Ses locaux sentent encore la peinture, après plusieurs mois de travaux menés tambour battant. Vendredi dernier, la première vraie mosquée de la commune, située dans l’ancienne trésorerie des impôts du quartier des Merisiers, a ouvert ses portes et reçu des fidèles lors de la prière de 18 h. La guérilla juridique d’opposition au projet menée par Cyril Nauth, le maire FN de la commune élu en 2014, n’aura finalement pas payé.
Cette mosquée était portée depuis fin 2013 par l’Association mosquée Mantes Sud (AMMS), présidée par Abdelaziz El Jaouhari. Ce n’est aujourd’hui pas le seul projet en cours, l’association El Fethe, soutenant historiquement la construction d’une salle de prière définitive n’ayant pas renoncé malgré le fait que l’ex-maire PS, Monique Brochot, ait choisi peu avant les élections (et sa défaite, Ndlr) de vendre l’ancienne trésorerie, propriété de la communauté d’agglomération du Mantois aujourd’hui disparue, à l’AMMS et non à El Fethe (voir encadré).
Des deux niveaux du bâtiment qui jouxte le cimetière, seul celui du dessus, sur 475 m², est aménagé pour le moment en deux salles de prière, une terrasse et quelques bureaux. Si la procédure de préemption engagée par le maire Cyril Nauth pour éviter la vente doit toujours être jugée au fond, le président de l’AMMS ne cachait pas son bonheur vendredi, entre des saluts aux habitants du quartier venus voir l’endroit, aider à faire les derniers réglages ou solliciter de menus services.
A l’achat du local pour 600 000 euros s’ajoutent 200 000 euros de travaux, et beaucoup de bénévolat. « Nous avons levé environ 600 000 euros depuis le début du projet, et des fidèles ont contracté des emprunts relativement importants pour couvrir le reste, avance Abdelaziz El Jaouhari. Beaucoup ont aussi participé aux travaux ou fourni des matériaux. Les Mantevillois attendent une mosquée depuis de très longues années. »
Pour le moment, la capacité d’accueil est de 300 personnes. « Nous pouvons accueillir plus du double [de la capacité initiale], mais c’est soumis au permis de construire que le maire a refusé de signer malgré sa validation par les commissions de sécurité », déplore le président de l’AMMS. Alors, pour l’instant, le local municipal du boulevard Salengro, utilisé jusque-là, continuera de servir pour les fêtes religieuses, les prières du vendredi et les cours d’arabe.
L’AMMS est en effet en procès pour forcer le maire a délivrer le permis, mais l’audience a été repoussée pour la troisième fois, la municipalité mantevilloise déposant des éléments complémentaires. « C’est le paradoxe : le maire, responsable des établissements recevant du public, nous contraint à ne pas pouvoir utiliser un équipement aux normes », note Abdelaziz El Jaouhari. Et Cyril Nauth, qui ne voulait pas d’une mosquée, va peut-être devoir vivre avec plusieurs.
Un autre projet (et le conflit d’assos) toujours en cours
Une seconde mosquée, de l’association historique des fidèles mantevillois, pourrait ouvrir bientôt. Son responsable dénonce un acharnement de l’autre association de fidèles pour les en empêcher.
Une autre « vraie » mosquée, propriété des fidèles, pourrait voir le jour dans les prochains mois, également dans le quartier des Merisiers, à proximité du stade. L’association El Fethe n’a en effet pas renoncé : elle est en procès pour obtenir la vente du pavillon sur lequel elle avait jeté son dévolu, mais dont la propriétaire ne s’est pas présentée chez le notaire et refuse désormais la vente. El Fethe a lancé une procédure judiciaire pour la forcer.
L’ambiance est par ailleurs toujours aussi détestable entre El Fethe, l’historique, et l’Association mosquée Mantes Sud (AMMS), la nouvelle. Cette dernière s’est vue confier la veille de sa création, en novembre 2013, la vente de la trésorerie des Merisiers, pourtant intialement destinée à El Fethe, dont Abdelaziz El Jaouhari (président de l’AMMS, Ndlr) était alors un jeune membre. Deux procédures judiciaires croisées sont en cours entre les deux structures, et la détestation est plus vive que jamais entre leurs dirigeants respectifs, qui disent tous deux attendre le verdict de la justice.
« L’AMMS a mis la main sur ce projet, et a réussi, en mettant le maire (Monique Brochot, Ndlr) dans sa poche, à faire expulser El Fethe des locaux qu’elle occupait boulevard Salengro pour l’y installer, indique l’avocat de l’association historique, Philippe Bataille. Avec l’aide de juristes, M. El Jaouhari avait même imaginé qu’El Fethe apporte la totalité de ses fonds à l’AMMS. »
Une procédure contre Abdelaziz El Jaouhari est toujours en cours depuis 2014, avec demande de dommages et intérêts. El Fethe avance « des fautes » de sa part, celui-ci étant en 2013 le mandataire d’El Fethe pour négocier avec la mairie. « On mandate quelqu’un qui fait glisser le projet vers sa propre association, et fait échouer le projet prévu initialement », estime l’avocat.
L’AMMS a également porté plainte contre El Fethe pour détournements de fonds et des statuts. L’association historique et ses responsables sont par ailleurs régulièrement visités par différents services de l’Etat, de l’Urssaf à la police nationale qui a perquisitionné le domicile de Zoher Abbadia et le local de l’association en avril. Le motif ? L’utilisation suspectée de ces locaux prêtés par la mairie pour des prières et non seulement des cours d’arabe.
« Il émane des dénonciations tous azimuts, de fraudes aux cotisations sociales, de travail dissimulé, de malversations financières, et qu’il (Zoher Abbadia, Ndlr) est proche de l’islam rigoriste. C’est du délire ! », s’étrangle Maître Bataille. Il prépare d’ailleurs le dépôt d’une plainte pour dénonciation calomnieuse liée à la perquisition du mois d’avril, qui s’est avérée infructueuse.
« Pourquoi le préfet motive ces perquisitions sur la base d’éléments qui sont ceux utilisés par l’AMMS dans le cadre des procédures en cours (la plainte de 2014 et la défense, par la même avocate, de la vendeuse du pavillon à El Fethe, Ndlr) ?, demande-t-il. Il y a un conflit très profond qui me paraît alimenté par le président de l’AMMS, dont la virulence dépasse toute limite. C’est assez inquiétant. »
Pour Zoher Abbadia, la raison est toute trouvée : « Ce qui intéresse [Abdelaziz El Jaouhari] est l’argent que nous avons, pourtant déjà bloqué chez le notaire pour l’achat du pavillon (pour 220 000 euros, Ndlr). » Il estime que la vendeuse « a été manipulée ». Lui cherche aujourd’hui des locaux temporaires afin de pouvoir continuer les cours d’arabe en attendant sa nouvelle mosquée, la mairie lui ayant indiqué récupérer les salles actuelles de la zone de la Vaucouleurs en septembre.
« Nous sommes la troisième association qui porte ce projet [de mosquée], relativise Abdelaziz El Jaouhari qui dénonce le prêt, selon lui « illégal » de salles par la mairie à El Fethe. Vous avez une coquille vide, que plus personne ne reconnaît et qui n’a plus de personnalité morale. Les donateurs ont voulu récupérer les fonds, ils ont écrit au proclamé président sans obtenir de réponse. D’après nos estimations, il manque de l’argent, et pas de petites sommes, par rapport à ce que prétend M. Abbadia. »