Des distributeurs automatiques pour vendre aux consommateurs pressés

Un distributeur de baguettes installé dans quatre villages et des casiers automatiques au sein d’une exploitation agricole. Artisan ou agriculteur, ils espèrent pouvoir toucher de nouveaux consommateurs pour vendre leurs productions en circuit court.

Il est à peine 16 h 15 ce vendredi 31 août, une jeune mère de famille se gare sur le parking de l’exploitation agricole du Clos du bassin, gérée par Etienne Vallée à Ecquevilly. « Qu’est-ce que tu veux prendre ? Des tomates ? Des pêches ? », demande-t-elle à sa fillette en se dirigeant vers des casiers installés sous un abri en bois.

« Je vais en parler à la crèche, elle est intéressée pour travailler avec des producteurs locaux », lance-t-elle à l’exploitant agricole en récupérant ses légumes. Ouverts de 7 h à 21 h, ces 72 casiers métalliques ont été installés à la fin du mois de mai dernier. A Jumeauville, Hargeville, Bazemont et Andelu, ce sont quatre distributeurs à pain en libre-service qui ont été mis en fonction ce samedi 1er septembre.

Ces nouveaux modes de vente de produits locaux, sans surcoût, permettent aux salariés d’acheter en dehors des horaires traditionnels d’ouverture des magasins ou de ceux des marchés. Commerçants et exploitants voient également en ces distributeurs automatiques un moyen de toucher des consommateurs qui ne pourraient se rendre chez eux en temps normal, et donc d’embaucher comme de pérenniser leurs activités.

Ce samedi, Romuald Marc reçoit un SMS lui indiquant qu’il ne reste « que cinq six baguettes » dans un des distributeurs. Et part aussitôt remplir le distributeur rotatif de Jumeauville. Ce samedi, Romuald Marc reçoit un SMS lui indiquant qu’il ne reste « que cinq six baguettes » dans un des distributeurs. Et part aussitôt remplir le distributeur rotatif de Jumeauville.

Samedi 1er septembre, dans l’après-midi, deux sacs de baguettes tradition attendent à la boulangerie Marc, dans le centre-ville d’Epône. Romuald Marc, le patron-boulanger, s’apprête à aller remplir celui de Jumeauville. Il y a quelques mois, La Gazette relatait les difficultés des quatre communes à trouver un boulanger intéressé pour venir remplir leurs quatre machines. « J’ai pris contact avec les municipalités », commente sobrement le boulanger en sortant une baguette du four.

Chacun des distributeurs installés ce samedi-là peut accueillir une quarantaine de baguettes. Ils sont réapprovisionnés plusieurs fois par jour, sauf le jeudi. Pour le moment, c’est Romuald Marc qui effectue les trajets. « En théorie, si cela marche, j’aimerais embaucher quelqu’un pour s’en occuper, explique-t-il. Mais pour le moment, je n’ai pas le recul nécessaire. »

Ce samedi, il reçoit un SMS lui indiquant qu’il ne reste « que cinq – six baguettes » dans un des distributeurs, après seulement quelques heures d’exploitation. Le boulanger part aussitôt remplir le distributeur rotatif installé à proximité de la mairie jumeauvilloise. « Normalement, c’est automatique, je reçois une alerte SMS pour me dire c’est presque vide, précise-t-il. Là, c’est quelqu’un qui vient de m’envoyer un message, ce n’est pas encore au point. »

« Nous réapprovisionnons les casiers trois à quatre fois par jour, cela dépend des produits », détaille Etienne Vallée, installé depuis huit ans dans cette exploitation de 98 hectares.

A Ecquevilly, trois mois après l’installation des casiers, Etienne Vallée se montre satisfait. « Nous réapprovisionnons les casiers trois à quatre fois par jour, cela dépend des produits », détaille celui qui s’est installé depuis huit ans dans cette exploitation de 98 hectares mêlant céréales et maraîchage. La mise en place de ces casiers a coûté au total près de 43 000 euros, dont 32 000 euros pour leur seule installation. L’agriculteur a reçu une subvention de 14 000 euros de la Région.

« On avait beaucoup vu ça dans le Nord, en Normandie », détaille l’agriculteur de l’idée. Pas besoin toutefois de faire plusieurs centaines de kilomètres : A Morainvilliers, un maraîcher expérimente ce système de casiers depuis 2013. Le système est apparu pour la première fois dans les Yvelines en 2010, chez un producteur de Saint-Nom-la-Bretèche.

