Le chantier de la nouvelle mosquée devrait pouvoir reprendre

Lors d’une réunion publique ce dimanche, les fidèles musulmans de la commune ont validé la création d’une nouvelle association distincte de la précédente, que l’Etat ne souhaitait plus.

Leur nouveau projet sera examiné de près, mais les dons des croyants pour la mosquée en construction, interrompus suite à la fermeture de la salle de prière par le ministère de l’Intérieur, devraient pouvoir reprendre, et avec eux le chantier de cet édifice de 400 places. La décision a été validée lors d’une réunion publique ce dimanche, en présence d’environ 150 Ecquevillois et des responsables de l’association historique, Malik Ibn Anas. Elle comptait environ 300 membres avant fermeture, et une centaine aujourd’hui.

Le 2 novembre 2016, le ministre de l’Intérieur fermait la salle de prière louée à la municipalité par l’Association islamique Malik Ibn Anas (AIMA) dans le cadre de l’état d’urgence, pour des propos qui auraient été tenus par son imam. Le préfet des Yvelines, dans son arrêté, décrivait « un lieu de référence influent […] prônant un islam rigoriste, appelant à la discrimination et à la haine, voire à la violence ».

A l’époque, l’avocat d’AIMA proteste fortement contre cette fermeture : « L’État fait un amalgame entre salafisme et jihadisme », déclare-t-il dans La Gazette. L’association fait appel, perd au tribunal administratif, puis au Conseil d’Etat. Chez les fidèles venus dimanche, qui vont prier aux Mureaux faute de lieu de culte, la colère suscitée par cette fermeture et par sa large médiatisation, est toujours vive.

« Ouvrir la mosquée avec l’association Malik Ibn Anas, ce n’est pas possible », insiste Abdelaziz El Jaouhari, secrétaire général du Conseil des institutions musulmanes des Yvelines (Cimy).

« C’est comme si je vous accuse d’être pédophile, ça vous colle à la peau, déplore ainsi dimanche un trentenaire, debout au fond de la salle Jules Ferry. On dirait qu’Ecquevilly, c’est l’Irak ! Pourtant, personne d’Ecquevilly n’est parti en Syrie, on est les premiers à combattre ces gens, et ça fait deux ans qu’on vit comme ça, sans mosquée… » Son voisin acquiesce, et évoque le reproche numéro un aux organisateurs de dimanche : « L’idée numéro un de ces gens-là était de récupérer le bien. »

A l’origine de la réunion, et du prêt de la salle par la mairie (qui refuse tout prêt à l’AIMA, Ndlr), il y a en effet le Conseil des institutions musulmanes des Yvelines (Cimy), qui regroupe des responsables de mosquées yvelinoises, et le Conseil régional du culte musulman (CRCM). Interlocuteurs des institutions de l’Etat et des élus locaux, ils avancent leur bonne volonté face à un public plus que méfiant.

« Nous sommes là pour apporter notre soutien, et essayer de trouver une solution pour la réouverture de votre mosquée », plaide Saïd El Mouaddine, vice-président du CRCM Île-de-France Ouest et président de la mosquée de Pontoise. « Notre credo, si je puis dire, depuis le départ, est de dire qu’on s’oppose à la fermeture des lieux de culte, c’est un besoin pour la communauté », explique Abdelaziz El Jaouhari, président de l’Association mosquée Mantes Sud, secrétaire général du Cimy.

Le 2 novembre 2016, le ministre de l’Intérieur fermait la salle de prière louée à la municipalité par l’Association islamique Malik Ibn Anas (AIMA) dans le cadre de l’état d’urgence.

« La proposition des services de l’Etat est que la communauté musulmane d’Ecquevilly crée une nouvelle association, puis, par fusion-absorption, récupère le bien, la nouvelle mosquée », poursuit-il. Sinon, selon lui, « le bien risque d’être perdu si on reste dans la situation actuelle ». Il avance un coût « de 10 000 à 11 000 euros » pour le transfert, et promet que le Cimy apportera ce financement si les fidèles d’Ecquevilly ne le pouvaient.

« Pour se dire les choses franchement, depuis plusieurs mois, on a perdu beaucoup de temps », décrit-il ensuite de la rupture du dialogue ces derniers mois entre le Cimy et l’AIMA, dont le bureau a été intégralement renouvelé l’an dernier dans l’espoir d’obtenir l’assentiment de l’Etat. « Ouvrir la mosquée avec l’association Malik Ibn Anas, ce n’est pas possible, quelles que soient les modifications qui pourraient être apportées », insiste Abdelaziz El Jaouhari.

Les responsables de l’AIMA prennent alors la parole, et un débat s’engage entre eux, le Cimy et les fidèles. Certaines indiquent avoir commencé un début de démarche de constitution de nouvelle association, quelques quiproquos se dénouent, notamment au niveau des frais à engager. « Une mosquée avec une association d’Ecquevilloises et d’Ecquevillois à sa tête, indépendante, autonome, c’est la volonté de tout un chacun », rassure Slimane Bousanne, trésorier du Cimy et directeur du collège privé musulman de Montingy-le-Bretonneux.

Il manquerait « entre 150 000 euros et 200 000 euros » de dons pour terminer le chantier de la nouvelle mosquée.

« Je vous félicite de cette démarche, ce n’est pas du tout ce qu’on avait compris », loue-t-il. « Si c’est une nouvelle structure, on portera votre message aux élus », appuie Abdelaziz El Jaouhari. « Est-ce que tout le monde est d’accord sur cette démarche-là ? » reprend Slimane Bousanne. La quasi-totalité des mains se lèvent dans la salle, un premier document listant les futurs responsables de l’association est constitué avec eux à la fin de la réunion.

« Ce qui va nous rassurer est de voir les documents (financiers, Ndlr), si c’est aux alentours de 10 000 euros, pas de souci », commente en fin de réunion Khalid Baaziz, président de l’AIMA depuis octobre 2017. Il manquerait « entre 150 000 euros et 200 000 euros » pour terminer le chantier de la nouvelle mosquée. Ce projet d’un million d’euros est situé à quelques dizaines de mètres de l’ancienne salle de prière, il est financé « exclusivement par les dons de fidèles musulmans » (y compris l’achat de la parcelle, Ndlr), précise le président de l’AIMA. Ce denrnier avance encore quelques mois de travaux, une fois les dons réunis.

« On veut des garanties écrites, que si une nouvelle association est faite, on rouvre la mosquée », demande-t-il également en exprimant sa lassitude face aux difficultés. Il les estime partiellement liées à l’indépendance historique de l’AIMA par rapport aux institutions confessionnelles musulmanes avec lesquelles dialoguent les services de l’Etat : « Ca nous avait porté préjudice, il n’y avait personne pour nous défendre. »