Démolitions – reconstructions : la grande valse des logements sociaux

Depuis plus de vingt ans, les démolitions ont retiré près de 4 000 logements sociaux dans les quartiers populaires de cinq villes de vallée de Seine. Plus de 2 800 ont été construits en échange, dont près de la moitié hors de ces communes. Les logements très peu chers restent en faible nombre parmi ceux ayant permis de reconstituer l'offre sociale.

Près de 4 000 logements sociaux de certains quartiers populaires des Mureaux, Mantes-la-Jolie, Mantes-la-Ville, Chanteloup-les-Vignes et Poissy, ont été démolis depuis le début des années 1990. Au Val Fourré mantais comme dans les cinq quartiers muriautins, la destruction des appartements, à cause d’une densité d’habitations jugée préjudiciable, n’a pas toujours été bien vécue et reste vive dans les mémoires.

Depuis 2005 et la participation financière massive de l’Etat à travers les conventions passées avec l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru), plus d’un milliard d’euros ont été investis pour rendre ces quartiers plus agréables, dont la majeure partie à Mantes-la-Jolie et aux Mureaux. Les opérations de l’Anru comprennent : réhabilitations des logements, réaménagements des espaces publics, ainsi que de nouveaux équipements comme, à Chanteloup-les-Vignes, le groupe scolaire Paul Verlaine.

Surtout, ces contrats de l’Anru prévoyaient une reconstitution totale de l’offre locative permise par les logements détruits. En vallée de Seine, ce sont ainsi plus de 2 800 habitations qui ont dû être construites pour compenser les destructions faites à partir de 2005. Elles l’ont été et le sont encore de Chambourcy à Conflans-Sainte-Honorine, de Viroflay à Vernouillet, de Chatou à Thoiry, ainsi que dans les communes d’origine.

VALLEE DE SEINE : CARTE INTERACTIVE DES RECONSTRUCTIONS

Sur la carte ci-dessus figurent les emplacements des logements reconstitués, ainsi que leur nombre, leur emplacement et leur type quand ils sont disponibles, après leur destruction lors des opérations de rénovation urbaine depuis 2005.

Couleurs : Mantes-la-Jolie et Mantes-la-Ville en bleu clair, Les Mureaux en bleu foncé, Poissy en vert clair, Chanteloup-les-Vignes en vert foncé. Données issues des institutions publiques ou des mairies en charge du PNRU.

Il n’est en effet pas rare qu’un délai de plusieurs mois, voire de plusieurs années, ait séparé les démolitions des constructions nouvelles. Ces dernières, d’ailleurs, ne sont pas toutes terminées. L’offre reconstituée est largement composée de logements dont les loyers ne sont pas les plus faibles possibles, malgré les moyens financiers limités des habitants des quartiers populaires de vallée de Seine.

Plus d’une décennie après les premières conventions, les opérations du premier Programme national de rénovation urbaine (PNRU) touchent à leur fin, du Parc Molière muriautin en passant par le bassin de rétention du Val Fourré ou les constructions-démolitions à La Coudraie pisciacaise. La Gazette a demandé, et obtenu, les données de reconstitution de l’offre locative sociale, dont les emplacements vous sont présentés dans la carte ci-dessous.

Les emplacements des reconstructions varient fortement selon les communes, même s’ils se concentrent plutôt en vallée de Seine, à l’exception de Poissy où tout est dans le périmètre communal. Ils font parfois polémique, comme à Mantes-la-Jolie où le conseiller municipal d’opposition Marc Jammet (PCF) exige régulièrement du maire Michel Vialay (LR) la liste des reconstitutions dont il met en doute la réalité, sans avoir pu l’obtenir à ce jour.

A Mantes-la-Ville et Mantes-la-Jolie, si 67 % des logements ont été rebâtis hors de la ville, ils l’ont plutôt été dans le Mantois, de Follainville-Dennemont à Porcheville. Aux Mureaux, la reconstitution à l’extérieur, soit 38 % des démolitions, s’étend loin à l’Est comme à l’Ouest, d’Achères à Limay. Enfin, une petite partie des reconstructions a été réalisée dans des communes plus lointaines de Chevreuse, à Chatou en passant par Fontenay-le-Fleury, Chambourcy, Vélizy ou encore Villiers-Saint-Frédéric.

