GPSEO : les impôts fracturent les élus des 73 communes

Votes politiques, votes territoriaux, crainte de leurs électeurs : les maires et conseillers communautaires de Grand Paris Seine & Oise ont étalé leurs divisions autour de la répartition des sommes destinées à équilibrer l’imposition, lors du dernier conseil communautaire où était voté le protocole financier de fusion.

Le dernier conseil communautaire de la nouvelle communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO), issue au 1er janvier de la fusion de six intercommunalités de Rolleboise à Achères, a été de loin le plus agité depuis sa création. Le vote du protocole financier, qui établit les Attributions de compensation (AC) reversées ou prélevées à chaque commune (voir encadré), est passée à une minorité de voix, la gauche présente dans l’exécutif s’étant abstenue (voir encadré).

Impôts de GPSEO : la fiscalité expliquée, des taux aux attributions de compensation

Le mécanisme fiscal choisi pour gérer l’intégration des 73 communes appartenant aux six intercommunalités aujourd’hui fusionnées dans la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) s’est avéré être un véritable casse-tête. Le véritable travail de broderie décidé par la majorité engendre, notamment, des conséquences complexes au niveau des Attributions de compensation (AC) reversées à chaque commune.

Concernant les taux des taxes des ménages, certains élus, notamment ceux du groupe Indépendants Seine et Oise (ISO), demandaient une fusion « douce » : rapprocher en une décennie les taux intercommunaux, initialement très disparates. La solution choisie a été celle préconisée par le cabinet spécialisé recruté par la majorité : chaque commune devait faire voter cette année de nouveaux taux foncier et d’habitation pour réserver 7,62 % de la taxe d’habitation à l’impôt intercommunal de GPSEO, sans modifier l’impôt global.

Le cabinet fournissait donc, pour éviter des changements en euros sur la feuille des citoyens, les taux de la taxe d’habitation à mettre en place en 2016. Seules 31 des 73 communes ont voté comme convenu les nouveaux taux suggérés, les autres refusant, soit au titre d’une dépossession ressentie de leurs prérogatives fiscales, soit en profitant pour augmenter leurs propres recettes communales.

Une fois le taux de taxe d’habitation de 7,62 % voté, les comptes sont soldés par l’intermédiaire des AC. Elle étaient annoncées en début d’année comme strictement reprises de celles déjà reversées ou touchées par les intercommunalités précédentes, en fonction des compétences transférées et au titre de l’ex-taxe professionnelle.

Pour faire simple, les villes sans entreprises doivent en général de l’argent, celles en ayant sur leur territoire communal en touchent à mesure de leur présence. Ces attributions de compensation font l’objet d’âpres débats entre élus depuis maintenant plusiuers mois au sein de la Commission locale d’évaluation des charges transférées (Clect) de GPSEO. Cette Clect permet de déterminer exactement le montant que chaque commune doit toucher ou payer.

Les AC sont aujourd’hui aussi modifiées en fonction des taxes d’origine de chaque intercommunalité, en particulier de l’ex-taxe foncière communautaire de l’ex-CA2RS (12 communes de Vernouillet à Chanteloup-les Vignes, Ndlr). Elle a en effet été déduite des AC initialement annoncées à ces municipalités : c’est entre autres ce qui a fait débat jeudi dernier lors du vote du protocole financier. Les modifications de ces AC ont également touché d’autres communes.

Une petite partie du groupe majoritaire, Agir avec GPSO (AGPSO), a en effet décidé de voter contre ce protocole. Ces élus, estimant que les habitants de leurs communes seraient lésés fiscalement à vie, ont choisi la fronde faute de voir leurs arguments l’emporter. Tous les groupes politiques d’opposition ont également voté contre, en particulier Indépendants Seine et Oise (Iso), composé majoritairement de l’ex-majorité de la communauté d’agglomération du Mantois.

A Andrésy, Médan, Orgeval, Triel-sur-Seine, Vernouillet et Villennes-sur-Seine, six des douze communes de l’ex-CA2RS, le protocole financier n’est pas passé. Le choix de GPSEO de conserver via les AC l’apport fiscal supplémentaire payé par les habitants à travers une taxe foncière de 3,5 % votée en 2014 a été dénoncé par leurs maires et deux conseillers communautaires, tous membres d’AGPSO. Ils se demandent actuellement s’ils doivent ou non rester dans la majorité, et prendront leur décision dans les prochains jours.

