Emprunt structuré : la justice condamne l’Etat à aider la mairie

Jusque-là exclue du fonds de soutien aux emprunts à risque, la municipalité mantaise a fait condamner la décision de l'Etat par le tribunal administratif, et va donc solder l'un de ses emprunts.

Depuis sa création par l’Etat en 2014, la municipalité mantaise, dont la dette est composée pour partie d’emprunts structurés, avait été exclue du « dispositif de sortie des emprunts à risque des collectivités ». Après un recours gracieux, puis en référé, elle a déposé un autre recours au fond. Le tribunal administratif a récemment condamné l’Etat, qui excluait jusqu’à présent les emprunts souscrits sous forme de « swaps » (voir encadré), à revoir sa décision pour la municipalité mantaise, pour la première fois depuis la création de ce fonds de soutien, et pour l’instant la seule.

Au dernier conseil municipal, la municipalité a donc voté la signature avec la banque Natixis d’un protocole transactionnel lui permettant de solder l’un de ses emprunts structurés, au capital restant dû s’élevant à près de 13,7 millions d’euros. L’indemnité de remboursement anticipée, elle, devrait se situer entre 15 et 16 millions d’euros : l’Etat apportera 42,98 % du montant final (soit de six à sept millions d’euros, Ndlr), et la banque prend à sa charge deux millions d’euros.

Emprunt structuré, emprunt toxique, swap ?

Les collectivités locales ont trois possibilités pour emprunter. Historiquement, elles pouvaient souscrire soit à taux fixe, soit à taux variable « simple », qui dépend directement d’indices financiers traditionnels comme le cours de l’euro, le livret A ou le taux moyen des prêts interbancaires de la zone euro. Au début des années 2000 sont apparues des formules complexes de calcul du taux, avec, par exemple, des différentiels entre indices financiers, ou entre les taux de change du franc suisse, de l’euro, du dollar ou du yen.

Certaines de ces formules sont dites « toxiques », car elles peuvent engendrer des taux incroyablement élevés. Souvent, ces prêts structurés ont une période de bonification de plusieurs années, pendant lesquelles l’emprunteur bénéficie d’un taux fixe très intéressant. La formule de calcul complexe ne rentre en jeu qu’après cette période de bonification. Certains de ces emprunts, comme à Mantes-la-Jolie, ont été contractés sous forme de « swaps » destinés à juguler les variations d’un taux d’un ou de plusieurs emprunts par un « contre-prêt ».

« On peut constater que, contrairement à ce que souvent, on peut entendre dans les médias, les dénouements de contrats de swaps ne donnent pas lieu à des pertes », a indiqué au conseil municipal Frédéric Bourgault, conseiller délégué à l’habitat insalubre (qui remplaçait Ali El Abdi, l’adjoint aux finances, Ndlr), qui s’est félicité d’un « gain net pour la commune de 1,3 million d’euros » pour cet emprunt « bien géré et débouclé au bon moment dans des conditions optimales ».

L’opposition municipale, qui dénonce depuis une décennie les différents emprunts structurés souscrits, n’a pas manqué cette nouvelle occasion. « Jusqu’au bout, vous êtes dans une situation de déni. A vous entendre, tout va bien, c’est quand même extraordinaire !, s’est étranglé, jusqu’à en taper du poing sur la table du conseil, Joël Mariojouls, du groupe Ensemble pour une gauche citoyenne. Il s’agit là d’emprunts à risque, classés F6 dans la classification Gissler (établie par l’Etat en 2008, Ndlr), donc les plus risqués. »

« C’est vrai qu’on est à un changement de paradigme important mais somme toute assez classique : cette ville, comme beaucoup d’autres, a structuré sa dette autour de ces swaps car il y avait des gains potentiels compte tenu d’une conjoncture économique et financière très particulière, qui a commencé à se retourner il y a 4 ou 5 ans, lui a répondu en simple conseiller municipal l’ex-maire Pierre Bédier (LR). On ne peut pas attaquer, pendant des années et des années, sur le thème « les swaps menacent cette ville », et le jour où le swap principal est dénoué, s’y opposer. »

Conflans-Sainte-Honorine : la mairie envisage aussi un recours contre l’Etat

A l’instar de la municipalité mantaise, celle de Conflans-Sainte-Honorine est grevée d’emprunts structurés sous forme de swaps souscrits dans les années 2000. L’Etat lui a elle aussi refusé l’accès à l’aide du fonds de soutien aux emprunts à risque. Inspiré par l’exemple de son homologue de Mantes-la-Jolie, le maire Laurent Brosse (LR) envisage d’aller en justice contre ce rejet de l’Etat.

« On envisage un recours similaire, indiquait ainsi ce dernier début mai. Il y a tellement de champ des possibles en matière d’emprunts toxiques, et on n’est pas dans une situation identique. […] Ca dépendra des possibilités juridiques analysées par un cabinet d’avocats qu’on va solliciter. […] On n’attend que ça vu la situation financière actuelle. »