Logements : un besoin qui divise

La construction de nouveaux logements collectifs engendre des batailles parfois féroces dans les communes les plus aisées, comme à Villennes sur-Seine. Au désir de statu quo de certains répond celui de faire de solides bénéfices d’autres propriétaires. Avec, en toile de fond, les durcissements successifs des lois et règlements nationaux qui exigent plus de logements, sociaux comme privés.

Alors que l’Île-de-France manque plus que jamais de logements, qu’ils soient ou non sociaux, l’équation se complique pour les maires des communes les plus récalcitrantes. C’est notamment le cas dans la très chic Villennes-sur-Seine et ses 5,5 % de logements sociaux bien peu nombreux au milieu des villas et maisons de maître. Son premier magistrat s’arrache actuellement les cheveux, et défend face aux habitants sa volonté de permettre les constructions sous la menace de l’Etat.

Le respect des obligations de construction, en vallée de Seine, de nouvelles habitations, quelque soit leur statut, est aujourd’hui surveillé de près par la préfecture des Yvelines. Et, ces dernières années, l’Etat a considérablement renforcé les pénalités et sanctions en cas de non-respect par les communes d’une proportion aujourd’hui placée à 25 % de logements sociaux, censée être atteinte en 2025.

En effet, d’un côté, la préfecture vient d’annuler la décision de révision du Plan local d’urbanisme (Plu) *, au prétexte d’une insuffisance des objectifs en matière de logement. De l’autre, une partie de ses administrés est vent debout contre l’idée de voir s’ériger des projets de logements collectifs dans la commune, qu’ils craignent de voir vendus aux promoteurs.

Et en effet, une autre catégorie Villennoise n’est pas opposée à un joli bénéfice en vendant à un promoteur plutôt qu’à des particuliers, ce qu’ont confirmé des agents immobiliers à La Gazette. « On peut être mis devant les tribunaux à la fois parce qu’on veut construire, et parce qu’on refuse de construire ! », raconte non sans ironie le maire Michel Pons (LR), donnant l’exemple d’administrés désireux de voir leur terrain devenir constructible.

Dans le même temps, plus de 600 Villennois ont récemment indiqué leur refus de voir s’ériger une résidence de 87 appartements (dont 40 % seront sociaux, Ndlr) route de Marolles. Composé d’une villa et de cinq petits immeubles, ce projet du promoteur privé Corem a donné lieu à une importante contestation. Au moins un recours a été formé devant le tribunal administratif.

« L’intérêt bien compris des Villennois est que nous satisfassions à nos obligations triennales, en social comme en non social », plaide le maire Michel Pons (LR).
« L’intérêt bien compris des Villennois est que nous satisfassions à nos obligations triennales, en social comme en non social », plaide le maire Michel Pons (LR).

Pour l’instant, la commune, sous surveillance préfectorale, paiera 96 000 euros de pénalités de retard liées au manque de logements cette année. « Sans le projet Marolles, notre pénalité aurait été doublée, on aurait augmenté les impôts », assure cependant Michel Pons. Il fait d’ailleurs noter que sa municipalité, satisfaisant à son obligation de construire 97 logements sociaux de 2014 à 2016, n’est pas considérée comme carencée.

Comme dans nombre de communes parmi les plus aisées depuis le passage de la loi sur la Solidarité et le renouvellement urbain (SRU), qui a fixé pour la première fois, en 2000, des objectifs en matière de logement social, certains habitants pourraient accepter, voire souhaiter, une hausse d’impôts plutôt que des logements aidés.

« L’intérêt bien compris des Villennois est que nous satisfassions à nos obligations triennales, en social comme en non social, faute de quoi nous deviendrons carencés, répond le maire à cet argument valide tant que la loi SRU n’avait pas été durcie. L’Etat pourrait alors préempter des ventes et y construire le maximum de ce qu’il pourrait faire. »

Il semble néanmoins probable que la commune se trouve, en 2025, très en-deçà de l’obligation « très exigeante » de 25 % de logements sociaux. Elle devrait ainsi n’en avoir que 7 % à la fin de l’année. « Désormais, les opérations ne pourront se faire que sur des terrains que les gens vendent », se défend déjà le premier magistrat, sans trop d’espoir, pour obtenir la mansuétude préfectorale.

