidement des liens, avec les fidèles musulmans en rejoignant un groupe d’amitié islamo-chrétien, comme avec les deux imams dont Mohamed Mokrane, arrivé lui aussi en 2006, à la mosquée Essalam. Une amitié naît, toujours active aujourd’hui : « C’est un homme simple, humble et travailleur. Nous échangeons sur nos prêches, et sur nos préoccupations vis-à-vis de nos communautés, notamment des jeunes. »
Aujourd’hui, les responsables des deux cultes luttent ensemble, selon la confession et les fidèles, contre l’islamophobie et l’extrémisme religieux. « L’islamophobie a beaucoup progressé, et on a vu le salafisme grandir dans les années 2000, analyse le prêtre. Il est important d’être dans une écoute active de ces souffrances, il y a une réalité, à partir de laquelle on avance pas à pas vers une réelle fraternité et une ouverture à l’autre, ce qui dit respecter et mettre en valeur ce qu’il y a de bon et de juste en l’autre. »