Logement social : à la Croix ferrée, les locataires s’opposent

Le quartier est visé par une réhabilitation lourde, impliquant le départ des locataires. L’amicale existante est remise en cause par un comité de défense. Chacun accuse l’autre d’être politisé.

Si la situation peut se produire, elle demeure peu courante. Dans le quartier de la Croix ferrée, les locataires se déchirent autour d’une importante réhabilitation de 276 logements, menée par le bailleur social des Résidences Yvelines-Essonne, qui devrait démarrer à partir du second semestre 2019, pour une durée de sept ans. Ce chantier implique le départ actuel des quelques 800 locataires de ces immeubles.

Un comité de défense des locataires, affilié à l’association Consommation logement, cadre de vie (CLCV), s’est créé le 19 septembre dernier, dans le but de faire réviser la charte de relogement signée récemment par la mairie, le bailleur social … et l’amicale de locataires déjà existante. Si les deux groupes de locataires s’entendent sur la nécessité des réhabilitations, chacun accuse l’autre d’être politisé, l’un par la mairie, l’autre par le conseiller municipal d’opposition mantais Marc Jammet (PCF).

Les désaccords entre ces deux groupes de locataires avaient déjà éclaté lors d’une réunion organisée le 5 septembre dernier (voir notre édition du 12 septembre). Si mairie et bailleur semblent disposés à entendre ce nouveau comité, le maire mantais Raphaël Cognet (LR), pointe un « réveil tardif » de la part de ses membres. Les tensions semblent encore bien présentes, ce mercredi 26 septembre au pied du 7 rue des Carrières, bâtiment concerné par la réhabilitation.

Plus d’une soixantaine de locataires, mais aussi de Mantais résidant en centre-ville, écoutent Nohra Drif, porte-parole du comité de défense des locataires. « Nous demandons à ce que la charte soit revue et annulée, explique-t-elle au micro. Nos droits sont bafoués. » Elle pointe également un manque d’égards et d’informations à propos de cette charte « menée sans concertation » et distribuée dans les boîtes aux lettres « comme un vulgaire prospectus » après sa signature le 14 septembre dernier.

Hauts-parleurs oblige, difficile également de ne pas entendre les reproches faits à l’actuelle Amicale des locataires de la Croix ferrée (ALCF). « Est-ce que vous acceptez que l’on signe des choses à votre place ? », questionne Nohra Drif à la foule. Dans l’assemblée, Khalid Bouaalal, secrétaire de l’ALCF, écoute, tête baissée. « Notre but n’était pas d’incriminer l’amicale, tempère Mhijiba, autre porte-parole. Mais après le tract distribué hier (le 25 septembre, Ndlr)… on nous accuse d’être politisés. »

Dans ce tract au nom de l’ALCF, il est possible de lire : « L’ALCF n’est pas un parti politique […] Le comité des locataires combat au détriment de qui et de quoi ? » Contactée pour évoquer l’avenir de l’Amicale, Sandra Da Costa, sa présidente, l’affirme : « Il y a deux combats différents. Le nôtre, c’est que l’opération se passe pour le mieux pour les locataires. L’Amicale est toujours existante et continue son travail. » Des tensions, elle poursuit : « Nous n’avons pas été conviés à leur réunion du 19 septembre (réunion de création du comité, Ndlr). Nous avons été calomniés, insultés. » De son côté, le comité de défense accuse l’Amicale de ne pas avoir informé les locataires de la rue des Carrières de la réunion du 5 septembre dernier.

Lors de cette réunion, l’ALCF avait reproché à Marc Jammet (PCF), conseiller municipal d’opposition, d’avoir lui-même distribué des tracts appelant à la révolte, et avait mis en garde les locataires contre « des manœuvres politiques ». Nohra et Mijhiba demandant des précisions sur l’opération, tract de l’opposant en main, avant de partir. Le conseiller communiste réfute : « Je suis au conseil municipal, politisé, et je ne m’en suis jamais caché. A un moment donné, il faut dire les choses comme elles sont. »

Lui est radicalement opposé aux relogements sans assurance de retour : « Quand les habitants ne nous plaisent pas, on ne les change pas, on les écoute. » Si le comité est soupçonné d’être piloté par Marc Jammet, les mêmes interrogations pèsent sur l’Amicale et ses liens avec la municipalité mantaise. Des soupçons que dément fermement un Raphaël Cognet quelque peu irrité : « Sandra Da Costa, je ne la connais pas personnellement. La mairie n’a aucun lien avec l’ALCF. […] On ne va pas livrer l’Amicale à la vindicte. »

Il poursuit, de la création de ce comité : « C’est un réveil un peu tardif. On cherchait une amicale, on n’en trouvait pas. Nous avons négocié avec les gens en place. Bien sûr que les Résidences vont discuter avec eux. » Cependant « s’engager à tous les reloger, c’est impossible », tranche-t-il. Il évoque des études au « cas par cas », si, à l’issue de la réhabilitation, certains souhaitent retourner chez eux. « Est-ce qu’on a déjà expulsé des gens ? » conclut-il des précédentes opérations.

Aux Résidences, le président du directoire Arnaud Legros se dit ouvert au dialogue, mais insiste sur la nécessité pour les deux collectifs de travailler ensemble : « Le mieux est d’avoir une position unique, je ne peux pas signer deux chartes. Nous sommes tous d’accord pour dire que la réhabilitation est nécessaire. J’incite les deux à se coordonner, j’ai besoin de savoir sur quels points le comité de défense n’est pas d’accord. S’ils font des suggestions, cela se regardera. »

PHOTO : LA GAZETTE EN YVELINES