Chômage : ils misent sur l’insertion professionnelle

Les pouvoirs publics essaient d’insérer dans une nouvelle vie professionnelle ceux qui n’ont jamais eu d’emploi ou ont perdu le leur. Les dispositifs se multiplient dans un contexte où le frémissement économique n’engendre que peu d’emplois pour l’instant.

A défaut de réussir à faire baisser le taux de chômage, désespérément haut malgré la timide reprise économique décrite par les acteurs économiques et institutionnels, l’insertion professionnelle a été mise en avant en mai. Si l’Etat et Pôle emploi comptent dessus pour améliorer l’adéquation entre chômeurs et entreprises, le conseil départemental se recentre sur ce sujet depuis la réduction de son champ d’action économique en 2015.

Par l’intermédiaire de SNCF réseau (ex-RFF, Ndlr), pas moins de 700 000 heures, soit 7 % du total des heures dévolues à cet immense chantier, qui vont être réservées à des actions d’insertion et de formation professionnelles sur le chantier de prolongement du RER E à l’Ouest de Paris. Le Département, lui, espère bien, avec la montée en régime de son agence d’insertion Activity, faire sortir 5 000 personnes du RSA en 2016, et ouvre une seconde auto-école sociale à la rentrée (voir encadré).

« La définition même du chômage est bien une période de réadaptation au marché du travail car la personne n’est plus adaptée, explique de cette priorité Didier Thomas, directeur territorial délégué de Pôle emploi dans les Yvelines. Il faut la transformer par des actions d’accompagnement pour accéder au marché du travail. Sinon, on constate des milliers d’offres non pourvues, et des milliers de chômeurs. »

« En cinq ans, nous sommes passés de 20 000 à 27 000 bénéficiaires du RSA, avec actuellement plus de 1 000 entrées par mois », note le préfet des Yvelines, Serge Morvan.
« En cinq ans, nous sommes passés de 20 000 à 27 000 bénéficiaires du RSA, avec actuellement plus de 1 000 entrées par mois », note le préfet des Yvelines, Serge Morvan.

Ainsi, dans le cadre de la clause d’insertion du chantier du RER E, 250 000 heures ont été attribuées aux Yvelinois, et cinq d’entre eux travaillent déjà en vallée de Seine. Représentant un total de 3 000 heures d’insertion, ils ont été recrutés en mars, pour les travaux préparatoires en gares de Verneuil-Vernouillet et Villennes-sur-Seine. Huit autres offres doivent être pourvues d’ici cet été pour travailler à Mantes-la-Jolie.

Les chantiers yvelinois comprennent 60 000 heures d’insertion. Le reste des heures est réparti entre Paris et les Hauts-de-Seine. « Les plus gros travaux démarreront en 2017. L’enjeu est que nous puissions positionner les publics yvelinois sur ces marchés [non-yvelinois] », explique Anne Marien, responsable de l’ingénierie des clauses d’insertion de l’agence Activity, présente lors de la signature des conventions avec SNCF réseau.

Etes-vous éligible aux clauses d’insertion ?

Les clauses d’insertion sont de plus en plus fréquentes au sein des marchés publics de travaux comme de services, à l’image de celle intégrée au chantier de prolongation du RER E. Pour y être éligible, il faut être bénéficiaire du RSA ou d’autres minimas sociaux, travailleur handicapé, avoir moins de 25 ans sans qualification ou diplôme, chômeur de longue durée, ou avoir démarré un parcours d’insertion par l’activité économique.

Quelques jours plus tard, c’est autour de la baisse espérée du nombre de bénéficiaires du RSA que le conseil départemental des Yvelines organisait la signature de son pacte territorial d’insertion pour 2016-2017, et de trois conventions pour favoriser l’insertion professionnelle. Objectif : faire sortir 5 000 personnes du RSA cette année, grâce à la montée en puissance d’Activity, son agence d’insertion. « Activity assure la coordination des acteurs, s’est satisfait le préfet des Yvelines Serge Morvan. Si le chômage dans les Yvelines est plus bas que la moyenne nationale, il masque de fortes disparités. En cinq ans, nous sommes passés de 20 000 à 27 000 bénéficiaires du RSA, avec actuellement plus de 1 000 entrées par mois. »

Alors, pour compenser la dégradation de la situation, le conseil départemental s’est engagé à embaucher presque 600 personnes avec des contrats aidés, ainsi qu’au moins 300 bénéficiaires du RSA en 2016. Par l’intermédiaire d’Activity, il souhaite accompagner 3 000 personnes au RSA cette année (contre
1 600 en 2015, dont 580 ont retrouvé un emploi, Ndlr), ainsi que 3 000 familles monoparentales en coordination avec la Caisse d’allocations familiales (Caf).

« Sa création et sa mise en route ont pris du temps », indique le président du conseil départemental Pierre Bédier (LR) de l’agence d’insertion Activity, créée en 2015.
« Sa création et sa mise en route ont pris du temps », indique le président du conseil départemental Pierre Bédier (LR) de l’agence d’insertion Activity, créée en 2015.

