Le premier téléphérique urbain de France a été lancé à Brest en novembre dernier. Dans quelques années, d’autres seront-ils créés en vallée de Seine ? Plusieurs sont en tout cas à l’étude. Les maires n’ont pas tous été informés pour l’instant, ceux qui l’ont été y sont plutôt favorables sur le principe. Mais ils ne se font pas d’illusions : des cinq projets étudiés, il n’en restera probablement qu’un à la fin du processus de sélection.
Leur origine remonte aux ateliers menés avec les élus comme avec des habitants il y a près d’une décennie, suite au lancement du concept du Grand Paris par le président de la République d’alors, Nicolas Sarkozy. Dans cette étude réalisée en 2009 par l’architecte et urbaniste Antoine Grumbach, la vallée de Seine yvelinoise apparaît ponctuée de cinq téléphériques urbains franchissant le fleuve.
Ces « tramways du ciel », comme les nomme l’étude, connecteraient les berges entre Mantes-la-Jolie et Limay, entre Epône et Gargenville, entre Les Mureaux et Meulan-en-Yvelines, entre Orgeval, Poissy et Chanteloup-les-Vignes, ou entre Conflans-Sainte-Honorine et Achères. Les élus de GPSEO, qui ont tenu une réunion d’information avec certains des maires concernés il y a quelques jours, estiment que Poissy et Les Mureaux tiennent la corde pour le moment.
C’était une promesse de campagne : Valérie Pécresse (LR), présidente du conseil régional d’Île-de-France depuis décembre 2015, a lancé dès 2016 l’étude de treize projets franciliens de téléphériques urbains. « Nous travaillons sur des transports radicalement innovants et moins coûteux », s’est-elle d’ailleurs félicité il y a quelques jours sur Twitter.
Cinq de ces projets de télécabines sont situés dans la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO). « L’idée était de recenser les projets dont on avait entendu parler, soit des élus, soit parce que c’était remonté, à un moment ou à un autre, dans la presse », explique-t-on de leur récent ressurgissement au Syndicat des transports d’Île-de-France (Stif), institution en charge des transports en commun franciliens et satellite du Conseil régional.
Les cinq projets remontant à 2009 ont donc été placés sur la carte présentée publiquement par le Stif… à la plus grande surprise de certains élus, pas forcément mis au courant. « Le Stif communique d’abord et nous parle ensuite », regrette ainsi le président du Conseil départemental (et toujours conseiller municipal à Mantes-la-Jolie, Ndlr), Pierre Bédier (LR).
« Les maires n’ont pas du tout été consultés sur le sujet, on ne sais pas ce qui est prévu, on est en attente d’informations de la Région », note sobrement Laurent Brosse (LR), le maire de Conflans-Sainte-Honorine. Celui d’Achères, Marc Honoré (DVD), décrit une situation identique. Avec les autres, ils auraient pourtant été conviés, vendredi 3 février, à une réunion organisée avec le Stif par GPSEO pour les informer sur ces projets et connaître leurs avis.
« La communauté urbaine est tombée de sa chaise cet été en apprenant, lisant le Journal du dimanche, l’existence de cinq projets en vallée de Seine, en sourit encore Pierre-Yves Dumoulin (LR), son vice-président en charge des transports (et adjoint à Rosny-sur-Seine, Ndlr). On a dit [aux élus des communes concernées] de nous donner, avant la fin du mois, leur avis sur l’opportunité ou non pour leur commune sur ce type de transport en commun. »
Alors, lors de la réunion, les maires et adjoints aux transports présents ont été informés des avantages et inconvénients d’un téléphérique urbain (voir encadré). L’un d’entre eux était cependant déjà plutôt au courant, puisqu’il est en réalité à l’origine de la naissance de ces projets il y a une décennie : François Garay (DVG), fervent défenseur de « l’intelligence des mobilités » et maire des Mureaux, où il avait d’ailleurs organisé un forum « Intelligence et déplacement » en 2010.
« C’était vraiment une idée, une demande, une volonté du maire des Mureaux », se souvient-on ainsi des ateliers menés en 2009 à l’Etablissement public d’aménagement du Mantois Seine aval (Epamsa), maître d’ouvrage de l’étude liée au Grand Paris réalisée par le cabinet Grumbach. « Il est moteur sur ces histoires de téléphérique, il a su très rapidement en comprendre l’intérêt », reconnaît Pierre-Yves Dumoulin.
