Ce soir du mardi 11 octobre, ils sont une centaine à s’être déplacés pour la première réunion de concertation du projet d’extension de son port limayen par l’institution publique Ports de Paris. Au sein de cette assemblée figurent nombre d’élus locaux, ainsi qu’une partie des 80 foyers qui devront quitter leur maison pour laisser place au port étendu.
Jusqu’en 2020, Ports de Paris est en phase de négociation pour racheter les parcelles concernées… mais procédera ensuite à des expulsions. La loi l’y autorise depuis que la Zone d’aménagement différée (Zad), créée en 2008 afin de permettre l’extension, a été étendue cette année pour, désormais, englober leurs maisons qu’ils doivent donc vendre à Ports de Paris.
Pour les riverains, l’opération de concertation a un goût plutôt amer. « Ce n’est pas une concertation mais une présentation, on a l’impression que ce projet est comme ça et pas autrement ! », s’émeut l’un d’eux à la fin de cette première réunion. L’extension de ce port de 110 ha pour environ 1 000 emplois directs concerne 27 ha au Nord, jusqu’au boulevard Pasteur, et 5 ha à l’Ouest, pour un total d’environ 300 emplois supplémentaires.
« Les emprises portuaires sont occupées pratiquement à 100 %, nous avons la possibilité d’augmenter le trafic avec les ouvrages fluviaux ou la voie ferrée, a détaillé Marius Wiecek, directeur de l’agence Seine aval de Ports de Paris. Une demande des acteurs économiques nous conduit à activer ce projet d’extension prévu de longue date, mais jamais formulé précisément. »
Le discours est peu audible face à l’émotion des habitants dont la maison, entre les versions présentées en 2008 et en 2016, se trouve rayée de la carte. « Le périmètre de 2008 ne permettait plus de répondre aux besoins des entreprises (car les parcelles y étaient trop petites, Ndlr), plaide Kris Danaradjou, directeur adjoint de l’aménagement chez Ports de Paris. Nous avons choisi de venir vers vous avec le scénario le plus pertinent possible. »
L’opération de concertation consiste donc surtout à décider de l’accessoire, comme l’emplacement des pistes cyclables ou la définition des services implantés dans un nouveau bâtiment offert par Ports de Paris. Les riverains, eux, étaient venus pour discuter de l’essentiel à leurs yeux : le périmètre d’extension lui-même. Alors, forcément, ils sont repartis déçus, leurs propositions de déplacer l’extension vers la centrale EDF ou de respecter l’ancien périmètre ayant été rejetées.
A ce différend entre riverains et Ports de Paris s’ajoute une opposition frontale entre conseillers municipaux. D’un côté, ceux menés par l’ex-maire Jacques Saint-Amaux (PCF), qui soutiennent les riverains et critiquent la validation en conseil municipal d’une Zad au périmètre étendu. De l’autre, l’actuelle majorité d’Eric Roulot (PCF) prône les créations d’emplois, se défend d’avoir pu faire un autre choix face à la volonté de l’Etat, et exige des achats de parcelles « au juste prix ».
Les futurs expropriés, eux, envisagent pour certains de plus en plus sérieusement de faire de la résistance devant le tribunal administratif. D’autres déplorent des prix d’achat proposés par Ports de Paris, jugés inacceptables. Les réunions de concertation ne permettront vraisemblablement pas de trouver un terrain d’entente.
« Nous travaillons avec de l’argent public, vos impôts », s’est ainsi défendu Kris Danaradjou face à ces reproches, tout en indiquant avoir déjà réussi à acheter certaines parcelles. Le début des travaux est envisagé pour 2020 ou 2021, avec l’installation des premières entreprises en 2022. D’ici là, la bataille s’annonce rude entre l’Etat et les habitants expulsables.