La forêt de Saint-Germain-en-Laye devra-t-elle toucher le fond pour rebondir ?

Avec plus de trois millions de visiteurs par an, la forêt de Saint-Germain suffoque, à entendre riverains et institutions. Lancés l’an dernier, ses États généraux sont encore sans financements.

La forêt de Saint-Germain-en-Laye se trouverait-elle à un tournant ? Bon nombre de ses arbres souffrent encore de la tempête du 26 décembre 1999. Mais la forêt domaniale, propriété de l’État, rencontre surtout aujourd’hui un problème de « surutilisation », a-t-il été rappelé mercredi 12 septembre à Achères, lors d’une conférence tenue à l’hôtel de ville dans le cadre des Journées européennes du patrimoine.

Une situation critique longuement détaillée par Michel Beal, directeur de l’agence Ile-de-France Ouest de l’Office national des forêts (ONF), propriétaire de ce massif forestier. « A l’ONF, l’une de nos missions est de protéger la richesse environnementale et la biodiversité de la forêt, expose le spécialiste. Mais nous devons aussi accueillir et guider le public dans les forêts. Deux objectifs dont les notions sont plutôt antagonistes, d’où la difficulté de maîtriser cette surutilisation. »

Également présent à Achères, le maire de Saint-Germain-en-Laye, Arnaud Pericard (DVD) en a profité pour rappeler les différents objectifs des États généraux de la forêt, qu’il a lui-même lancés en novembre 2017. Conscient de la situation de plus en plus précaire du massif forestier, l’édile saint-germanois appelle toujours à une mobilisation de l’ensemble des parties concernées, dont la municipalité achéroise, la commune longeant la forêt sur plusieurs kilomètres.

« Tous ici, nous savons l’importance de la forêt de Saint-Germain-en-Laye. Elle souffre et le constat est implacable : il nous faut agir vite », expliquait en novembre 2017 Arnaud Péricard, à la réunion de lancement des États généraux. « La situation commande d’agir aux côtés de l’Office national des forêts dont nous mesurons au quotidien les difficultés, poursuivait-il alors. Ce que nous voulons, c’est construire ensemble un plan d’actions concrètes et rapides. »

Ces mesures souhaitées devaient alors se matérialiser, entre autres, par la rénovation des pistes cavalières, des aires d’accueil et de stationnement, la valorisation des entrées de la forêt, et la création de 27 km de boucles cyclables. Car la forêt domaniale en est arrivée à un point de quasi-saturation.

Chaque année, plus de trois millions de visiteurs, promeneurs, joggeurs, cyclistes, cavaliers et randonneurs, se rendent en forêt de Saint-Germain. Tous trouvent leur compte avec ses 54 km de sentiers balisés, 70 km de pistes cavalières, et plusieurs centaines d’allées forestières, dans 3 532 hectares de nature. Mais cette importante présence humaine génère un épuisement du massif, marqué par de nombreux actes de vandalisme.

Les dépôts d’ordures illégaux y sont estimés à 142 tonnes de déchets ramassés par an. Le mobilier est parfois tagué, incendié ou carrément détruit, n’ont ainsi pas manqué de faire remarquer la soixantaine d’Achérois venus assister à la conférence. « Le panneau Paris-Londres est défoncé, le grillage de l’étang du Corra est très endommagé, et la cabane du parc, toute cassée !, souligne un amoureux de la nature qui aime promener son chien. Moi, ça me fait mal au cœur » .

« L’enjeu, c’est l’avenir de la forêt, s’est ému le maire DVD de Saint-Germain-en-Laye. Les États généraux, c’est bien, mais sans argent, ça ne sert à rien. Il faut s’engager et trouver les fonds. »

Des présences indésirables se font aussi ressentir : les prostituées, les gens du voyage… et les jeunes dérangent. « Dans la page Wikipédia de la forêt, il y a un petit onglet prostitution », fait sourire le maire d’Achères, Marc Honoré (DVD). Selon le directeur de l’ONF , « il n’y a plus trop de problèmes avec les gens du voyage. »

Les adolescents et jeunes majeurs usagers de la forêt sont décrits comme la cause de nombreux soucis par l’auditoire, essentiellement composé de personnes de plus de 50 ans. Le public déplore « leurs barbecues clandestins et les détritus qu’ils laissent à même le sol », comme « les courses de scooter qu’ils organisent la nuit » ou « les feux qu’ils allument le soir pour boire de l’alcool ».

La forêt souffre également des assauts de l’urbanisation. De grandes voies de circulation la traversent, comme les RN184, RD308, RD284 ou RD150. Elles divisent le domaine forestier, qui y a perdu un quart de sa superficie depuis un siècle. L’arrivée du Tram 13 express, qui passera en bordure de forêt de Saint-Germain, amplifiera pour bien des Saint-Germanois cette impression de recul de l’espace naturel, malgré un chantier de reboisement.

Mais l’homme n’est pas le seul à martyriser cette propriété de l’État gérée par son organisme public chargé des forêts. La tempête du 26 décembre 1999 a fait de nombreuses victimes parmi les arbres dont, 19 ans après, certains sont toujours ébranlés. L’évolution du climat, avec des sécheresses comme celle de cet été, joue aussi, selon l’ONF, un rôle dans l’état sanitaire de plus en plus déplorable de la végétation.

Les usages parfois contradictoires de la forêt ne sont pas que ceux du public, parfois inquiet de voir les coupes réalisées par l’ONF. « Lorsqu’on nous voit couper des arbres, on pense tout de suite à la déforestation en Amazonie, défend le directeur de l’agence Ile-de-France Ouest. Sauf qu’ici, on régénère la forêt en coupant les arbres dépérissants et en plantant de jeunes pousses. C’est pourquoi l’ONF se doit de couper des arbres malades et d’en replanter d’autres.» Il rappelle cependant que « la production de bois est la troisième mission de l’ONF ».

Lors de cette réunion achéroise, tous s’accordent à dire que la forêt, à bout de souffle, a besoin d’aide. Seulement, les mesures proposées aux Etats généraux ont un coût, évalué à trois millions d’euros, que le maire saint-germanois n’a pas manqué de rappeler lors de la conférence. « L’enjeu, c’est l’avenir de la forêt, notre forêt, s’est ainsi ému Arnaud Péricard. Les États généraux, c’est bien, mais sans argent, ça ne sert à rien. Il faut s’engager et trouver les fonds. »

Le mécénat pourrait participer à la sauvegarde de la forêt, propose ce soir-là Suzanne Jaunet (LR), première adjointe d’Achères. « En Écosse, quand il y a besoin de recréer des choses, il n’est pas rare de voir des panneaux tout neufs où il est écrit ‘‘offert par’’, rapporte celle qui est aussi vice-présidente en charge de l’urbanisme pour la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO). Alors pourquoi pas chez nous aussi ? C’est le moment ou jamais pour se rendre compte qu’il faut aider la forêt, parce qu’on lui doit bien ça. »

PHOTO : LA GAZETTE EN YVELINES