Règlements de comptes à l’AG de liquidation de la télévision publique locale

Les maires, confrontés à des finances en déconfiture, ont mis fin à l'aventure « Yvelines première » en liquidant l'association, au grand regret des édiles de Poissy et de Saint-Germain-en-Laye.

Lundi 11 septembre, les élus ont mis fin, un peu en catastrophe, à la chaîne publique locale Yvelines Première, avec une dissolution de l’association éponyme pour raisons financières. Depuis minuit vendredi dernier, son antenne continue, mais est composée exclusivement de rediffusions. Comment ces maires yvelinois en sont arrivés là, alors que la chaîne bénéficiait de 435 000 euros de revenus assurés par an ?

Depuis 1989, Yvelines Première animait son antenne de reportages sur les 34 villes et villages du Sidecom, syndicat public créé pour installer le câble et en toucher les redevances. L’initiative en revient au maire saint-germanois de l’époque, Michel Péricard (RPR). D’Aubergenville à Chatou, les habitants peuvent alors regarder des informations télévisées visant à mettre en valeur les communes.

Ces dernières années, la chaîne avait un budget supérieur au seul reversement du Sidecom. En 2014, de premières alertes se font jour… mais, avec les élections municipales, tout est remis à plus tard. Une démarche répétée en 2015 et en 2016, la faute à la constitution des intercommunalités géantes. Pendant ce temps, pourtant, la chaîne est poussée à grossir en vue d’une fusion avec TV fil 78, l’autre chaîne publique locale yvelinoise. Et, alors que des promesses financières sont faites par les deux intercommunalités nouvelles, rien ne vient les concrétiser.

En attendant, des subventions exceptionnelles évitent le naufrage… jusqu’à cette année. Résultat : lundi dernier, il a fallu saborder le navire avant qu’il n’emporte les dix salariés avec lui. « Depuis fin 2015, nous mangeons des réserves obligatoires que nous avons dû constituer en cas de licenciement. Il y a eu une procédure d’alerte au tribunal de grande instance, ce qui m’a valu de m’expliquer devant un magistrat, explique, plus que sérieux, le président depuis fin 2016, Jean-Pierre Duclos. Nous voulions arrêter le plus vite possible pour les salariés. »

Mais aussi pour éviter de passer par la case d’un procès au pénal, subtilité du droit du travail dans le secteur privé expliquée par les avocats de la rédaction, et que n’avaient pas forcément mesurée ces hommes et femmes habitués du secteur public. « Si nous additionnons Yvelines Première et le Sidecom, nous sommes à peu près sur ce que les salariés ont droit en cas de licenciement, prévient-il. Si quelqu’un veut décider de faire autrement, c’est mon grand plaisir, et nous irons tous en prison ! »

Parmi les élus et maires présents, tous ou presque sont d’accord pour arrêter les frais. Au rang des refus: Karl Olive (LR), le maire de Poissy, qui débuta son autre vie de journaliste par la chaîne, et assure être proche d’une solution. « Il y avait des pistes, je vous ai eu le 24 août au téléphone, vous m’avez dit d’arrêter », lance-t-il au président. Après le vote, il évoquera la suite logique : « Demain, il faudra peut-être parler de la mort du Sidecom, qui devient une coquille vide. »

« C’est un échec collectif, je voudrais que tout le monde assume à l’échelle de ses responsabilités ce qui vient de se produire », lance de son côté Arnaud Péricard (LR). Fils de Michel et tout nouveau maire de Saint-Germain-en-Laye, estimant que l’on n’est « pas encore dans la responsabilité pénale » du conseil d’administration, il choisit l’abstention : « Avec Karl, nous avons la volonté de continuer avec la même équipe, mais d’autres moyens, d’autres ressources. »

Après ces deux plaidoyers, la tension monte de quelques crans. « On ne va quand même pas être les dindons de la farce, lance Jean-Pierre Duclos, menaçant de démissionner sur-le-champ. Nous vivons à 90 % de subventions publiques, si elles baissent, nous ne savons plus faire. Ca fait deux ans et demi qu’on nous dit qu’on cherche une solution ! » Quelques dizaines de minutes plus tard, ils sont 24 à voter pour, un contre et trois s’abstiennent. Yvelines Première n’est plus.

Bientôt une autre aventure télé locale pour les 10 salariés déconfits ?

« Cette dissolution a le mérite de mettre fin à une situation devenue intenable et de permettre à tous de se tourner vers l’avenir », ont indiqué les salariés dans un communiqué commun.

Des dix salariés d’Yvelines Première, ils étaient six à avoir fait le déplacement pour cette assemblée générale de liquidation et être enfin fixés sur leur sort, eux qui, en deux ans, sont passés d’une promesse de nouveaux locaux et d’une ambition renouvelée à la fin pure et simple de leur travail. Alors, au fond de la salle, l’on a pu entendre quelques soupirs, notamment lorsque le président évoque, surpris, le « dynamisme » des avocats de la rédaction, se disant « traumatisé ».

A la sortie de l’AG, les yeux humides et parfois plus, ils ont distribué un communiqué aux journalistes présents. « La rédaction d’Yvelines Première a été éprouvée par de longs mois d’incertitude quant à son avenir professionnel, indiquent-ils. Cette dissolution a le mérite de mettre fin à une situation devenue intenable et de permettre à tous de se tourner vers l’avenir. » Professionnels jusqu’au bout, ils ont assuré l’antenne jusqu’à vendredi soir.

Selon nos informations, la gestion du personnel d’Yvelines Première, ces dernières semaines, a pourtant connu quelques avanies. Alors que l’été devait être mis à profit pour des négociations, il n’en a rien été. Et si l’efficacité des avocats de la rédaction a obligé les élus à arrêter de repousser l’échéance de la liquidation, les salariés, dont certains étaient sous contrat depuis des années, auraient aimé éviter que les discussions soient concomitantes avec le processus de liquidation.

« On est tous en CDI… et on est tous en suspens », a commenté l’un d’eux à la sortie de l’AG. Quant au fameux projet porté notamment par le maire de Poissy Karl Olive (LR), si certains semblent y croire, et si le communiqué fait part d’un espoir en ce sens, un autre se montre moins confiant : « Il n’y a pas grand-chose de concret, la fameuse structure, on ne sait pas ce que c’est. » Alors, ils risquent bien de devoir chercher du travail une fois les négociations indemnitaires terminées