« Avec ce pacte, un habitant de Vernouillet, Verneuil ou Médan paiera à vie un impôt supérieur à un habitant de Buchelay », s'est étranglé Pascal Collado, maire de Vernouillet (LR).
« Avec ce pacte, un habitant de Vernouillet, Verneuil ou Médan paiera à vie un impôt supérieur à un habitant de Buchelay », s’est étranglé Pascal Collado, maire de Vernouillet (LR).

« Ce protocole impose que les contribuables doivent irrémédiablement participer à l’effort fiscal plus que d’autres en raison de leur lieu de résidence, s’est étranglé Pascal Collado, maire de Vernouillet (LR). Avec ce pacte, un habitant de Vernouillet, Verneuil ou Médan paiera à vie un impôt supérieur à un habitant de Buchelay, Limay ou Mantes-la-Ville. »

Concrètement, lui doit gérer avec un trou de 500 000 euros dans son budget 2016 (et tous les ans ensuite, Ndlr), soit la différence entre les AC votées ce soir-là et les AC votées en début d’année. « Nous allons avoir un impact dès 2017, alors que la baisse des dotations de l’Etat nous met déjà à l’os : nous allons devoir augmenter nos impôts », détaille-t-il deux jours plus tard à La Gazette.

Il estime comme « inéquitable » que la communauté urbaine ait voulu conserver après fusion l’excédent de huit millions d’euros annuels généré par l’ex-taxe foncière de la CA2RS, alors que d’autres n’ont amené aucune recette au pot commun. En 2014, cet impôt avait été décidé pour compenser l’absence de revenus en provenances des entreprises, peu nombreuses dans ces douze villes.

Du côté des groupes d’opposition de droite, le refus du protocole financier a été verbalisé par plusieurs maires avec différents arguments, juridiques ou fiscaux. « La CA2RS représenterait 37 % de la fiscalité [de GPSEO] à vie, alors qu’elle n’a que 23 % des habitants, s’est ainsi étonné Denis Faist (UDI), premier adjoint d’Andrésy (commune de l’ex-CA2RS). Nous sommes déjà punis par nos attributions de compensation d’origine, sur le fait qu’on n’avait pas d’entreprises. »

« Quand on fait le cumul de tout et qu’on ramène ça à la population, on est exactement dans les mêmes niveaux », a plaidé face aux frondeurs de sa majorité le président Philippe Tautou (LR).
« Quand on fait le cumul de tout et qu’on ramène ça à la population, on est exactement dans les mêmes niveaux », a plaidé face aux frondeurs de sa majorité le président Philippe Tautou (LR).

Face à eux, le président et maire de Verneuil-sur-Seine (commune de l’ex-CA2RS, Ndlr), Philippe Tautou (LR), avance : « Si vous voulez me faire dire que certains habitants auront une pression fiscale plus forte que d’autres, je le sais, ça relève de l’histoire. Sur la ligne de départ, nous nous sommes pas arrivés avec les boulets de la même taille, et les valises plus ou moins pleines de caillous. »

S’il admet qu’un « effort supplémentaire » est demandé aux habitants de l’ex-CA2RS, il rappelle aussi qu’il y a « moins d’efforts demandés aux entreprises sur le territoire de la CA2RS qu’ailleurs ». Mais il plaide une imposition globale identique avec les communes des autres intercommunalités fusionnées : « Quand on fait le cumul de tout et qu’on ramène ça à la population, on est exactement dans les mêmes niveaux. »

Par ailleurs, le Vernolien, comme d’autres élus de l’exécutif, assure du caractère provisoire des AC décidées malgré le scepticisme des frondeurs à ce sujet. « Nous avons convenu ensemble qu’on allait mettre des clauses de revoyure, ça indique bien qu’on va revoir en 2017 ce qu’on a travaillé 2017, argue le président de GPSEO. La proposition qui vous est faite est d’en définir les règles. Si d’aventure on s’est trompé, on essaiera de rectifier. »

A gauche, le premier adjoint d'Andrésy Denis Faist (UDI), du groupe d'opposition Iso, envisage « d'attaquer cette délibération qui pose question en fonction de ce que dira le préfet ».
A gauche, le premier adjoint d’Andrésy Denis Faist (UDI), du groupe d’opposition Iso, envisage « d’attaquer cette délibération qui pose question en fonction de ce que dira le préfet ».