Coincé entre l’Etat, les électeurs souhaitant vendre à bon prix et ceux craignant les immeubles, il plaide en faveur du logement auprès des habitants. « Le logement social n’est pas péjoratif. Nos enfants doivent pouvoir vivre à Villennes, ils n’ont pas les moyens d’acheter de grosses maisons, explique-t-il. Il faut construire pour eux, pour des personnes d’un certain âge, pour les familles monoparentales. »

Michel Pons relève néanmoins un changement d’état d’esprit depuis le début des années 2000. « Il y a eu une évolution des mentalités de la population, les gens admettent maintenant le besoin de logements, analyse-t-il. Mais il ne veulent pas qu’on en fasse trop… et peut-être pas trop à côté de chez eux non plus »

* Le Plan local d’urbanisme (Plu) détermine finement, quartier par quartier, les orientations et règles de la commune en matière de construction.

TRIEL-SUR-SEINE
Logement social : sortie des pénalités en 2016

La commune est l’une des plus en retard du département. Mais ses efforts, ces dernières années, lui permettent d’échapper aux pénalités en 2016 et 2017.

Ce sont plus de 92 000 euros que les Triellois n’auront pas à payer, ni cette année ni la suivante, pour non-respect de la loi sur la Solidarité et le renouvellement urbain (SRU), votée en 2000. Auparavant très en retard sur ses obligations en matière de création de logements sociaux, la commune est aujourd’hui nettement en avance. La préfecture des Yvelines a décidé de mettre fin à la constatation d’une carence en la matière, et donc au paiement des pénalités prévues cette année.

L’obligation préfectorale était de lancer la construction d’au moins 181 logements locatifs sociaux pendant l’actuelle période triennale, entre 2014 et le 31 décembre 2016. A la fin de l’année dernière, 198 projets avaient été déposés en préfecture par la commune. « Nous avons donc couvert l’objectif avec un an d’avance ! », se réjouit l’adjoint à l’urbanisme Michel Poirot dans le magazine municipal. Le territoire communal compte un peu moins de 10 % de logements aidés.

Elle reste l’un des plus mauvais élèves des Yvelines, très en-deçà de l’objectif de 25 % du parc immobilier locatif social d’ici à 2025, fixé par l’Etat en 2013. Mais, alors que le gouvernement a annoncé le durcissement des sanctions en cas de non-respect des obligations, les élus de Triel-sur-Seine soufflent. La municipalité trielloise, tant qu’elle était en état de carence, avait en effet perdu le droit de préempter les ventes immobilières.

Urbanisme : un plan pour les gouverner tous

Les règlements d’urbanisme, comme la définition des objectifs en matière de construction de nouveaux logements, seront désormais gérés au niveau intercommunal en vallée de Seine.

Les plans d’occupation des sols (Pos) et plans locaux d’urbanisme (Plu) définissent finement les orientations urbanistiques de chaque commune. Ils étaient l’une des dernières prérogatives des maires, notamment dans les communes rurales… elle a pris fin avec la création de la communauté urbaine Grand Paris Seine & Oise (GPSO), désormais chargée de l’urbanisme de Rolleboise à Conflans-Sainte-Honorine.

Les 31 Pos et 42 Plu des 73 communes membres de GPSO devront donc être, d’ici au 31 décembre 2019, tous remplacés par un seul et unique plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI). Lors du dernier conseil communautaire, les élus ont à une large majorité voté le lancement de la procédure de constitution de ce plan intercommunal, ainsi que ses orientations.

Ces dernières permettront de définir ensuite les priorités urbanistiques dans chaque quartier des villes et villages de la communauté urbaine. « Le PLUI n’est pas l’addition de tous les Plu, a indiqué Suzanne Jaunet, adjointe LR à Achères et vice-présidente de GPSO en charge de l’urbanisme. Il y aura une mise en cohérence, et une intégration des règles en vigueur. Pour nous, c’est un enjeu considérable. »

Les principaux buts fixés dans la délibération votée ce soir-là sont notamment de « préparer le territoire à l’arrivée du RER Eole », de « mettre en valeur la Seine de Mousseaux à Conflans », de « répondre à l’enjeu de cohésion territoriale » entre espaces urbains et naturels, de « préserver la vocation agricole », ou encore d’assurer « une répartition équilibrée de l’habitat sur l’ensemble du territoire ».

Pour la plupart des élus, c’est bien cette dernière proposition, relative aux nouveaux logements qu’ils soient ou non sociaux, qui constituera le nerf de la guerre dans les années à venir. Nombreuses sont d’ailleurs les majorités municipales, afin de faire savoir leurs demandes, à avoir engagé des procédures de révision de leurs Pos ou de leurs Plu juste avant le lancement du processus de constitution de ce PLUI.