La réhabilitation innovante devient le cauchemar des locataires

Depuis le début du chantier à Beauregard, les locataires sont excédés.La réalité est pour le moment loin de correspondre à leurs attentes. Le bailleur reconnaît que des « améliorations » sont à apporter.

Le projet « vendait du rêve », selon la fondatrice du conseil citoyen de Beauregard, aux locataires de Blanche de Castille, Ronsard et Foucauld, dans la cité Beauregard. A la clé, des travaux de réhabilitation de 8 millions d’euros dans trois immeubles pour une centaine de logements sociaux construits en 1957. Mais quatre mois après le début des travaux, la colère monte à Blanche de Castille, le premier des trois concernés par ces réhabilitations, et les locataires n’en peuvent plus.

Fissures, fuites, fils dénudés, peinture qui se décolle… la liste des griefs exposée par le conseil citoyen sur sa page Facebook et à la permanence de Vilogia est longue. Environ « 90 % des appartements », seraient concernés, pour le conseil citoyen. Si Vilogia, le bailleur, et Sicra, l’entreprise chargée des travaux, reconnaissent que des améliorations sont à apporter, tout ne leur serait pas imputable.

Dans le salon et la chambre de cet appartement du quatrième étage de la résidence Blanche de Castille, les dalles du plafond sont fissurées et se soulèvent. « Cela fait des mois que nous dormons avec quatre plaids et nos peignoirs en plus des couvertures », détaille ce retraité, qui vit ici depuis quarante ans avec sa femme. Dans les toilettes, la peinture s’arrache à la main et seule la moitié du faux-plafond est faite. Sans parler des remontées d’odeurs d’excréments.

Le constat ne s’arrête pas là. Dans la cuisine, « il a fallu attendre vingt jours avant que le joint du meuble de la cuisine ne soit fait, continue le retraité. Mais l’évier bouge toujours. » Le couple regrette également que dans la salle de bains, un meuble « acheté 300 euros », ait été jeté par les ouvriers. Tous les deux malades, ils déplorent « l’humidité permanente » dans l’appartement de 52 mètres carrés.

Le chantier, qui devrait se finir en décembre 2017, prévoit la remise à neuf des 180 logements de ces trois résidences. Il prévoit une isolation et un traitement des façades, la réfection des parties communes. Selon le projet initial, toilettes, douche et évier seront changés. Sur les toits des trois immeubles, 33 appartements en bois seront construits (voir encadré).

Mais pour le moment, les attentes sont loin de correspondre à la réalité, à en croire la quarantaine de locataires présents à la permanence organisée par Vilogia ce mercredi 15 février dans l’après-midi. Des cages d’escalier, on devine que les discussions sont animées. Beaucoup sont venus pour défendre leurs parents, comme une des membres du conseil citoyen de Beauregard, podologue dans le quartier : « C’est une population qui ne connaît pas forcément ses droits. »

Les plaintes concernent notamment les changements d’isolation et de fenêtres, intervenus en plein mois de janvier. « Aujourd’hui nous avons un planning, répond le responsable du chantier de Sicra. Si nous avions décalé pour Blanche de Castille, c’est à Ronsard que l’isolation aurait été faite en décembre. » Une jeune femme, venue pour ses parents, lui répond : « Je vous parle d’humanité, pas de planning. »

Autre problème d’organisation pour les locataires, la dispersion des ouvriers : « Il peut se passer plusieurs jours avant que l’électricien revienne » témoignent plusieurs résidents. « Dans un chantier de réhabilitation, il n’est pas possible de concentrer plusieurs corps de métiers en même temps », détaille le responsable. Conscient toutefois que « des améliorations sont à apporter. »

Du côté du bailleur, « nous allons étudier les réclamations au cas par cas », promet Abdelhamid Si Ahmed, responsable de programme pour Vilogia. Qui prévoit des visites de logements ainsi qu’un « renforcement de l’encadrement du chantier et un suivi des sous-traitants ». La municipalité, elle, a été prévenue lors d’une réunion de quartier le
30 janvier dernier.

Depuis, « nous faisons un lien régulier entre les services de la ville, Vilogia et les locataires », assure Michèle de Vaucouleurs (Modem), adjointe déléguée à la vie des quartiers. Mais pour l’élue, les problèmes d’humidité résultent de dégradations antérieures, comme « les inondations de 2013 qui ont fragilisé les plafonds ». Un technicien ainsi que le directeur général des services se rendront sur place le 22 février « afin de prendre la mesure de ce qui se passe ».

En revanche, les fuites d’eau décriées par les riverains sont bien le fait du chantier. « Lors du raccordement des maisons sur le toit, l’étanchéité n’a pas tenu. » Une réunion de restitution est prévue à la fin du mois entre les différentes parties. En espérant que la vie des locataires, aujourd’hui à bout de nerfs, s’améliore. En attendant, une amicale des locataires est en train d’être constituée « pour faire entendre la voix des premiers concernés », note la fondatrice du conseil citoyen.

Un chantier non subventionné

En plus des travaux de réhabilitation menés, le chantier comprend la pose de 33 nouveaux logements en bois, allant du deux au quatre pièces, sur les toits des trois immeubles en renforçant le bâti. Ces « chalets » en surélévation avaient été présentés par le bailleur comme une solution « originale » pour répondre à la crise du logement. Enfin, la dernière partie de cette rénovation du quartier concerne la création d’un bâtiment passif (qui ne comprend pas de système de chauffage actif comme un système de chauffage central, Ndlr) de 15 logements, d’un local d’activité et d’une agence Vilogia, face au lycée Le Corbusier. Le coût total du chantier est de 15 millions d’euros. Le projet, présenté aux habitants en 2015, n’avait pas été retenu pour bénéficier de subventions de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.