Les amendements proposés par les différents groupes pour infléchir la décision de l’exécutif ont tous été rejetés. Le vote du protocole financier, lui, a été le plus serré depuis la création de la communauté urbaine, passant à une minorité de 59 élus sur 126 votants, face à 45 votes contre et 22 abstentions.

« C’est l’éternel débat sur l’égalité en France. Pour certains, c’est une dynamique, c’est mon cas. Pour d’autres, c’est une rente, c’est le cas de ceux qui demandent la convergence des taux, c’est de l’égalitarisme, résume du point de vue de l’exécutif Pierre Bédier (LR), le président du conseil départemental et vice-président de GPSEO aux grands projets. La CA2RS n’avait pas de fiscalité d’entreprise, impossible de le gommer. Ceux qui en avaient apportent au pot commun, et en plus, il faudrait qu’ils paient ? »

Face à ses arguments, l’Andrésien Denis Faist se demande « pourquoi ils ne font pas pour les ménages la convergence décidée pour les taxes des entreprises ». Et lui qui a évoqué « un risque juridique important » compte bien « alerter le préfet » pour s’assurer d’un contrôle de légalité des plus stricts. Avant, pourquoi pas, « d’attaquer cette délibération qui pose question en focntion de ce que dira le préfet » avec « un groupe d’élus, de villes, de contribuables ».

La gauche intégrée à l’exécutif s’abstient prudemment

« Les habitants doivent pouvoir comprendre nos choix, aussi bien en termes de services rendus que d'imposition », estime le maire des Mureaux François Garay (DVG), du groupe Démocratie et solidarité (DS).
« Les habitants doivent pouvoir comprendre nos choix, aussi bien en termes de services rendus que d’imposition », estime le maire des Mureaux François Garay (DVG), du groupe Démocratie et solidarité (DS).

Les quatre élus de la gauche de l’opposition intercommunautaire, comme Ghislaine Senée (EELV), la maire d’Evecquemont, ont voté contre le protocole financier de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO). Les 22 élus de la gauche ayant choisi de participer à l’exécutif dominé par la droite, comme le maire des Mureaux François Garay (DVG) ou celui de Limay Eric Roulot (PCF), se sont abstenus, au regret des frondeurs de la droite dans ou hors de l’exécutif.

Refusant de débattre avec « des argumentaires techniques et juridiques », l’édile muriautin a plutôt plaidé pour « la plus grande transparence ». Souhaitant « une véritable stratégie au processus réfléchi » au sein de la Commission locale d’évaluation des charges transférées (Clect), il a estimé que « les habitants doivent pouvoir comprendre nos choix, aussi bien en termes de services rendus que d’imposition ».

Porte-parole du groupe, il s’est ému de l’adoption de la proposition du cabinet fiscal spécialisé recruté par GPSEO. Notant « des disparités de calcul et de méthodes entre les calculs politiques et ceux des techniciens », il estime qu’il n’est « pas question que les techniciens dictent aux politiques ce que nous devons faire. »

Il a donc interpellé ses collègues : « En 2017, est-ce que nous suivrons ce cabinet, est-ce que nous le remettrons en cause ? » François Garay , demandant de « laisser du temps au temps », a voulu avertir : « Prenons garde à ne pas nous enfermer dans un système d’aliénation par l’accélération. »

Une autre question, celle du choix d’une imposition intercommunautaire basée exclusivement sur la taxe d’habitation plutôt que sur la taxe foncière, revient sur le tapis régulièrement lors de discussions entre élus, et plutôt à voix basse. Mais elle n’a étonnamment pas encore été posée par la gauche de GPSEO.

« La taxe foncière est payée par les ménages et les entreprises, alors qu’en ne prélevant que la taxe d’habitation, on ne fait reposer la fiscalité que sur les ménages. Et la taxe d’habitaiton touche 100 % des ménages, alors que la taxe foncière ne touche que les propriétaires », explique ainsi un maire LR de la communauté urbaine, avant d’ironiser : « Dans une approche dogmatique, on peut s’interroger sur la position de la gauche qui s’est abstenue [lors du vote du protocole financier]. »