Les croisiéristes ne passent pas par les centres-villes

L’opération « Do you speak tourist » avait pour but de sensibiliser les commerçants à l’accueil de touristes étrangers. Ceux-ci aimeraient surtout que les touristes viennent à eux.

Pour sa sixième édition, mais la première en vallée de Seine, l’opération « Do you speak tourist » a fait escale au Pecq, à Conflans-Sainte-Honorine, Poissy et Mantes-la-Jolie, escales fluviales obligées des croisiéristes voguant sur la Seine. Portée par la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Versailles et le Comité régional du tourisme, elle vise à sensibiliser les commerçants à l’accueil de touristes étrangers, mais aussi à connaître leurs attentes.

Un guide leur a été remis, répertoriant les attentes des touristes en fonction de leur nationalité. Mais plus que progresser en langues étrangères, les commerçants mantais comme conflanais aimeraient surtout que les touristes viennent jusqu’au centre-ville. A Conflans-Sainte-Honorine, ce sont ainsi « plus de 250 escales, soit 34 000 personnes » qui sont recensées par an, pointe Martine Boutaric, conseillère municipale déléguée au commerce.

Mais à en croire les commerçants conflanais, difficile de leur faire parcourir les quelques centaines de mètres qui les séparent du centre-ville. « Il n’y a pas forcément de communication sur l’arrivée des bateaux, on les voit passer par groupe et on se dit tiens, ils sont arrivés, relève Isabelle Osmont, présidente de l’association de commerçants conflanaise et gérante d’une pâtisserie-chocolaterie. Quand on a le temps, j’essaie d’envoyer quelqu’un pour distribuer des flyers. »

La commerçante aimerait créer une dynamique avec plusieurs d’entre eux « pour par exemple créer des spécialités gastronomiques en lien avec Conflans ». A la fromagerie, quelques mètres plus loin, certains touristes passent le pas de la porte. « Ils n’ont qu’un seul but, venir déguster, explique-t-on. Ils sont un peu radins, ils viennent manger, prennent des selfies devant les étagères et repartent. »

Chez Heriday, boutique de prêt-à-porter, des touristes, on en voit pas beaucoup. « Ils sont vieux, ils n’achètent pas », commente Martine Heriday, installée depuis 38 ans. Si elle a acheté un lexique franco-anglais pour pouvoir converser, elle regrette toutefois une « action tardive », de la part de la CCI.

« Ils sont vieux, ils n’achètent pas », commente Martine Heriday, installée depuis 38 ans. Si elle a acheté un lexique franco-anglais pour converser, elle regrette une « action tardive ».

A Mantes-la-Jolie, le constat est partagé. « Les bateaux amènent des Anglais, des Allemands, des Américains, mais ce n’est même pas 3 % de mon chiffre d’affaires », insiste ce commerçant du centre-ville. Il trouve que les touristes sont « un peu livrés à eux-mêmes » et prend exemple sur la ville de Vernon (Eure), à une vingtaine de kilomètres en aval du fleuve : « Ils sont guidés, on les amène dans le centre-ville, on leur fait visiter. »

Pour Laurent Brosse (DVD), maire conflanais et vice-président chargé du tourisme à la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO), cette action permet « d’établir un diagnostic et de nous faire réfléchir à des solutions ». Pour les élus des villes concernées, « l’enjeu c’est de monter sur le bateau », explique-t-il sans fard des difficultés de communication avec les compagnies de croisière. Il rappelle qu’avec certains croisiéristes, « le vendredi après-midi est laissé libre », permettant l’établissement d’un partenariat « pour visiter le musée de la Batellerie ».

« C’est le chien qui se mord la queue, estime pour sa part Blandine Tholance, adjointe mantaise au tourisme. Parfois j’ai un coiffeur qui vient me dire qu’un Américain est venu se faire couper les cheveux. Des touristes il y en a, mais ce ne sont pas des grands groupes. » La transformation du quai des Cordeliers, inauguré en décembre dernier, « a fait de Mantes-la-Jolie une véritable escale fluviale », souligne-t-elle.

La mairie envisage de créer des circuits, comprenant notamment les visites de la collégiale et du musée de l’Hôtel-Dieu. « Après, on a aussi des croisiéristes qui regrettent que les commerçants ne soient pas ouverts à l’heure du déjeuner », fait-elle remarquer. Une réunion devrait être prochainement organisée avec l’association de commerçants « pour les aider à trouver une stratégie ».

Poissy : bientôt une halte pour les bateaux de 135 m ?

Armelle Nicoud, directrice de l’office du tourisme conflanais était un peu inquiète la semaine dernière, quand il s’agissait d’évoquer de nouveaux modèles de bateaux portés par certains compagnies, et atteignant 135 mètres de long. « On n’aura pas la place de les accueillir, explique-t-elle. En mètres linéaires cela va être compliqué. »

Une inquiétude que tempère toutefois le maire DVD Laurent Brosse : « C’est vrai qu’à Conflans on accueille surtout des bateaux de 110 mètres, et que cela sera problématique pour ceux de 135 mètres. Mais a priori, on s’orienterait plus sur des bateaux de 120 – 125 mètres, on va voir quels aménagements on peut faire. »

Si ces modèles venaient à se démocratiser, la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) pourrait aménager une halte fluviale dédiée aux bateaux de cette taille à Poissy. « On y réfléchit dans le cadre du schéma de croisière fluviale, détaille l’édile, également vice-président de GPSEO en charge du tourisme. Mais il faut voir quelles compagniesvont se lancer sur ce modèle. »