« Avec 1 000 personnes de plus par mois au RSA, si nous n’arrivons pas à ce que 1 000 personnes sortent du dispositif, nous sommes en situation d’échec, plaide ce jour-là Pierre Bédier (LR), le président du conseil départemental des Yvelines. « Cette allocation de ressources doit être objective, à partir de résultats concrets, pas parce qu’on est ami avec tel ou tel. […] Vous serez évalués pour l’avenir à partir du passé », a-t-il prévenu les organismes et associations présents.

Il espère que cette seconde tentative autour de l’insertion professionnelle sera la bonne pour l’institution qu’il dirige. « En 2005, je me suis planté en rattachant l’insertion au développement économique, reconnaît en effet Pierre Bédier quelques jours plus tard. C’est une question de politique sociale, pas de développement économique. Nous partons sur un autre pied avec Activity, j’espère que nous partons dans la bonne direction. »

Il demande un peu de patience pour juger de l’efficacité de cette agence créée en 2015 : « Sa création et sa mise en route ont pris du temps. » Avant de faire ce qui reste un aveu d’échec, du moins au niveau national : « Nous n’aurions pas à faire ça si l’économie marchait. Il faut que ce soit une politique pleine et entière tant que la France n’aura pas pris les mesures pour ramener de l’emploi. »

Passer son permis pour trouver du travail ?

Depuis la fin de l’année dernière, une vingtaine d’Yvelinois a déboursé 250 euros chacun pour passer leur permis dans l’auto-école sociale du conseil départemental, à Versailles. Satisfait de ce dispositif largement financé grâce à l’Union européenne (200 000 euros, Ndlr), son président Pierre Bédier (LR) a annoncé l’ouverture en septembre d’une autre auto-école à Mantes-la-Jolie.

« C’est une idée ancienne que nous avons enfin concrétisé », s’est-il réjoui à l’occasion de la présentation de l’auto-école à la presse en présence de bénéficaires. Il a avancé l’objectif de faire passer 150 permis chaque année. « C’est la démonstration qu’il arrive à des institutions de répondre à des problèmes extrêmement concrets », a ajouté l’élu mantais.

Les bénéficiaires de cette auto-école un peu spéciale doivent justifier de la nécessité du permis de conduire pour leur projet de carrière. Ils doivent être en insertion professionnelle, ou bénéficier de minimas sociaux comme le RSA ou l’aide sociale à l’enfance. Pour certains, ce permis devenu si indispensable permet aussi de ne pas conduire dans l’illégalité.

« Nous voulons offrir à des publics en difficulté une meilleure mobilité »,explique Yann Beherec, président de l’association Sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence des Yvelines, qui gère l’auto-école. « Il ne s’agissait pas de faire de la gratuité. Leur demander une participation est une reconnaissance de la dignité des personnes », complète du tarif Philippe Ratinaud, directeur de l’association.

Depuis l’ouverture en décembre, quatre des vingt inscrits ont eu leur permis et douze ont passé le code, à l’instar d’Olivier. A 42 ans, celui-ci a décidé de « réinvestir dans le système » après de nombreuses années de galère. L’auto-école sociale, il y est arrivé par l’intermédiaire du Centre communal d’action sociale (CCAS) de Versailles.

« Des gens comme nous n’ont pas forcément le moyen de payer le prix actuel, raconte-t-il. Retourner prendre des cours a été dur pour moi au début, je n’étais pas beaucoup à l’école dans ma jeunesse, mais mon prof ne m’a pas lâché et j’ai tenu bon avec un peu de volonté. ». Lui qui a « fait tous les boulots dans le bâtiment sans les diplômes » souhaite aujourd’hui devenir fossoyeur, « mais il faut le permis ».

Yvelines
Les besoins d’insertion concentrés en vallée de Seine

Sans surprise, c’est d’abord dans le Nord des Yvelines que les besoins en matière d’insertion professionnelle sont les plus importants. « Les bénéficiaires du RSA sont concentrés sur les quartiers en politique de la ville (qui représentent 23 % des bénéficiaires yvelinois du RSA, Ndlr) : Mantes, Les Mureaux, Poissy et Chanteloup », expose Didier Thomas, directeur territorial délégué de Pôle emploi dans les Yvelines.

« La plus grosse partie des besoins en insertion (et la moitié des bénéficiaires yvelinois du RSA, Ndlr) est concentrée dans ce croissant de Mantes à Poissy, analyse-t-il également. C’est un territoire industriel qui n’a pas encore profondément fait sa mutation. »

En janvier 2016, les demandeurs d’emploi bénéficiaires du RSA étaient 23 % à avoir déclaré travailler au cours des deux derniers mois, 60 % à être inscrits depuis moins d’un an à Pôle emploi, et 22 % à être en demande d’emploi depuis plus de deux ans. Ils étaient 78 % à avoir un diplôme inférieur au baccalauréat. Pour rappel, le département comptait, en mars 2016, plus de 93 000 demandeurs d’emploi en catégories A, B et C, dont 38 500 étaient en recherche depuis plus d’un an.