Les loyers, eux, s’ils n’ont pas démesurément augmenté dans les logements issus de la reconstitution, restent plutôt élevés compte tenu du niveau socio-économique des habitants. Les Mureaux et Mantes-la-Jolie sont les seules communes où La Gazette a pu obtenir les niveaux locatifs des logements reconstruits.L’immense majorité d’entre eux ont été financés par les bailleurs avec des Prêts locatifs à usage social (PLUS).

La proportion de financements avec un Prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), dont les niveaux de loyers et les seuils de revenus sont les plus bas, est très faible. Elle s’établit en effet à 11,9 % pour les reconstitutions issues des démolitions mantaises, et à 9,9 % pour Les Mureaux. En France, de 2000 à 2013, cette proportion était de 25,4 % de financements PLAI.

DEMOLITIONS ET RECONSTRUCTIONS EN CHIFFRES

– Mantes-la-Jolie – Mantes-la-Ville
Démolitions : 1 255 logements au Val Fourré (Mantes-la-Jolie), ainsi qu’aux quartiers des Brouets et du Domaine de la vallée (Mantes-la-Ville), sous convention avec l’Anru. 2 158 logements ont été démolis au total depuis 1992 au Val Fourré, qui comptait au départ plus de 8 200 logements sociaux.
Reconstitution : 170 logements (13,5 %) sur place, 245 (19,5 %) ailleurs dans les deux villes, 840 (67 %) hors des deux communes.

– Les Mureaux
Démolitions : 1 108 logements dans plusieurs des quartiers représentant le quart de la surface communale, sous convention avec l’Anru.
Reconstitution : 523 logements (47 %) sur place, 166 (15 %) ailleurs dans la ville, 410 (38 %) hors de la commune.

– Chanteloup-les-Vignes
Démolitions : 118 logements démolis à la Noé sous convention avec l’Anru, pour un total de 674 logements sociaux démolis sur les 2 240 que comptait la commune.
Reconstitution : 42 logements (35,6 %) sur place, 76 (64,4 %) hors de la commune.

– Poissy
Démolitions : 184 logements démolis à la Coudraie, et 160 encore prévus.
Reconstitution : 136 logements (41,8 %) sur place, 189 (58,2 %) ailleurs dans la ville.

Imminentes, les nouvelles rénovations urbaines se font attendre

A Mantes-la-Ville et Mantes-la-Jolie, si 67 % des des logements ont été rebâtis hors de la ville, ils l'ont plutôt été dans le Mantois, de Follainville-Dennemont à Porcheville.
« Je pense qu’il n’y aura pas de déblocage de fonds avant au moins 2018 », estime le maire mantais Michel Vialay (LR).

Alors que le premier Programme national de rénovation urbaine (PNRU), financé à hauteur de 43 milliards d’euros par l’Etat depuis 2004, touche à sa fin, le financement du Nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU) se fait attendre. Si son officialisation début 2016 prévoit bien 20 milliards d’euros au niveau national, les signatures des premières conventions n’ont pas encore été faites, alors qu’une période d’incertitude s’ouvre à la veille de l’élection présidentielle.

En vallée de Seine, Mantes-la-Jolie et Les Mureaux y ont été intégrés au titre d’un « intérêt national » permettant des financements très importants, tandis que Chanteloup-les-Vignes et Limay ont été classés « d’intérêt régional » ouvrant à des subventions d’un niveau inférieur. En ce qui concerne Poissy, le quartier de Beauregard n’a pas obtenu sa sélection dans le NPNRU, même si la municipalité, les bailleurs et la communauté urbaine comptent tout de même y réaliser une rénovation.

Alors, à Mantes-la-Jolie, par exemple, le maire Michel Vialay (LR) s’est vu obligé d’expliquer, encore et encore, qu’il n’avait pas encore les financements pour la seconde phase de la rénovation urbaine du tiers restant du Val Fourré. Car, pour les habitants, le temps se fait long alors qu’aucun chantier d’ampleur n’est mené dans des quartiers qui leurs paraissent alors délaissés, entre nids-de-poule, stationnement anarchique, et logements de plus en plus vétustes.

« On fait beaucoup de discussions, mais, de comité en comité, je ne sais toujours pas quelle est l’enveloppe financière attribuée à la seconde rénovation urbaine. Je pense qu’il n’y aura pas de déblocage de fonds avant au moins 2018 », confie l’édile. « J’aurais bien aimé que les choses aillent un peu plus vite », plaidait-il il y quelques semaines face aux habitants du Val Fourré toujours dans des logements et des secteurs non rénovés.