Pour les quelques dizaines de riverains qui jouxtent ces deux installations d’assinissement, à Conflans-Sainte-Honorine comme à Chanteloup-les-Vignes, l’odeur pouvait parfois être peu ragoûtante. D’ici quelques mois, celle-ci ne devrait plus être qu’un mauvais souvenir : le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (Siaap) mène actuellement un chantier de désodorisation d’une des principales conduites d’eaux usées d’Île-de-France.
D’un diamètre de plusieurs mètres, l’émissaire général amène les eaux usées de la station d’épuration de Colombes (Hauts-de-Seine) à celle de Carrières-sous-Poissy. Il a été partiellement réhabilité en 2015 (voir encadré) par le Siaap, service public qui gère les eaux usées de près de neuf millions de Franciliens. Depuis bientôt un an, il s’est attelé à un second chantier : la création de nombreuses entrées d’air, et de quatre infrastructures destinées à traiter les odeurs nauséabondes de ce gigantesque égoût.
Deux d’entre elles sont situées dans des villes de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO). A Conflans-Sainte-Honorine, un poste de ventilation et de désodorisation va être implanté là où se situe actuellement la peu charitablement surnommée « tour qui pue ». Situé à l’angle du boulevard Salvador Allende et de la rue des Côtes de Vannes, en hauteur face à Maurecourt, ce petit édifice singeant une tourelle médiévale se situe à quelques mètres des maisons voisines.
Il a été construit en 1896 sur le tracé de l’égoût géant, « à l’aplomb du puits de chute de l’émissaire vers le siphon sous l’Oise », précise la municipalité conflanaise dans la dernière édition de son magazine. La tour était alors destinée à « accéder au circuit des eaux usées pour y mettre la boule de curage afin de nettoyer l’ouvrage ». Alors, fatalement, « les émanations d’odeurs ont fait sa réputation pendant des décennies », précise le journal communal de ce chantier terminé dans quelques mois.
« Ce système enterré va reposer sur l’installation de ventilateurs » comme sur « un traitement biologique de l’air qui sera aspiré afin de créer une dépression et ressortir assaini », détaille la municipalité, manifestement heureuse d’épargner à l’avenir ses émanations aux riverains. Après les travaux de construction de ce poste « pour mise en oeuvre d’une extraction d’air vicié et d’une désodorisation », comme le décrit le carnet de chantier du Siaap, le système sera à l’essai pendant un an.
En contrebas du centre-ville de Chanteloup-les-Vignes, le chantier de construction d’un autre poste de ventilation et de désodorisation est nettement plus visible, et ce depuis plusieurs mois déjà. A l’intersection de la rue Edouard Legrand et de l’avenue de Poissy, les travaux ont d’abord consisté à démolir le poste existant, l’un des deux qui existaient déjà avant le lancement de ce programme de modernisation.
« Ca sentait fort, régulièrement, au niveau de la voie ferrée, notamment quand il faisait sec et chaud », commentait avant l’été la municipalité. La modernisation du système de ventilation de l’émissaire général comprend également la création de 18 entrées d’air neuf pour cet égoût qui transporte chaque jour des centaines de milliers de mètres cubes d’eaux usées. Le chantier représente un coût total de 8,4 millions d’euros HT, répartis à 70 % pour le Siaap et à 30 % pour l’Agence de l’eau Seine-Normandie.
Attaqué par l’acide sulfurique, l’égoût rénové en 2015
Il y a trois ans, le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (Siaap) a mené un chantier titanesque pourtant passé relativement inaperçu auprès du grand public. Il a en effet rénové 4,4 km de la conduite d’égoût nommée l’émissaire général : il relie la station d’épuration de Colombes (Hauts-de-Seine) à la station d’épuration Seine grésillons, mise en service en 2008 face à l’incinérateur Azalys, à Carrières-sous-Poissy.
En 2015, le Siaap a ainsi nettoyé, puis recouvert d’un nouveau mortier encore peu utilisé en Europe, une section de l’émissaire général, depuis Clichy (Hauts-de-Seine) jusqu’à la station d’épuration carriéroise. Le revêtement de cet égoût de plusieurs mètres de diamètre nécessitait en effet d’être réparé, puis protégé, contre l’hydrogène sulfuré. Cet important chantier a représenté un investissement de près de 19 millions d’euros pour le Siaap.
Produit en l’absence d’air par des bactéries vivant contre les parois des égoûts, à partir du sulfate des déjections humaines ou de rejets industriels, l’hydrogène sulfuré se transforme en acide sulfurique au contact de l’air, et dégrade ensuite béton et mortier. Il s’accompagne d’une odeur d’oeuf pourri caractéristique du soufre, odeur auquelle le nez humain est particulièrement sensible, et qui se dégageait aux abords des postes de ventilation ou d’entretien évoqués dans l’article ci-contre.
Afin d’éviter autant que possible les dégradations dues à l’acide sulfurique, le Siaap a choisi en 2015 de couvrir l’émissaire général d’un mortier composé exclusivement d’aluminate de calcium. Nommé Sewpercoat, il est produit par la société française Kerneos, spécialiste de l’aluminate de calcium dont le siège est à Puteaux (Hauts-de-Seine). Il se veut spécifiquement résistant à ces émanations de sulfure d’hydrogène pouvant grignoter jusqu’à plusieurs millimètres de revêtement par an.