« La ligne ferait environ 6 km de long, et de 15 à 25 m de haut », expliquait d’ailleurs récemment l’édile muriautin aux habitants venus à une réunion d’information. « Dans les études de faisabilité, toujours en cours, on va regarder si c’est intéressant de le faire, explique le Stif. Est-ce que ça répond à une vraie demande de transport dans les secteurs concernés, forte et aujourd’hui pas réalisée ? Est-ce que c’est l’outil le plus adapté ? Est-ce que ça rend suffisamment service ? »
Enfin, « le plus important, le liant, c’est le financement qu’il faut arriver à réunir », poursuit-on au Stif. « Vu les finances du Stif, on n’aura pas cinq tracés dans la communauté urbaine, prévient donc son vice-président aux transports. Ce sera déjà bien si on a une ligne. » Alors, pour l’instant, les responsables de GPSEO hésitent surtout entre Les Mureaux – Meulan-en-Yvelines et un franchissement de la Seine à Poissy.
« Il y a une histoire, un positionnement ancien de François Garay, et une réalité de terrain qui montre qu’il y a une opportunité à Poissy », analyse Pierre-Yves Dumoulin. Ce que pensons Philippe Tautou (président LR de GPSEO, Ndlr) et moi-même. Après, c’est un vote collégial, la communauté urbaine et le Stif trancheront dans les deux à trois ans qui viennent. »
Le premier projet de câble francilien a en tout cas été validé financièrement par le Stif il y a peu. Le Câble A reliera, dans le Val-de-Marne, Créteil et Villeneuve-Saint-Georges. Le trajet de 4,5 km pour cinq stations représente un investissement de 120 millions d’euros environ. Nettement plus coûteux au kilomètre parcouru, les 420 mètres du téléphérique brestois, seul en service aujourd’hui au-dessus de la rivière Penfeld, ont nécessité plus de 19 millions d’euros.
Passerelle piétonne, pont routier ou téléphérique ?
Pour les maires de vallée de Seine, il ne suffit pas de dire oui au téléphérique. La création d’une ligne câblée pourrait en effet se faire au détriment d’autres projets de franchissement du fleuve, en cours ou projetés pour trois des cinq tracés évoqués. Deux d’entre eux sont d’ailleurs des passerelles piétonnes nées elles aussi à la fin des années 2000, par des études complémentaires à l’étude initiale du cabinet Grimbach, menée dans le cadre du Grand Paris de Nicolas Sarkozy.
Entre Meulan-en-Yvelines et Les Mureaux était ainsi prévue une passerelle piétonne et cyclable. Sa conception est terminée, elle n’attend plus qu’un financement… qui ne viendra pourtant probablement jamais, même si elle est toujours demandée par le maire des Mureaux François Garay (DVG).
« Aujourd’hui, la passerelle n’est clairement plus à l’ordre du jour, elle a disparu du paysage des investissements départementaux », rapporte la maire meulanaise et conseillère départementale, Cécile Zammit-Popescu (LR). Elle y est d’ailleurs elle-même peu favorable : « Ca ne vise pas le même public. Pour moi, la passerelle, c’est pour les piétons, les promeneurs, et pas pour les gens qui vont travailler, contrairement au téléphérique. »
Du côté de Poissy et de Carrières-sous-Poissy, le projet de passerelle prévu en prolongement des piles restantes de l’ancien pont est aujourd’hui bien avancé, son coût étant estimé entre 15 et 20 millions d’euros. Les élus ont cependant besoin d’un financement partiel du Stif. Mais, pour en bénéficier, il leur faut intégrer cet investissement à ceux décidés autour de la gare de Poissy dans le cadre du prolongement du RER E. Financera-t-il alors aussi un téléphérique ?
Enfin, reste la situation d’Epône et de Gargenville, où un pont routier est dans les cartons depuis plusieurs décennies. Pour les maires des deux communes, pas de doute : il faudrait les deux. La seule certitude est le caractère très hypothétique et distant des deux futures infrastructures, même si le Conseil départemental leur a récemment confirmé son engagement pour un pont.
Téléphérique : moins cher mais plus visible qu’un tramway
« Un des gros avantages du transport par câble, c’est le coût, indique sans ambages Pierre-Yves Dumoulin (LR), vice-président en charge des transports à la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO). En fonction du type de cabines et la fréquence, on est entre 8 et 14 millions d’euros par km, ce qui n’est pas cher du tout comparé à un tramway ou à un pont. »
« C’est un peu plus cher qu’un bus à haut niveau de service », précise de son côté le Syndicat des transports d’Île-de-France (Stif). Le principal avantage est de permettre les franchissements de coupures urbaines : s’il faut, dans un projet de transport, faire des ponts, au-dessus de la Seine, de l’autoroute ou de la voie ferrée, ça coûte très cher. »
Autre avantage : « A vol d’oiseau, on peut gagner des minutes très précieuses en temps de transport. », poursuit le Stif. « Le fait qu’on transporte des gens en aérien provoque des problèmes au niveau des immeubles et des maisons, rappelle néanmoins Pierre-Yves Dumoulin. On voit passer des cabines au-dessus de sa tête, ce n’est pas forcément très populaire. »