L’installation s’avère salutaire. « Quand on s’est installé, on avait un point de vente ouvert de 16 h à 19 h tous les jours, détaille Etienne Vallée. Mais il n’y avait pas forcément grand-monde, et il y avait des jours où on sortait les produits pour rien. » Les casiers viennent ainsi compléter l’ouverture du point de vente du samedi, et la présence de l’exploitation au marché dominical de Bouafle.

« Pour les tomates par exemple, on a un taux de perte de zéro », se satisfait aujourd’hui Etienne Vallée. Car avec la fermeture de leur point de vente quasi-quotidien, « on avait perdu du monde ». Le fait de proposer ses produits en accès libre, à permis à Etienne Vallée « de retrouver ceux qu’on avait perdus » mais aussi d’attirer de nouveaux clients.

Il cite en exemple « un couple de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) qui vient faire du vélo le week-end et passe quand il repart ». La plupart de ces « nouvelles têtes » se trouvent dans un rayon de 30 à 40 kilomètres et viennent de « Paris, Courbevoie (Hauts-de-Seine) et Sartrouville ». Les heures de passage, elles, se situent surtout « aux alentours de midi et à partir de 17 h ».

« En théorie, si cela marche, j’aimerais embaucher quelqu’un pour s’en occuper, explique Romuald Marc, boulanger épônois. Mais pour le moment, je n’ai pas le recul nécessaire. »

Pour Romuald Marc, le « distribpain » lui permet également de toucher une clientèle qui ne se rend pas forcément dans son commerce. « J’ai peut-être quelques personnes de Jumeauville qui venaient avant, mais c’était très minoritaire », explique le boulanger. Il voit en ces distributeurs une façon de concurrencer l’offre de grande surface ou des boulangeries industrielles tout en pérennisant son activité.

Pour Etienne Vallée, les casiers sont un moyen, à terme, d’enclencher le développement de la partie maraîchage de l’exploitation. « Sur les 98 hectares, j’en consacre cinq au maraîchage, détaille-t-il de la situation actuelle. L’idée, c’est de développer cette partie, et de pouvoir embaucher un salarié qui gérerait ensuite cette partie de réapprovisionnement. »

S’il souhaitait développer la vente de proximité, l’agriculteur n’a toutefois pas souhaité adhérer à une Association pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap), ou encore au réseau de La ruche qui dit oui (voir encadré). « On me l’a proposé, mais je ne suis pas forcément intéressé, souligne-t-il de son choix. C’est difficile de varier les paniers et si par exemple je propose des blettes, je ne suis pas sûr que cela sera pris. »

La mère de famille venue acheter ses fruits et légumes ce vendredi-là exprime cependant une petite déception. « Vous en ferez pas du tout de fraises cette année ? », questionne-t-elle. « Malheureusement non, c’est trop tard, et les casiers étaient déjà installés lorsque la saison était passée », lui répond Etienne Vallée. Il tient cependant à la rassurer : « Il devrait y en avoir l’année prochaine. » Comme, peut-être, de nouveaux clients ayant découvert qu’il pouvaient manger local tout en étant pressés.

La ruche qui dit oui s’implante dans les gares

Depuis plus de deux ans, un espace de distribution du réseau La ruche qui dit oui, qui organise des points de vente approvisionnés par des producteurs locaux, s’est installé à la gare SNCF de Conflans-Saint-Honorine, une des premières implantations du genre. Sur le même modèle, un deuxième point de distribution a ouvert à Poissy depuis le mois de mai dernier.

« Il s’agit d’un partenariat avec la SNCF. Cela nous permet de toucher du monde puisque c’est un endroit de passage », détaille des 10 000 voyageurs qui passent chaque jour en gare Brian Lhoste, le responsable de la ruche conflanaise. Sur internet, les clients composent le panier puis viennent le récupérer chaque jeudi entre 18 h 30 et 20 h.

Lors de cette vente hebdomadaire, « environ une vingtaine » de commandes sont récupérées, « mais c’est en pleine extension ». Selon le responsable, « 90 % des commandes partent dans la première heure […] Il y a beaucoup d’habitués ». Là aussi, l’idée est d’aller chercher le consommateur à la sortie de son lieu de travail : « On veut montrer que ça ne prend pas plus de temps et on sait ce que l’on mange. »