Extension du port : expropriés par l’Etat, ils se mobilisent

Depuis qu’ils ont appris leur expropriation pour permettre l’agrandissement du port, les riverains concernés se mobilisent. La mairie en renvoie la responsabilité à l’Etat, décisionnaire à cet endroit.

Prévue depuis plusieurs décennies, relancée voilà bientôt dix ans, l’extension du port fluvial de Limay-Porcheville commence à se concrétiser. Et, avec elle des expropriations qui ont pris de court les riverains concernés : rassemblés en association, ils comptent bien batailler jusqu’au bout pour éviter la vente forcée de leurs maisons, ou du moins pour en obtenir un prix jugé acceptable.

Face au torrent de reproches dont ces habitants du boulevard Pasteur l’accablent, la municipalité se défend d’être en responsabilité sur cette zone. Dans cette dernière, c’est en effet l’Etat qui contrôle l’urbanisme, délivrant directement les permis de construire classement du site en Opération d’intérêt national (OIN). Le planning prévoit une première concertation dès octobre, pour un démarrage des travaux en 2021.

« Ils ont des projets ? Moi aussi, j’ai des projets, tout le monde a des projets ! », s’emporte Claude Galvao, riverain concerné par le périmètre d’expropriation. Il montre des esquisses de pavillons, qu’il assure vouloir construire sur le grand terrain entourant la maison familiale. « Et s’ils veulent nous faire partir, il faut qu’ils le paient cher », estime ce membre de l’association des Habitants riverains du boulevard Pasteur (HBRP).

A la tête de la nouvelle association figurent deux riverains à qui l’Etat a délivré récemment un permis de construire. « Nous, nous sommes protégés par cette procédure, estime Nathalie Deriaux. Nous ne sommes pas contre leur projet, mais nous ne voulons pas d’expulsions. » Elle avance que 110 foyers seraient concernés (le nombre d’une soixantaine est donné par la mairie, Ndlr) « sans compter les entreprises et les gens du voyage ».

En bleu figure l’emprise actuelle du port, et en rouge les deux extensions prévues. Le périmètre déterminé par l’opération d’intérêt nationale s’étend depuis 2007 jusqu’aux rails, comme le nouveau périmètre de la Zone d’aménagement différée (Zad) qui épargnait auparavant les maisons du boulevard Pasteur.
En bleu figure l’emprise actuelle du port, et en rouge les deux extensions prévues. Le périmètre déterminé par l’opération d’intérêt nationale s’étend depuis 2007 jusqu’aux rails, comme le nouveau périmètre de la Zone d’aménagement différée (Zad) qui épargnait auparavant les maisons du boulevard Pasteur.

Ces habitants mécontents ne comprennent ni pourquoi la Zone d’améngement différée a été récemment étendue pour rejoindre les limites de la zone classée en OIN, ni pourquoi l’extension ne se fait pas vers la centrale EDF (l’électricien n’est pas vendeur selon Ports de Paris, Ndlr). La semaine dernière, lors d’une réunion publique destinée à présenter son bilan à mi-mandat, la majorité PCF a eu fort à faire face à une trentaine d’entre eux.

« Le protocole de l’OIN a été voté en 2007 à l’unanimité. Il ne faut pas vous tromper de cible, l’Etat considère que c’est un projet d’utilité publique, il peut passer par-dessus les citoyens et la municipalité », répond le maire Eric Roulot (PCF) : « Je serais à votre place, je serais pareil que vous, je sais que c’est difficile. »

Il indique deux exigences notifiées au conseil municipal de mai, lors de la présentation du projet, soit l’installation d’activités non polluantes, comme des achats « au prix du marché ». Et promet, sans convaincre, une assistance de la commune pour négocier avec Ports de Paris : « Nous avons fait le choix de rester en dialogue avec l’Etat et le port, pour être le plus efficace possible afin de défendre vos intérêts. »

Le port actuel et son agrandissement en chiffres

Selon les estimations de son propriétaire, Ports de Paris, le port de Limay-Porcheville génère aujourd’hui environ 1 000 emplois directs, dans les 26 entreprises situées sur son emprise de 125 ha, pleine à 96 %. Ce sont 1,6 million de tonnes de marchandises qui ont été transportées en 2015. Depuis 2010, l’augmentation est de 88 % pour le trafic fluvial, et de 183 % pour le trafic ferroviaire.

L’établissement portuaire avance un besoin pour 13 à 20 ha supplémentaires. Le projet d’extension présenté aux élus et à la population limayenne en conseil municipal prévoit deux nouvelles emprises, à l’Ouest et au Nord, pour un total de 32 ha dont 22 ha commercialisables. Le trafic annuel supplémentaire est estimé entre 600 000 et 1,4 million de tonnes.

De nouveaux accès, la départementale déplacée

La proposition présentée par Ports de Paris prévoit la création de quatre accès supplémentaires, deux routiers, un ferroviaire et un fluvial. Un nouvel embarcadère de chargement fluvial, ainsi qu’un accès routier seraient créés au niveau de l’extension vers l’Ouest du port.

A l’Est, une seconde liaison par rails serait réalisée en rejoignant les installations ferroviaires de l’emprise de la centrale thermique d’EDF. « L’idée est envisagée de longue date, et pourra se concrétiser par le projet d’extension, note Mariusz Wiecek, directeur de l’agence Seine aval de Ports de Paris. Notre seule interface avec EDF sera l’emprise de la future voie. »

Le déplacement de la route départementale 146 en lieu et place de l’actuel boulevard Pasteur est également souhaité par l’opérateur public. Le boulevard Pasteur serait alors prolongé à l’Ouest jusqu’à la RD 146 jusqu’à un nouveau rond-point incluant une troisième entrée routière pour le port. « Ca nous parait indispensable pour que cette extension soit efficace et portuaire, estime Mariusz Wiecek. Sinon, les terrains situés au Nord seront presque une zone d’activité lambda. »