« Ras-le-bol général » exprimé pendant le mouvement de contestation national dans les Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Le mardi 30 janvier en vallée de Seine, des débrayages réunissant à chaque fois entre 20 et 30 personnes ont notamment eu lieu à Poissy, Meulan-en-Yvelines, Mantes-la-Jolie et Carrières-sous-Poissy. Personnel soignant, syndicats, et familles de résidents dénoncent d’une seule voix des moyens insuffisants, qui entraîneraient manque de personnel et donc sous-effectifs réguliers.
« C’est une situation nationale qui dure depuis plusieurs années, avec un manque d’effectif au niveau des Ehpad, et de plus en plus de difficultés à remplacer le personnel en arrêt, résume le docteur Oubbea, chef du pôle gérontologie du Centre hospitalier intercommunal de Meulan-Les Mureaux (Chimm), présent lors du débrayage devant l’Ehpad Châtelain Guillet. On fait de moins en moins bien notre travail car on a moins de temps à passer avec les résidents pour faire des soins de qualité, les toilettes… C’est source de maltraitance. »
Un malaise qu’évoquent unanimement les aides soignantes présentes au débrayage devant l’Ehpad de Meulan-en-Yvelines. « On n’a pas le temps avec les résidents pour faire notre travail, on est constamment en sous-effectif et on doit tout le temps se dépêcher », s’exclame l’une d’elles, pendant cette manifestation calme, tout en prises de paroles. Ces dernières ne manquent pas d’exemples concrets sur les conséquences de cette situation sur la distribution du linge, les repas ou encore les soins.
« Les résidents sont des fois obligés de rester au lit, on ne peut pas les lever correctement », ajoute une aide-soignante, qui regrette aussi de ne plus avoir le temps d’échanger avec les retraités. Complétée par l’une de ses collègues : « Pour certains patients qu’on est normalement obligées de manipuler à deux, on se retrouve seule. Rien que ça, c’est de la maltraitance. »
Les témoignages de ces dysfonctionnements ne manquent pas non plus du côté des familles, dont plusieurs étaient présentes aux différents débrayages. « Ma mère est en fauteuil roulant [et] ne peut pas aller aux toilettes seule, il faut parfois attendre des heures avant que quelqu’un ne passe », abonde Pierrette, dont la mère de 96 ans est patiente à l’Ehpad Au chemin de la rose de Mantes-la-Jolie.
« Le temps est très court pour assurer les repas, le plateau repart en cuisine avec la nourriture, soulignait déjà Jeannine, dont une proche de 95 ans est résidente à l’Ehpad Châtelain Guillet, dans une lettre adressée à la direction du Chimm en septembre, dont elle a fourni une copie à La Gazette. C’est inadmissible de voir les patients perdre du poids. »
Le « manque d’effectif flagrant » est également confirmé par Dominique, fille d’une résidente de 91 ans de l’Ehpad de Meulan-en-Yvelines, qui a tenu à être présente au milieu des manifestants pour faire part de son mécontentement. Cette dernière souligne que les aides-soignantes « n’ont pas le temps de parler, pas le temps de faire un change, pas le temps de faire manger correctement les gens ».
Dominique assure en voir les répercussions sur le personnel. « Les aides-soignantes, à force, on les voit craquer, on les voit pleurer », poursuit-elle. Pour remédier au manque d’effectif, les aides-soignantes indiquent : « Il arrive qu’on nous appelle sur nos jours de repos », ce qui entraînerait « douleurs », « stress » et « dépression » chez le personnel des Ehpad. « Si on arrive à s’en sortir, c’est grâce au dévouement du personnel qui est épuisé », estime le docteur Oubbea.
Que ce soit au débrayage de Mantes-la-Jolie ou à celui de Meulan-en-Yvelines, les syndicats réclament donc plus de moyens et d’effectifs. « On en a ras-le-bol de faire des choix entre la toilette, l’alimentation ou le soin », s’exclame Bernard Landais, secrétaire adjoint FO à l’hôpital de Mantes-la-Jolie.
Franck Virginius, délégué FO au Chimm, souhaite « un agent par résident », alors qu’actuellement l’Ehpad Châtelain Guillet compte « 50 résidents pour 19 aides-soignants ». Une demande similaire est soulevée par David Frigère de la CGT du Chimm, qui résume le mot d’ordre de cette grève : « Nous dénonçons aujourd’hui que les soins ne puissent pas être effectués de manière satisfaisante. »