Chômage : « Il y a beaucoup moins d’emplois non qualifiés »

Ces trois directeurs des Pôle emploi de Poissy, Les Mureaux et Mantes-la-Jolie décrivent les évolutions récentes de l’emploi local. Selon eux, il n’y a que la qualification professionnelle ou les études longues qui permettent maintenant de trouver du travail, le seul baccalauréat étant désormais insuffisant.

Comment a évolué le monde du travail ces dernières années ?
Patrick Rivoal (Mantes-la-Jolie) : Le problème de fond est qu’il y a beaucoup moins d’emplois non qualifiés qu’il y a quelques années.
Marie-Cécile Demolière (Poissy) : Il faut savoir lire et écrire le français, savoir lire des plans, lire et appliquer des consignes. Les emplois de pure main d’oeuvre n’existent plus. On a aussi une vie professionnelle faite de plusieurs métiers et plusieurs employeurs. Le métier qu’on prend à 20 ans et qu’on quitte à 62 ans n’existe plus.

Que cherchent les recruteurs aujourd’hui ?
P. R. : Les chefs d’entreprise recherchent avant tout de la motivation, du savoir-être et de la mobilité, ce sont des critères fondamentaux.
M. D. : Ils sont aussi plus exigeants, car il y a plus de concurrence compte tenu du nombre élevé de demandeurs.

Pour quels types de contrats de travail ou d’entreprises faut-il postuler ?
Marie Wallis (Les Mureaux) : A Mantes et aux Mureaux, il y a beaucoup de travail en intérim.
P. R. : Beaucoup d’entreprises fonctionnent avec l’intérim, sur des contrats parfois longs. Après, il faut déterminer qui le choisit et qui le subit.Après, la majorité de mes offres sont en CDI, pas en CDD, ce sont les plus difficiles à pourvoir.
M. D. : On peut noter que les TPE et PME ont moins de candidatures spontanées, alors que c’est sur celles-là qu’il faut compter.

Trois Pôle emploi en chiffres

Mantes-la-Jolie : 10 000 demandeurs d’emploi en catégorie A, 84 conseillers dont 70 avec portefeuille.
Les Mureaux : 6 500 demandeurs d’emploi en catégorie A, 60 conseillers dont 54 avec portefeuille.
Poissy : 5 800 demandeurs d’emploi en catégorie A, 60 conseillers dont 50 avec portefeuille.

Précisions : un demandeur d’emploi de catégorie A est une personne sans emploi, tenue d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi, à la recherche d’un emploi quelque soit le type de contrat. Les conseillers sans portefeuille sont chargés d’accompagnements spécifiques individualisés.

Quels sont les chômeurs ayant le plus de problèmes à trouver du travail ?
M. W. : Les publics auxquels nous sommes particulièrement attentifs sont dans les quartiers en politique de la ville, qu’on retrouve notamment à Mantes-la-Jolie . Ils rencontrent des difficultés avec la langue française et à être mobiles, ont un bas niveau de qualification. En ruralité, il peut y avoir des problématiques liées à l’isolement, au manque d’équipement et d’accès au numérique, et à la mobilité, mais dans des proportions bien moindres.
P. R. : Et en ruralité, ils ont l’avantage d’avoir souvent plusieurs bassins d’emploi accessibles. Il est parfois plus facile de trouver un emploi à Rouen ou dans le Val d’Oise qu’à Paris. Au Val Fourré, véritable ville dans la ville, les demandeurs d’emploi cumulent toutes les difficultés.

Se déplacer est compliqué dans les quartiers en difficulté ?
M. D. : Les gens ont tendance à rester dans leur quartier, nous avons mis en place des ateliers mobilité mais il y a des freins intrinsèques.
M. W. : Il y a aussi une précarité sociale et matérielle qui fait qu’ils n’ont pas forcément les moyens de la mobilité. Les zones d’emploi ne sont pas à proximité, et les métiers accessibles, les moins qualifiés, n’ont pas les horaires des transports en commun. Il faut pouvoir se déplacer par ses propres moyens, c’est une difficulté qui s’ajoute, il ne suffit pas de répondre à une offre d’emploi.

