La vallée de Seine a aussi ses start-up

Il cherchait une pharmacie de garde pour sa fille malade, sans la trouver sur internet. Alors, il a créé une application géolocalisée avec un syndicat des pharmaciens et le soutien de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France. Aujourd'hui, Mon pharmacien est dupliquée dans d'autres régions.

Cette jeune pousse pisciacaise est passée en quelques années du dépannage informatique au développement d’applications mobiles. L’une d’elle, destinée à trouver facilement un pharmacien de garde, a séduit l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens et l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France.

Née de 2011 à 2015, l’application est aujourd’hui jugée comme un succès, en cours de duplication dans d’autres régions de France. Elle est disponible gratuitement sur les téléphones munis des systèmes iOS d’Apple et Android de Google, mais aussi consultable sur le site internet monpharmacien-idf.fr. Elle permet aux Franciliens de trouver rapidement les pharmacies de garde les plus proches, sous forme de liste ou d’une carte, avec toutes leurs coordonnées.

« Je cherchais une pharmacie de garde, un dimanche, pour ma fille. Je cherche une application, ça n’existe pas, je cherche sur internet, ça n’existe pas, on ne trouve que des bribes d’informations sur les serveurs vocaux, se rappelle Sébastien Fouin, associé-gérant d’Assistech. Je me renseigne sur internet, et me rends compte que c’est très politique, les pharmacies de garde sont localisées par préfecture et par le syndicat départemental de pharmaciens. »

Le président de l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), aussi président de l’URPS pharmaciens d’Île-de-France, est un pharmacien de Rambouillet, Renaud Nadjahi. « Il m’a appelé en me disant avoir une idée à propos des pharmacies de garde, se souvient le professionnel rambolitain. Dans un premier temps, j’ai trouvé que l’idée avait du bon. »

« Il a cru en notre projet, et nous a demandé une version qui fonctionne sur les Yvelines en nous fournissant le fichier de garde, on a commencé à développer, observe le patron pisciacais. La prochaine étape était qu’il la présente à l’ARS, entre temps, on ajoute toute l’Île-de-France sauf quelques secteurs. » Renaud Nadjahi se charge alors de décrocher un rendez-vous auprès de l’ARS francilienne, présidée à l’époque par l’ex-ministre socialiste Claude Evin.

L’institution publique de santé est séduite et décide d’investir, au total environ 100 000 euros. « Claude Evin a trouvé l’idée tellement intéressante qu’il nous a financé le développement, le déploiement, la communication autour de cet outil, qu’on a appelé Mon pharmacien », explique le pharmacien rambolitain. « On ne pouvait travailler directement avec l’ARS, détaille de son côté Sébastien Fouin. Ils ont mandaté l’URPS pour faire l’application et acheter le concept, on a cédé tous les droits, on fait le projet, le suivi, la maintenance et les évolutions. »

L’application Mon pharmacien est aujourd’hui complètement aboutie et satisfait les professionnels d’officine franciliens. « Sauf à ce qu’un pharmacien ne prenne pas sa garde, le site internet et l’application sont absolument le reflet de ce qu’il se passe sur le terrain, l’outil est mis à jour quotidiennement », se félicite Renaud Nadjahi.

Aujourd’hui située en plein centre-ville de Poissy, Assistech, née en 2004 dans un garage, compte une vingtaine d’applications mobiles à son actif depuis cinq ans.

« C’est un système qui, aujourd’hui, satisfait paraît-il tout le monde : les pouvoirs publics, les utilisateurs c’est-à-dire les patients, et évidemment les confrères et consoeurs pharmaciens », poursuit ce représentant de la profession. Il évoque d’ailleurs, à l’appui de cette satisfaction générale, des « retours et mécontentements » quasiment inexistants, notamment sur les portails d’Apple et de Google où Mon pharmacien est disponible au téléchargement.

« Aujourd’hui, en Région Île-de-France, 4 000 pharmacies participent au tour de garde, avec une gestion de 365 jours sur huit départements, de nuit avec entre huit et dix pharmacies d’astreinte par département, et le week-end au moins une vingtaine par département, détaille le pharmacien. Ca fait quand même beaucoup d’informations à rentrer dans une base de données. »

Car une bonne partie du travail de l’entreprise pisciacaise est invisible de l’utilisateur final. « Il y a la face cachée de l’iceberg, avec une plateforme complète d’accès à la base de données des pharmacies de nuit, rapporte le jeune patron. Avec la Sécu, on a interconnecté les systèmes de paiement et de plannings pour les pharmaciens, qui ont un accès direct. »

Ce nouvel outil numérique commence à être connu des patients, remarque pour sa part Renaud Nadjahi. « Quand on voit le nombre de téléchargements et de consultations du site, on voit que c’est un outil particulièrement utilisé les jours fériés et les dimanches », assure-t-il, relatant aussi le fait que « la réflexion de la plupart des utilisateurs du système est de dire  »à quand la France entière ? » »

Un déploiement expérimental est maintenant en cours dans les régions Corse et Auvergne-Rhône-Alpes, ainsi qu’en Charente, même si le rythme est limité par l’adhésion nécessaire de chaque ARS régionale et chaque syndicat de pharmaciens chargé localement de la gestion des gardes. « Aujourd’hui, c’est un système parfaitement rôdé, qui a un coût de mise en oeuvre de quelques milliers d’euros », loue le représentant yvelinois des pharmaciens.

Cela reste une belle réussite pour la petite entreprise yvelinoise, créée en 2004 dans le garage de l’autre associé-gérant. Aujourd’hui localisée en plein centre-ville de Poissy, Assistech compte deux salariés en sus de ses deux patrons. Une vingtaine d’applications mobiles ont été développées depuis leur lancement sur ce créneau il y a cinq ans.

A chaque fois qu’ils ont une idée, ils commencent à la réaliser avant de la présenter aux potentiels clients. « Dans tous nos projets, on a créé le projet concrètement, fait la recherche et développement avant, pour avoir un logiciel à montrer et pas une présentation Powerpoint, relate Sébastien Fouin. C’est risqué, car on s’est fait piquer pas mal d’idées ! »

S’ils ont ainsi eu le déplaisir de voir certaines applications reprises à leur compte par des clients potentiels, les multinationales se montrant parfois peu scrupuleuses, cela permet parfois, aussi, de séduire un client rétif. Et la start-up de faire son chemin, discrètement mais sûrement. Elle travaille d’ailleurs actuellement à un projet autour du commerce avec la mairie de Poissy… mais chut ! Cette application innovante n’est pas encore mûre pour les lumières des projecteurs.