Le Sidru forcé à payer par le préfet, son président menacé

Le syndicat public propriétaire de l'incinérateur de Carrières-sous-Poissy doit 20 millions d'euros à la banque Depfa. Son président reste soutenu par les maires-administrateurs... pour l'instant.

Les grandes manoeuvres s’accélèrent autour du Syndicat intercommunal de destruction des résidus urbains (Sidru), propriétaire de l’incinérateur Azalys à Carrières-sous-Poissy, et de son président Jean-Frédéric Berçot (LR), ex-premier adjoint à Poissy. Alourdi par deux emprunts structurés « toxiques » souscrits il y a plus d’une décennie, le syndicat est aujourd’hui sommé de payer 20 millions d’euros à la banque Depfa : le préfet a validé la demande de recouvrement de la banque allemande après le procès en appel perdu par le Sidru en novembre dernier.

Si Depfa refusait, comme la banque en a le droit, tout étalement de ce paiement, le Sidru devrait souscrire un nouvel emprunt pour régler sa dette pour ne pas être en défaut : c’est strictement interdit par la loi à moins d’obtenir une dérogation de deux ministères. Si son président élu en 2014 se montre confiant pour ne pas faire payer les intercommunalités adhérentes *, ce n’est pas le cas du rapport récemment commandé par la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO).

« Il est toujours difficile d’appréhender quelque chose qu’on ne connaît pas », a commenté Jean-Frédéric Berçot lors du vote du budget de la communauté urbaine, jeudi dernier.

A cette véritable bataille juridico-financière s’ajoute un combat plus politique : devenu persona non grata à la mairie de Poissy depuis son éjection de la majorité en septembre, Jean-Frédéric Berçot n’est, selon nos informations, plus souhaité à la tête du Sidru par les poids lourds politiques de l’exécutif de GPSEO. Vendredi 17 mars dernier, il n’avait d’ailleurs pas été invité à la dernière conférence des maires pour la présentation du rapport financier indépendant (voir encadré) commandé par la collectivité.

« L’ensemble des maires devait forcément être alerté, explique Philippe Tautou (LR), maire de Verneuil-sur-Seine et président de GPSEO. Monsieur Berçot n’est pas maire. » Il y a quelques semaines, il avait également envoyé un courrier aux élus administrateurs du Sidru « en leur demandant d’être très vigilants et de ne pas aller dans le sens proposé par le président, qui me semble dangereux ».

Lui estime en effet « incantatoires » les assurances données par Jean-Frédéric Berçot. « Arrêtons de faire semblant que nous allons trouver des solutions qui vont épargner nos concitoyens, juge-t-il. Je ne vois pas comment on pourrait s’en sortir, inversement à ce qu’il peut nous raconter. » Il n’est pour l’instant pas suivi par les maires administrateurs du Sidru, qui continuent de soutenir leur président.

« Je ne vois pas comment on pourrait s’en sortir, inversement à ce qu’il peut nous raconter », juge de la situation Philippe Tautou (LR), maire de Verneuil-sur-Seine, président de la communauté urbaine.

« Il est toujours difficile d’appréhender quelque chose qu’on ne connaît pas », a commenté Jean-Frédéric Berçot lors du vote du budget de GPSEO, jeudi dernier. « L’autorisation positive ou négative n’interviendra pas avant septembre de cette année », a-t-il précisé des dérogations ministérielles demandées.

« Je comprends que les gens s’angoissent », commente Hugues Ribault (LR), le maire d’Andrésy et délégué au Sidru. S’il ne remet pas en cause le rapport financier présenté par GPSEO, à l’exception d’une valorisation d’Azalys jugée trop faible, il estime possible l’obtention des dérogations et d’un prêt supplémentaire grâce à « la puissance du Sidru, de la communauté urbaine et de la communauté d’agglomération (de Saint-Germain-en-Laye, Ndlr) ».

« C’est de notoriété publique qu’il y a une bagarre entre deux hommes (Karl Olive, maire LR de Poissy, et son ex-premier adjoint Jean-Frédéric Berçot, Ndlr) », note-t-il. Il semble donc pour l’instant peu probable que les deux collectivités aident le syndicat à l’obtention d’autorisations ministérielles. « J’espère que les choses trouvent une issue dans l’intérêt des administrés et non en fonction d’intérêts politiques », résume par un souhait Pascal Collado (DVD), le maire de Vernouillet.

* Propriétaire de l’incinérateur Azalys de Carrières-sous-Poissy, le Sidru rassemble cinq communes de la communauté d’agglomération Saint-Germain boucles de Seine (SGBS), et dix municipalités de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) : Achères, Andrésy, Carrières-sous-Poissy, Conflans-Sainte-Honorine, Médan, Morainvilliers, Orgeval, Poissy, Verneuil-sur-Seine et Vernouillet.

Le Sidru accablé par le rapport financier de la communauté urbaine

Commandé au cabinet Michel Klopfer, incontournable dans le petit monde des finances publiques locales, le rapport d’examen de la situation financière du Syndicat intercommunal de destruction des résidus urbains (Sidru) « au début de 2017 », présenté aux maires la semaine dernière, se montre plutôt pessimiste. Pour les consultants sollicités par la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO), les hypothèses suivies par son président Jean-Frédéric Berçot seraient peu probables.

Ainsi, le « scénario le plus plausible » concernant les deux emprunts toxiques serait, selon le rapport, une « condamnation totale à 70 millions d’euros ». Le Sidru a en effet été condamné à payer 20 millions d’euros à Depfa, et est encore en procès avec Natixis pour un montant de 50 millions d’euros environ, l’audience de première instance prévue début mars ayant été repoussée à novembre.

Alors que le président du Sidru met en avant la possibilité d’un « étalement de charges » consistant à obtenir deux dérogations ministérielles afin d’avoir le droit d’emprunter pour rembourser ce qui est dû à Depfa, le cabinet Klopfer en juge « l’obtention peu probable ». Selon ce dernier, la seule autre manière d’équilibrer le budget de fonctionnement cette année serait « une majoration ponctuelle d’une dizaine de millions d’euros des contributions des membres », représentant « un surcoût de 7,2 millions d’euros » pour GPSEO.

Enfin, les consultants estiment comme « extrêmement hypothétiques » les revenus supplémentaires fournis après la fin prochaine du remboursement du crédit-bail de l’incinérateur Azalys. Quant à la valeur de cette infrastructure, qui est jaugée à plus de 122 millions d’euros par le Sidru, eux en font une estimation « autour de 50 millions d’euros » en cas de vente pour pouvoir éventuellement rembourser Natixis : « Une cession de l’usine ne suffirait pas pour permettre au Sidru de faire face à la totalité de ses engagements (alors estimés à 71 millions d’euros fin 2019, Ndlr). »