Les taux de chômage présentés ci-dessus proviennent d’une synthèse d’informations entre l’enquête Emploi en continu de l’Insee,  et les chiffres fournis par Pôle Emploi sur les demandeurs en fin de mois. Le découpage des zones d’emploi, redéfini en 2010 par l’Insee, repose sur « les flux de déplacement domicile-travail des actifs observés lors du recensement de 2006 ».
Les taux de chômage présentés ci-dessus proviennent d’une synthèse d’informations entre l’enquête Emploi en continu de l’Insee, et les chiffres fournis par Pôle Emploi sur les demandeurs en fin de mois. Le découpage des zones d’emploi (ci-dessus, de Mantes-la-Jolie et de Poissy, Ndlr), redéfini en 2010 par l’Insee, repose sur « les flux de déplacement domicile-travail des actifs observés lors du recensement de 2006 ».

Comment expliquer l’écart qui se creuse entre Poissy et Mantes-la-Jolie ?
M. W. : C’est plutôt entre Poissy d’un côté, Les Mureaux et Mantes-la-Jolie de l’autre. Même si de plus en plus ont le bac, le niveau global des demandeurs à Mantes et aux Mureaux est infra-Bac, et même infra-BEP. Le dynamisme de l’emploi local fait défaut, ainsi que la qualification, et l’accès à la qualification. Certains n’ont pas le minimum requis pour accéder à la formation. A un moment, crise ou pas crise, ce qui fera la différence est le niveau de qualification. Certains, même en sortant totalement de la crise, resteraient sur le bord de la route. C’est plus compliqué que de donner une offre d’emploi.

Le chômage des seniors est-il un problème en vallée de Seine ?
M. D. : Pas tant que ça, c’est plutôt à Saint-Germain-en-Laye qu’on a cette population de cadres, avec des rémunérations assez élevées.
M. W. : Après, c’est une tendance de fond. Les jeunes ont une capacité à s’adapter, ce qui est beaucoup plus un problème pour les seniors, qui ont souvent un certain niveau d’exigence.

Comment réduire le chômage chez les jeunes ?
P. R. : Le premier choix important est fait à 16 ou 17 ans, à cet âge-là, aujourd’hui, vous n’êtes pas mûr. Mon conseil est que soit vous pouvez faire des études longues, et il faut aller au Bac+3 ou au Bac+5. Sinon, il faut faire de l’alternance, où en passant d’entreprise en entreprise, on peut aller à de hauts niveaux ou devenir chef d’entreprise. Mais le bac est donné à quasiment tout le monde, il n’est qu’un niveau scolaire, n’a plus de valeur pour permettre l’accès à l’emploi.
M. D. : Beaucoup de jeunes des quartiers prioritaires ont pour projet dans la vie d’être en col blancs, de rendre fiers leur famille, ils veulent une reconnaissance sociale. Mais si on leur prouve par A plus B qu’il y a quelque chose d’intéressant, ils ne sont pas fermés. On est encore dans la représentation qu’il y a des voies meilleures que d’autres, même si on est en train d’en revenir, il ne faut plus mettre systématiquement en avant le sacro-saint diplôme et le métier dans le tertiaire.
M. W. : Ca renvoie aussi à accepter des conditions ou des rythmes de travail difficiles. Après, c’est moins bien d’avoir un Bac qu’un BEP avec qualification, mais il ne faut pas faire un BEP par dépit ! Il y a un vrai déficit autour de l’engagement, de la mobilisation sur un projet professionnel.

« Ils sont aussi plus exigeants, car il y a plus de concurrence compte tenu du nombre élevé de demandeurs », décrit l’un des directeurs des attentes des patrons et recruteurs.
« Ils sont aussi plus exigeants, car il y a plus de concurrence compte tenu du nombre élevé de demandeurs », décrit l’un des directeurs des attentes des patrons et recruteurs.

Des exemples de métiers bien payés mais peu pourvus ?
P. R. : Nous avons des difficultés dans les métiers de bouche, alors qu’il y a tout le temps des offres. Dans l’industrie, nous avons chaudronnier et tourneur-fraiseur. Nous avons beaucoup de demandes, mais nous n’avons pas de candidats. Ce sont pourtant des emplois très bien rémunérés, on tourne facilement entre 2 000 et 3 000 euros nets pour quelqu’un de qualifié avec de l’expérience. Les jeunes ne veulent pas aller sur ces métiers-là, qui sont durs, pénibles et exigeants.
M. W. : Il y a aussi beaucoup d’a priori, ils ne trouvent pas chaudronnier séduisant, ça ne fait pas rêver.