« On va l’accrocher dans le salon celui-là ! Faut montrer aux enfants qu’il n’y a pas d’âge pour apprendre ! », rigole-t-on dans la salle de réunion du collège Georges Clemenceau, situé dans le quartier mantais Val Fourré. Les sourires sont communicatifs et la bonne humeur contagieuse : ce vendredi 13 avril est un jour de fête pour une dizaine de mamans.
Après jusqu’à deux ans de formation, elles reçoivent, de la main de la proviseure adjointe du collège, l’attestation du dispositif « ouvrir l’école aux parents pour la réussite des enfants » (OEPRE, Ndlr). Destiné aux parents d’élèves étrangers, ce dispositif a été instauré il y a neuf ans par le ministère de l’éducation nationale, en partenariat avec le ministère de l’intérieur et l’Office français de l’immigration et l’intégration (Ofii).
L’an dernier, il a été suivi en France par plus de 6 700 personnes, dont 84 % de femmes, dans 436 établissements scolaires. Il veut remplir trois objectifs : « L’acquisition du français, la connaissance des valeurs de la République ainsi que leur leur mise en œuvre dans la société française et la connaissance du fonctionnement et des attentes de l’école vis-à-vis des élèves et des parents », selon le ministère de l’éducation nationale.
« Au départ, il n’y avait que quatre ou cinq parents d’élèves, mais l’association Soutien scolaire et aide aux devoirs (SSAAD, Ndlr) a beaucoup aidé. Une année, nous avions eu une cinquantaine de parents ! », s’enthousiasme Nadège Richet, la principale du collège, selon qui le dispositif séduit de plus en plus. Pour la plupart des présentes diplômées ce vendredi, il a permis d’acquérir une attestation de niveau A1 en français.
Cela permet de « comprendre une conversation très simple à l’oral et s’exprimer avec des mots très simples à l’écrit », détaille Wafa Laaouissid, salariée de l’association SSAAD. Certaines obtiennent cependant un niveau B1, soit « comprendre les points essentiels d’une intervention énoncée dans un langage clair et standard », selon le ministère de l’éducation nationale. Le dispositif ne permet ainsi qu’un apprentissage limité du français, pour ces mères ayant parfois tout à apprendre.
Ces mères de famille du Val Fourré sont retournées sur les bancs du collège Georges Clémenceau, pour trois heures de cours de français hebdomadaires. « Pour la plupart, elles n’ont jamais été scolarisées. Elles sont très courageuses », se félicite Wafa Laaoussid. Les profils des femmes qui se présentent sont très variés : « Il y a beaucoup de femmes qui viennent du Maroc, mais il y a en aussi certaines qui viennent de Turquie, de Tunisie et une de la Mauritanie », détaille Mélanie Volle, la professeure.
« Le rôle du parent est revalorisé », analyse Yamina Graichi, à la tête de la SSAAD, et pour qui avant, « les mamans avaient peur d’aller au collège ». La principale du collège avance aussi une amélioration du travail des enfants. « Il y plus d’intérêt pour faire les devoirs, note-t-elle. Ceux qui auraient pu décrocher ne décrochent plus. » Elle admet cependant qu’il ne fait pas de miracles : « Les élèves ne deviennent pas d’un coup premier de la classe. »
Toutes les mères de famille ont des niveaux très distincts lorsqu’elles franchissent les portes du collège pour prendre des cours de français. C’est le cas d’Aïcha, 35 ans, qui a l’équivalent d’un niveau Bac +4 d’études littéraires au Maroc. « Je faisais une heure de français par semaine à la fac », explique-t-elle. « Je suis venue pour m’améliorer à l’oral, je suis très contente », glisse-t-elle dans un sourire hésitant.